83. Miss qui jouit, Miss qui pleure

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Oriane

Je dévie le rétroviseur intérieur dans ma direction pour observer mon reflet dans le miroir quelques secondes. Une pensée fugace me traverse l’esprit, un sentiment de culpabilité s’insinue en moi mais je le repousse. Oui, j’ai l’air heureuse, et ça m’ennuie de culpabiliser de l’être, même si j’ai bien conscience que la situation est bancale, que je devrais mettre un terme à tout ça en me décidant définitivement.

Je soupire en sortant de ma voiture. Hugo m’a dit qu’il faisait visiter la maison au coin de la rue tout l’après-midi, et j’espère que ses derniers clients sont partis ou sur le point de quitter les lieux. Nous n’avions pas prévu de nous voir, mais depuis que l’idée de le surprendre m’a prise ce matin, je n’arrive plus à me concentrer sur mon boulot. J’ai l’impression de ne jamais avoir assez de lui, et cette situation me pèse. Voilà pourquoi je débarque ici, après avoir chargé Rachel de récupérer Robin à la sortie de l’école.

J’ai l’impression de faire n’importe quoi. Peut-être même de ressembler un peu trop à ma mère en délaissant mon fils pour retrouver mon amant. La grosse différence reste tout de même que Robin est en sécurité avec une personne de confiance, et pas seul à la maison. Je m’en veux un peu, oui, mais quand j’aperçois Hugo à travers la fenêtre de cette jolie petite maison en plein centre ville, je remise tout ça de côté. Rien qu’une petite heure, une demi-heure peut-être. J’en ai besoin, pour me donner le courage nécessaire pour une nouvelle soirée avec un mari de plus en plus entreprenant. J’en ai besoin parce que mon Lord me manque, que j’ai envie de le voir sourire, de sentir ses bras autour de moi, ses lèvres sur moi… Oui, il faut que les choses changent, j’en ai de plus en plus conscience.

Je tourne le dos au couple qui sort de la maison pour ne pas me faire repérer. Manquerait plus que je les croise à l’agence et que tout m’explose en pleine face, et attends qu’ils s’éloignent pour frapper à la porte. Entendre la voix d’Hugo leur souhaiter une bonne soirée sur un ton à la fois chaleureux et professionnel n’a fait qu’accentuer mon sourire et mon besoin de le voir. Et constater la surprise se peindre sur son visage lorsqu’il ouvre le battant ne m’aide pas à afficher une moue moins enjouée. Mes joues s’échauffent alors que je le détaille des pieds à la tête. Ce pantalon léger couleur taupe me plaît beaucoup, parce que j’ai souvenir qu’il lui fait un cul d’enfer, comme le dit Rachel, et sa chemise blanche, dont les manches sont retroussées sur ses avant-bras solides, est un appel à la luxure. Il a déboutonné le haut et semble avoir abandonné son masque d’agent immobilier au profit de l’homme qui me fait fondre chaque fois qu’il pose ses yeux sur moi. Ou plus globalement, chaque fois qu’il est dans mon champ de vision ou que je pense à lui.

— Je n’ai pas pris de rendez-vous pour une visite, mais j’aimerais beaucoup découvrir ces lieux… Je sais que ça risque de te faire faire des heures supplémentaires, alors je te propose un paiement en nature pour compenser, lui dis-je le plus sérieusement possible tandis que son regard détaille ma tenue.

Est-ce que j’ai pensé au côté pratique ? Un peu… un chemisier crème, une petite jupe corail au-dessus du genou, et possiblement que mes sous-vêtements sont restés dans mon placard, mais ça, il ne le découvrira pas tout de suite.

— Bonjour ma Douce, quelle bonne surprise ! Tu es ravissante, comme toujours. Bienvenue alors pour la visite, mais je te préviens, elle risque d’être poussée et en profondeur, me répond-il après avoir refermé la porte derrière nous.

J’inspire lourdement et me surprends à serrer les cuisses. Bon sang, il lui suffit d’ouvrir la bouche pour m’exciter. J’ai l’impression d’être une midinette en chaleur, et le pire, c’est que j’adore ça. Je ne me fais d’ailleurs pas prier et lui saute dessus, avide de retrouver ses lèvres et son corps pressé contre le mien.

— Poussée et en profondeur, c’est parfait, soufflé-je alors qu’il m’accule déjà contre le mur avant de fondre sur ma bouche.

Ses mains, à l’image des miennes, sont déjà partout sur moi, me marquant au fer rouge et faisant grimper ma température corporelle en flèche. Moi qui étais déjà toute chose à l’idée de le retrouver, je suis au supplice quand il déboutonne mon chemisier, le tirant presque brusquement pour le sortir de ma jupe, et empaume mes seins nus déjà tendus dans sa direction. Je ne suis pas en reste et n’hésite pas à faire tomber sa chemise au sol avant de m’attaquer au bouton de son pantalon. Nous sommes tous les deux enfiévrés par la situation, par nos retrouvailles et l’expectative d’un nouvel orgasme partagé avec intensité après nous être abandonnés l’un à l’autre.

Je crois que je pourrais jouir rien qu’en l’entendant gronder contre ma bouche lorsque, ses mains glissées sous ma jupe, il constate que je ne porte rien en dessous. Et moi, j’empaume déjà son sexe qui tressaute dans ma main. Nos gestes trahissent notre impatience, et ça n’en est que plus flagrant lorsqu’il me soulève pour me déposer sur le plan de travail de la cuisine. Ma jupe remontée sur mes hanches, mon chemisier envolé je ne sais où, ma main a à peine le temps de retrouver sa hampe qu’il empoigne mes cheveux et m’incite à pencher ma tête pour fondre dans mon cou. Ses lèvres n’y restent pas très longtemps, il vient cajoler mes seins de sa langue, mordille mes tétons tandis que je tente de me rapprocher de lui. Nouveau grondement de sa part, qui répond à mes gémissements, lorsque je fais glisser son sexe contre ma fente, nous caressant mutuellement. Je suis déjà hors d’haleine et il n’est même pas encore en moi.

— Prends-moi, je t’en prie, haleté-je en malmenant sa tignasse pour plonger mon regard dans le sien. Tant pis pour la visite poussée, je la veux en profondeur, j’en ai besoin, maintenant.

— Oh Oriane, gémit-il en me soulevant dans ses bras puissants. J’ai trop envie de toi.

Je gémis contre sa bouche lorsqu’il s’enfonce enfin en moi. Une poussée franche, comme un besoin vital de fusionner à nouveau. On est loin de la tendresse de certaines de nos retrouvailles, mais c’est tout aussi exaltant de sentir l’urgence qui nous prend. C’est presque plus intense que ça ne l’a jamais été alors que nous partageons cet instant totalement hors du temps. Hugo ne fait pas vraiment preuve de patience et c’est tout ce dont j’ai envie à cet instant, il va et vient en moi avec rudesse et je réponds à ses mouvements avec tout autant de vigueur. Nous ne prenons même pas le temps de nous embrasser, de toute façon, il est aussi haletant que moi, mais nos yeux ne se quittent pas et j’adore l’observer alors que sa mâchoire se crispe sous l’effort, que le bleu de ses prunelles s’est assombri sous le désir, que sa peau s’est parée d’une fine pellicule de sueur. Cet homme est un appel au sexe et je réponds présente sans aucune hésitation.

Je suis la première à lâcher prise alors qu’il me besogne sans ménagement. L’orgasme est impossible à contenir, j’explose bruyamment, psalmodiant son nom et lui répétant combien je l’aime, et je n’ai pas le temps de redescendre qu’il m’attire brusquement contre lui et se crispe entre mes bras en jouissant à son tour.

Je ne sais combien de temps nous restons dans cette position, à tenter de reprendre notre souffle, de retrouver la terre ferme, mais je finis par pouffer sans parvenir à me contenir.

— Eh bien, il faut croire que tu aimes les surprises, mon Cœur. Rappelle-moi de réitérer l’expérience !

— J’adore ça… C’était… wow… Je t’aime, ma Douce, tu es juste parfaite.

Wow, c’est le mot, et j’aimerais grandement prolonger ce moment, mais la réalité nous rattrape rapidement quand son téléphone sonne. Hugo dépose un baiser sur mes lèvres et se retire avec une lenteur insoutenable qui pourrait me faire repartir pour un tour, sauf que nous nous figeons une seconde en constatant que nous avons oublié d’être sérieux. Je ne sais pas trop ce qui lui passe dans la tête à cet instant, mais il semble moins serein que moi, même s’il me lance un petit sourire.

— Je suis sous pilule, et clean, c’est sûr, chuchoté-je, presque mal à l’aise de devoir en arriver là.

— Tu m’étonnes que c’était encore plus intense. J’ai… adoré et je peux te dire que tu es la seule femme à qui j’ai fait l’amour, je suis plus clean que clean ! Et je t’aime.

Après encore quelques minutes de papouilles et de tendres déclarations, nous nous quittons, non sans mal, sur le trottoir, et je regagne ma vraie vie. Si j’ai hâte de retrouver mon fils, l’idée de passer une nouvelle soirée à mentir à Louis me donne mal à l’estomac. Je n’arrive pas à me décider à lui dire que je veux qu’on se sépare. Je n’aime pas Louis, c’est un fait, mais nous sommes ensemble depuis dix ans et je ne sais pas si je m’en serais sortie sans lui, encore moins avec un enfant handicapé.

La panique me gagne en entrant. Du coin de l’œil, je peux voir que la salle est plongée dans le noir, hormis quelques bougies qui éclairent la table. De la musique s’échappe de la cuisine et Louis sifflote. Magnifique… Comment vais-je me sortir de là, moi ?

Je file au premier pour faire un brin de toilette et me changer. Je peux encore sentir l’odeur d’Hugo sur mon chemisier, et je suis quasi certaine que si je pouvais fourrer mon nez dans mon cou, ce serait la même chose. J’enfile un bas de jogging et un tee-shirt, me parfume légèrement et me démaquille avant de redescendre. La tenue idéale pour foutre en l’air un dîner aux chandelles, non ? Je me déteste, mais je n’ai aucune envie de ce moment en tête à tête avec mon mari.

— Tu cuisines ? m’étonné-je, l’air de rien en entrant dans la cuisine. Et où est Robin ?

— Il est chez mes parents, ce soir. Et j'avais envie de te faire plaisir. Dans tous les sens du terme ! Je te sers un peu de vin ?

“Dans tous les sens du terme”... Le décor est planté, super.

— Je veux bien, oui.

Un grand verre, ou même la bouteille complète pour supporter la dispute qui va arriver.

— Me faire plaisir ? soupiré-je alors qu’il s’exécute. Il suffisait d’une soirée en famille pour ça, pas besoin de jouer la comédie.

— Je me suis fait tout beau pour toi, tu vois ? Et je ne joue pas la comédie, je voulais juste fêter ce nouveau départ avec la femme que j'aime et je désire. A la santé de la plus jolie femme du monde !

Ce nouveau départ qui a eu lieu il y a plus d’un mois… Est-ce qu’il veut le sceller avec une partie de jambes en l’air, c’est ça ? Il pense m’amadouer en cuisinant, en me complimentant ? Bon sang, où est passé le Louis que j’ai connu ? Je ne le reconnais plus, il me semble tellement loin, bien planqué derrière le patron ambitieux, l’homme autocentré à tendance manipulateur que j’observe, à cet instant.

— Fêter notre nouveau départ… Tu veux baiser, quoi, lâché-je, blasée.

— Il n’y a pas de mal à se faire du bien, si ? Et c’est normal que je te désire, tu es ma femme et je t’aime. Mais avant ça, on se fait un bon petit repas en amoureux, histoire de se mettre dans l’ambiance, Chérie.

— Donc tu as planifié notre petite soirée en amoureux. C’est quoi, le deal, tu cuisines donc je dois ouvrir les cuisses ? Tu sais que ça ne marche pas comme ça, n’est-ce pas ?

— J’en ai assez d’attendre, Oriane. Je suis un homme, j’ai des besoins ! Je ne sais pas comment tu fais pour te passer de sexe, mais moi, je n’y arrive plus. Tous les jours, je te vois et j’ai envie de toi. Toutes les nuits, je me fais violence pour ne pas te sauter dessus tellement tu es désirable. Depuis aussi longtemps que je te connaisse, je t’ai toujours désirée, mais là, c’est comme si on était de simples colocataires. Alors, oui, je fais des efforts pour essayer de te décider à m’accepter à nouveau totalement. Qu’est-ce qu’il se passe, dis-moi ! Que dois-je faire pour que tu me laisses à nouveau te faire l’amour ?

J’essaie de ne pas m’énerver en entendant ses arguments, et de réfléchir à une réponse qui ne le blesserait pas, mais c’est compliqué. Sérieusement, comment j’ai pu passer de ce moment torride avec Hugo à cet instant particulièrement désagréable avec Louis ? Je fais n’importe quoi…

— Donc, je dois écouter tes besoins après t’avoir fait poireauter pendant un mois et quelque, alors que j’ai passé des mois à te parler de mon mal-être sans que tu bouges ne serait-ce que le petit doigt ? Moi, je dois t’écouter et accéder à ta demande alors que tu m’as ignorée je ne sais combien de temps au profit de ton agence ?

— Tu vas me reprocher mon erreur toute ma vie ? Je te l’ai dit que je n’aurais pas dû faire ça, que je m’excusais. Si on a décidé de se remettre ensemble, c’est pour vivre en couple, non ? Je ne suis pas un moine, moi. Et si tu as décidé de devenir bonne sœur, ce n’est pas de ma faute, quand même ! Tu n’as plus envie de moi, c’est ça ?

— A vrai dire, je me demande si on est toujours un couple, soufflé-je. Je suis désolée, Louis, mais effectivement, je n’en ai pas envie et je ne vois pas comment forcer ma libido. Je… peut-être que je n’arrive pas à passer au-dessus de ces mois où tu ne vivais que pour ton agence, peut-être que la flamme s’est juste étouffée dans le quotidien, mais… tu sais combien tu comptes pour moi, je n’ai pas envie de te faire souffrir, j’aimerais pouvoir répondre à tes envies, sauf que j’en suis incapable.

— Peut-être que si on essayait, ça reviendrait ? Tu me rejettes sans me laisser une chance, là… Je trouve ça dur, après tout ce que j’ai fait pour toi…

Outch… Il tape dans le mille et je détourne le regard alors que les larmes me montent. Retour de la culpabilité, un bon uppercut qui fait mal. Je peine à trouver mes mots. Je sais que je suis coupable, difficile de se défendre dans pareilles conditions.

— J’ai tout fait pour toi pendant dix ans, ma dette n’est pas encore payée, selon toi ? Je dois m’obliger à faire les choses ? Ça va te rendre heureux, de savoir que je couche avec toi sans en avoir envie, peut-être ? Je… je ne te remercierai jamais assez pour ce que tu as fait, j’en ai conscience, mais… merde, Louis, tu ne vois pas que je ne suis plus heureuse ? Que je m’accroche tant bien que mal depuis un moment déjà ? J’essaie, je te jure que j’essaie…

— Ouais, eh bien, il faut essayer plus ou essayer mieux. Je vais te laisser manger toute seule et réfléchir à ce que devoir conjugal veut dire, grommelle-t-il en jetant sa serviette. Je ne te rends plus heureuse, c’est ça ? C’est moi, la cause de tous tes malheurs ? Il faut que tu te regardes un peu dans un miroir aussi. Jamais tu ne trouveras un autre homme qui t’aime comme moi et qui t’accepte avec ton gamin handicapé. Jamais tu n’auras la chance d’avoir la vie que tu as avec un autre. Alors, quand tu seras revenue à la raison, fais-moi signe. Là, j’en ai assez entendu pour la soirée. Et bon appétit, hein !

Je n’ai pas le temps de rétorquer quoi que ce soit qu’il quitte la pièce, furieux. De toute façon, je ne vois pas bien ce que je pourrais lui répondre, il vient de me laisser K.O sur place. Jamais je n’ai entendu de tels propos sortir de la bouche de Louis. Jamais il n’a qualifié, devant moi, notre fils de cette façon. D’ailleurs, jamais il ne s’est déchargé de son rôle de père, sauf pour plaisanter, quand Robin chouinait au beau milieu de la nuit, bébé. Et le pire, dans tout ça, c’est qu’il est encore capable de m’attendre, de me vouloir toujours à ses côtés.

Je suis partagée entre la colère face à ses paroles, et la peine de lui faire subir tout ça. Et, viscéralement, la peur qu’il abandonne Robin si nous nous séparons revient en force. Ça m’apprendra à aller prendre mon pied avant de rentrer à la maison tiens. On appelle ça le Karma, non ?

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