87. L’alcool fait des dégâts

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Oriane

La porte d’entrée claque et un soupir m’échappe. Je referme rapidement mon ordinateur, envoie un message à Hugo pour lui souhaiter une bonne nuit et éteins la lampe avant de remonter la couverture sur mon corps en tournant le dos à la place de Louis. Vu ses bougonnements alors qu’il monte l’escalier, je dirais qu’il s’est bien amusé avec Vianney et Etienne, et que je suis bonne pour l’emmener récupérer sa voiture chez l’un des deux demain, puisqu’il était censé être Sam, ce soir.

La tournure que prend notre vie à deux pourrait être digne d’un drama. Regards en coin, petites réflexions mesquines, rancœur visible… C’est épuisant et je compte avoir une réelle discussion avec lui ce weekend. Il est temps de mettre un terme à tout ça, ça vaut mieux. Je n’ai pas envie que nous nous détestions, même si je suis certaine qu’il nourrira évidemment une certaine colère à mon propos. Encore plus le jour où il apprendra qu’Hugo et moi sommes ensemble. J’aimerais lui éviter l’humiliation de la relation extraconjugale autant que je je préfèrerais ne pas passer pour la femme adultère, même si c’est ce que je suis. Alors, j’imagine qu’il faudra que nous restions encore discrets un moment avant de nous afficher. Tout ceci me tourne en boucle dans la tête, parce que j’avoue que je ne suis pas très à l’aise par rapport à ces deux hommes qui partagent ma vie. J’ai l’impression de pouvoir bousculer leur monde d’un simple faux pas. Je n’ose imaginer l’ambiance à l’agence, une fois tout dévoilé, et je m’en veux qu’Hugo puisse perdre son boulot par ma faute.

Je ferme les yeux et fais mine de dormir en entendant la porte de la chambre s’ouvrir. Je ne sais pas trop pourquoi je suis restée dans notre lit, suite à notre dernière dispute, parce que chaque coucher est une torture pour Louis comme pour moi.

Et ce soir risque d’être encore pire. Je connais le Louis bourré. Je dirais que j’ai la chance de ne pas avoir un mari qui a l’alcool mauvais, mais dans ces circonstances, le mari à l’alcool amoureux ne me plaît pas davantage, et je suis à deux doigts de me lever pour aller dormir dans la chambre d’amis, au-dessus, pendant qu’il est dans la salle de bain. Je me retiens pourtant, souhaitant éviter une nouvelle dispute. Oui, il a raison, je le fuis autant que possible, et ça le blesse, j’en ai conscience. Je n’arrive pas à trouver la force de lui dire que je veux que nous nous séparions. Je crois que j’ai passé le cap de la peur que Robin vive mal tout ça, même s’il me reste toujours l’appréhension que Louis coupe les ponts avec lui. Tout ce que je veux, c’est que nous vivions dans un environnement serein.

Je me crispe légèrement quand le matelas s’affaisse dans mon dos, un peu plus encore lorsque je sens son souffle alcoolisé balayer mon épaule, et retiens toute remarque quand il se colle dans mon dos, glissant sa main sous mon tee-shirt pour empaumer l’un de mes seins. Je bouge doucement, jouant l’endormie, et repousse son bras en soupirant, ce qui ne l’empêche pas de réitérer son geste. Super…

— Laisse-moi dormir, marmonné-je en le repoussant plus fermement.

— Oh mais tu ne dors plus, puisque tu me parles. Et sens comme je suis bien en forme pour toi, me répond-il en attrapant ma main pour la poser sur son érection. Tu m’excites, Chérie.

Sentiment absolument pas partagé… Je n’ai jamais été toute excitée par le Louis qui a bu, et ce n’est certainement pas ce soir que cela va changer. Je retire vivement ma main et lâche un couinement lorsqu’il la récupère d’autorité pour la reposer sur sa hampe tendue. Ce peau à peau me fait autant grimacer que la situation qui l’induit, et je me retourne pour le repousser de ma main libre et me délivrer de sa poigne.

— Arrête ça, Louis, cinglé-je d’une voix ferme. Tu es ivre, tu n’as pas les idées claires.

— Oh, ça va, hein. Si tu n’avais pas envie de moi, tu aurais mis autre chose que cette nuisette qui te découvre les fesses, grogne-t-il en frottant son sexe contre mon ventre. On est mariés ou pas ? J’ai envie de toi et ce soir, tu vas me faire plaisir, c’est tout.

— Être mariés n’est pas un argument recevable pour m’obliger à faire quoi que ce soit. Arrête ça, s’il te plaît, soupiré-je en me décalant plus au bord du matelas.

— Ouais, c’est bon, là. Ça fait des semaines que tu me repousses. Ce soir, j’ai pas envie de jouir comme un con dans ma main. Je veux que tu me suces, au moins, et ça, c’est pas négociable. Viens-là, tu vas aimer ça, en plus. Tu as toujours aimé le goût de mon sperme.

En parlant, Louis s’est levé et a fait le tour du lit pour se retrouver devant moi. Il pose ses mains sur ma tête pour m’empêcher de bouger et me balance sa queue sur le visage. Je me la prends dans l’œil avant de réussir à reculer un peu la tête mais désormais, il presse son sexe contre mes lèvres que j’essaie de garder fermées.

— Allez, merde, ouvre la bouche, je te promets qu’après, je te rends la pareille, tu vas adorer. Fais pas ta mijorée. Et puis, avoue, ça t’excite que je te force la main, hein ?

Mon Dieu, mais qu’est-ce qui lui prend ? Jamais Louis ne s’est montré aussi brutal, et je peine à masquer la peur qui a pris naissance dans mon estomac. Je tente de le repousser alors qu’il agrippe ma nuque pour me forcer la main, mais il attrape mon menton de son autre main pour m’obliger à ouvrir la bouche. Je me débats comme je peux, résiste autant que possible, et, malgré la pénombre, je vois les traits de son visage se durcir et la colère transparaître dans ses yeux. Ça y est, je panique vraiment.

— Putain, tu fais chier, Oriane. J’ai envie de toi, moi !

Louis n’est certainement pas l’homme le plus musclé que je connaisse, mais il a de la force et malgré ma motivation à l’empêcher de faire quoi que ce soit et la crispation de ma mâchoire, il finit par atteindre son objectif et lâche un grognement sonore qui me paralyse un instant avant que je ne réagisse. Si je suis paniquée, dégoûtée par ses actions, c’est la colère qui me pousse à lui marteler le ventre de coups de poing comme je le peux, et dès qu’il lâche sa prise, je recule sur le lit jusqu’à m’étaler au sol de l’autre côté. Les yeux embués, je me relève aussi vite que possible et vais m’enfermer dans la salle de bain, tremblante comme jamais. Louis vient cogner à la porte et je ne sais pas s’il prononce des mots incompréhensibles ou si mon cerveau refuse de l’entendre, mais j’enfile mon jean resté sur le bord de la baignoire ainsi que mon vieux gilet comme une automate. Je me brosse les dents sans parvenir à compter les trois minutes, j’y passe peut-être le double ou le triple, je ne saurais dire, puis je me poste à la porte en attendant qu’il se calme, ce qui prend encore un moment. Fatiguée d’attendre, je prends mon courage à deux mains et sors, le bouscule pour aller récupérer mon portable que je glisse dans ma poche arrière en le gardant à l’œil. Il approche alors que j’enfile la première paire de chaussures que je trouve, et je sens la panique remonter à vitesse grand V.

Je ne peux pas rester ici. D’ailleurs, je me demande si je pourrais un jour me retrouver à nouveau seule avec lui. Mes mains tremblent encore quand je sors de la chambre. J’entre dans celle de Robin, me sentant déjà coupable de le réveiller au beau milieu de la nuit, verrouille la porte et tente de me calmer malgré les nouveaux beuglements de mon mari. Quand je me sens un peu plus sereine, j’allume la lampe de chevet de mon fils et m’accroupis à ses côtés pour le réveiller doucement. Je crois n’avoir jamais été aussi heureuse qu’il soit sourd, parce que Louis m’insulte de tous les noms possibles et imaginables, et mon cœur se fissure davantage encore. Tout est ma faute, je le sais. J’aurais dû être plus franche avec lui, j’aurais dû lui dire que c’était fini plutôt que de flipper. Voilà où on en arrive en faisant l’autruche…

— Coucou, Trésor, signé-je en souriant tendrement. On va… aller chez Tata Rachel, lève-toi, OK ?

Je dépose mes lèvres sur son front et lui caresse les cheveux alors qu’il m’observe sans bouger. J’essaie d’avoir l’air normal, mais je doute que ça fonctionne, vu comme il m’observe. Et il doit ressentir les vibrations de la porte, où Louis s’acharne, parce qu’il jette plusieurs coups d’œil dans sa direction.

— Eh, tout va bien, Robin, signé-je à nouveau après avoir attiré son attention. Je te promets que ça va aller.

Je me lève et récupère son sac de voyage pour y glisser plusieurs tenues, attrape son sac d’école près de son bureau et dépose le tout près de la porte avant de l’aider à enfiler un pull par-dessus son pyjama. Une fois ses baskets enfilées, Robin reste assis sur le rebord de son lit, son vieux doudou à la main, son visage fatigué et ses yeux interrogateurs qui me scrutent encore. Culpabilité, bonjour.

Je me tourne vers la porte pour qu’il ne puisse pas lire sur mes lèvres et inspire profondément.

— Va te coucher, Louis. Je m’en vais avec Robin, je refuse qu’on reste ici. Tu peux me haïr, vouloir me le faire payer, mais je t’en supplie, ne montre pas cette facette de toi à notre fils. Il n’y est pour rien dans tout ça… Pense à lui.

— Mais Chérie, je t'aime, pleurniche-t-il derrière la porte… Je ne voulais pas te faire de mal… Je… je vais dans notre chambre mais reste s'il te plaît. Reste…

— Va au lit, soufflé-je, soudain épuisée.

J’entends son soupir, le petit coup à la porte qui me laisse à penser qu’il a posé son front contre, et il garde le silence autant que moi. J’ai juste hâte qu’il prenne la poudre d’escampette, qu’il me laisse partir sans infliger cette scène à Robin… Il est tellement ivre qu’il pourrait bien être encore à poil sur le palier, et ses yeux vitreux sont un spectacle que je ne veux pas offrir à mon fils.

Mes épaules se relâchent quand j’entends la porte de notre chambre se fermer. Ça ne dure pas bien longtemps, parce que vu le bruit qui parvient à mes oreilles, il a dû envoyer valser un vase ou une lampe de chevet à travers la pièce. Je ne perds pas mon temps, glisse les sacs sur l’une de mes épaules et prends Robin dans mes bras. Il pèse une tonne, tant pis, il est à moitié endormi et je veux partir le plus vite possible. Je me lance dans les escaliers après avoir déverrouillé la porte en silence, récupère mon sac à main et m’échappe de la maison. Je pense n’avoir jamais attaché Robin aussi vite de ma vie par peur que Louis ne débarque, mais je prends à nouveau le temps d’essayer de le rassurer d’un regard avant de monter à mon tour. Si mon mari est ivre, il a apparemment encore toute sa tête puisqu’il n’est toujours pas sorti de la maison quand je quitte la cour. Je ne sais pas si j’en suis satisfaite ou si ça m’effraie davantage encore.

A la première intersection, j’ai un instant d’hésitation. Les mains encore tremblantes, je ressens le besoin viscéral de me lover contre le grand corps d’Hugo avant de me mettre à pleurer sans plus parvenir à m’arrêter. Je jette cependant un coup d’œil à Robin dans le rétroviseur, ce qui me permet de faire mon choix. Lui d’abord, moi, ça ira, on verra plus tard. Rachel saura me calmer aussi si besoin. Robin a besoin d’un lieu connu, et quoi de mieux que sa chambre chez sa marraine, après tout ? C’est mieux ainsi pour le moment, et c’est aussi plus près. Vu mon état, il est préférable d’éviter de prendre davantage de risques. Direction chez Rachel, c’est parti…

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