88. Quand le patron n’est pas là…
Hugo
Une nouvelle fois, je regarde le message que j’ai envoyé ce matin à Oriane. Je n’y vois rien de problématique et me demande pourquoi elle n’y a pas répondu.
— Bonjour mon Amour. Je t’aime et j’ai hâte de te voir. Bon réveil et bisous à Robin. A très vite.
Vraiment rien de particulier… Je me demande ce qui lui arrive et espère qu’elle n’a pas décidé sur un coup de tête ou un ultimatum de Louis de tout arrêter entre nous. De toute façon, quand je le verrai, lui, je saurai un peu ce qu’il se passe en fonction de son état d’esprit. S’il est à nouveau tout guilleret, je saurai à quoi m’attendre. Et donc, c’est plein d’appréhension que je pousse la porte de l’agence où je suis accueilli par Fabienne qui me fait un grand sourire auquel j’essaie de répondre du mieux que je peux.
— Bonjour Fabienne. Tu vas bien ?
— Bonjour, bonjour ! Tout va bien, oui, et toi ? J’espère que tu es en forme, aujourd’hui ! Je suis en train de dispatcher les rendez-vous de Louis entre vous trois, et comme tu es mon chouchou, possible que je sois gentille avec toi.
— Louis n’est pas là ? Qu’est-ce qui lui arrive ? demandé-je, inquiet.
— Il a laissé un message tôt ce matin, il est malade. Mais bon, entre nous, j’ai entendu Vianney et Etienne dire qu’il était bien bourré hier soir…
— Ah, je vois. Ne me rajoute pas trop de rendez-vous quand même, je suis bien chargé déjà aujourd’hui.
— Je vais faire ce que je peux, mon Petit. Mais… si ton projet est de me ramener des chocolats demain, je pense que je pourrai un peu oublier ton prénom en répartissant les rendez-vous, sourit-elle en me faisant un clin d’œil complice.
— On fait ça, dis-je en filant vers mon bureau.
A peine installé, j’envoie un nouveau message à Oriane parce que je me demande ce qu’il s’est passé hier soir avec un Louis qui est rentré bourré chez lui.
— Coucou. J’ai appris que Louis était rentré alcoolisé hier. Tout va bien ? Je m’inquiète pour toi.
J’essaie de me mettre à mon travail, mais je n’arrive pas à me concentrer, surtout quand je vois l’email de Fabienne qui m’indique que je vais devoir m’occuper de Mme Germain en fin de matinée. Le rendez-vous est à son domicile, en plus, super. Mais bon, c’est le seul qu’elle m’a rajouté, elle a tenu parole et je lui en suis reconnaissant. Je lui confirme que c’est bon pour moi et sursaute quand mon téléphone se met à vibrer sur le bureau. Je décroche fébrilement.
— Tout va bien ? Je… je me suis inquiété vu que tu ne m’as pas répondu…
— Oui, oui… Je suis désolée, on a fait une petite grasse matinée avec Robin. Tu vas bien ?
— Louis n’est pas venu travailler. Il est aussi avec toi ? demandé-je, un peu gêné.
Mon esprit jaloux s’imagine déjà qu’elle a cédé à ses avances la nuit dernière et qu’ils se sont levés tard parce que trop fatigués après tout ce sexe… et qu’il ne vient pas travailler car ils sont prêts à recommencer.
— Non, je suis chez Rachel, me répond-elle platement. Tu m’appelles pour savoir si j’ai passé ma nuit avec lui alors, c’est ça ?
— Non, du tout, je… Pourquoi tu es chez Rachel ? Il t’a fait quoi ce gros con ?
Je m’en veux d’avoir pu imaginer quelque chose entre eux, mais je ne comprends pas sa réticence à évoquer ce qu’il s’est passé. Je suis un peu perdu face à son attitude et son ton qui ne présage rien de bon.
— C’est pas important… On en discutera quand on se verra, d’accord ? Tu dois avoir du boulot, y a plus urgent. Je… j’ai gardé Robin pour la journée, je l’ai levé en pleine nuit, il était K.O ce matin, mais… on peut se voir au déjeuner, demain ?
— Si tu veux, oui. Mais je peux aussi me libérer aujourd’hui. Je… Tu sais qu’il n’y a rien de plus urgent que toi ?
— Je voudrais rester avec Robin aujourd’hui, Hugo. C’est pas contre toi, et honnêtement, c’est chez toi que j’ai failli débarquer, cette nuit, mais… c’était mieux qu’on vienne chez Rach, pour lui.
— Dis-lui de passer ce soir, bordel ! s’énerve Rachel derrière elle. Sinon c’est moi qui lui raconte !
— Je comprends pour Robin, ne t’inquiète pas. Écoute, je viens te voir dès que j’ai fini mon boulot. Je vais appeler Natalia et lui dire que ce soir, je ne m’entraîne pas et tu m’expliqueras tout, d’accord ?
— Vous êtes tout aussi têtus l’un que l’autre, c’est dingue, me rétorque-t-elle, un sourire dans la voix. Va t’entraîner et passe après, Robin sera au lit et Rach aussi, on sera tranquilles, au moins sans cette hystérique.
— Y a de quoi l’être, je vais le démolir, je te dis ! bougonne son amie.
— Je fais comme tu veux, Oriane, mais si tu le souhaites, je suis là tout de suite. Je t’aime et je crois que je vais aider Rachel à démolir Louis…
— Je t’aime aussi. Et je vais bien, OK ? Pas besoin de te faire un sang d’encre, je suis juste… fatiguée.
— C’est normal de m’inquiéter pour toi. Je te laisse alors, mais tu m’appelles au moindre souci. Et toi aussi, Rachel, tu m’appelles s’il faut que je vienne, hein ! crié-je dans le téléphone pour qu’elle m’entende.
— Je viens de perdre un tympan, rit Oriane. Je ne te remercie pas. A ce soir, et… merci d’être là.
Je raccroche après m’être assuré que son tympan va bien et me demande ce que mon patron lui a fait cette nuit pour qu’elle et son amie soient dans cet état-là. Je sens une sourde colère monter en moi contre Louis et je m’oblige à me concentrer sur mon travail pour arrêter de m’énerver. Voyant l’heure déjà avancée, je récupère le dossier de Mme Germain et me rends, comme prévu, à son domicile. Elle habite un petit appartement dans un quartier résidentiel de la ville et je me fais la réflexion que son divorce a dû bien lui rapporter si elle a les moyens d’envisager d’acheter une maison en bord de mer.
Lorsqu’elle m’ouvre la porte, nous restons tous les deux sans voix en voyant l’autre apparaître, elle parce qu’elle s’attendait à voir Louis, sûrement et moi… Eh bien, disons que je ne m’attendais pas à être reçu par une femme vêtue d’un simple bikini jaune fluo et dont le bas n’est même pas une culotte mais un string. Elle a clairement envie de montrer tout son corps ou presque.
— Mon Dieu, mais… pardon, je m’attendais à quelqu’un d’autre, glousse-t-elle en se décalant. Entrez, je vous en prie.
— Je peux repasser à un autre moment, si vous voulez. C’est juste que Louis est malade et qu’on m’a demandé de le remplacer. Je croyais qu’il avait rendez-vous à cette heure-ci, il a dû y avoir une incompréhension quelque part.
— Non, non, il devait bien venir à cette heure. Restez, Hugo, ça ne me dérange pas du tout, au contraire.
Je me retiens de hausser un sourcil et hésite avant de finalement la suivre. Nous sommes chez elle, qui suis-je pour juger de la façon dont elle s’habille ? Ce n’est pas pire que si je la voyais à la piscine.
— J’ai pris le temps de regarder votre dossier, ne vous inquiétez pas, je peux vous présenter les différents biens qu’a sélectionnés Louis pour vous.
— Vous êtes toujours aussi professionnel ou c’est parce que je ne vous plais pas ? me demande-t-elle en approchant.
— Eh bien, disons que quand je travaille, j’essaie de rester professionnel, oui. C’est ce qu’on fait à l’agence, il me semble. Cela vous surprend ?
— Un peu, oui, pouffe-t-elle Je n’ai pas l’impression que l’intérêt que votre boss me porte soit très professionnel. Oh, je ne m’en plains pas, vous savez. Comme je ne me plains pas que vous soyez là. Après tout, il faudrait vraiment être très difficile pour ne pas apprécier la marchandise, minaude-t-elle en faisant courir le bout de ses doigts sur mon torse.
— Eh bien, je ne sais pas ce que Louis vous a laissé entendre, mais je ne suis pas intéressé, moi, répliqué-je en repoussant sa main. Je vous montre les maisons ou cela ne vous intéresse pas du tout ?
— Comment pouvez-vous être aussi canon et aussi coincé, sérieusement ? s’esclaffe-t-elle. Vous allez finir par me vexer.
— Je ne suis pas coincé, je ne suis juste pas intéressé, j’ai tout ce qu’il me faut chez moi, c’est tout.
— Quelle petite veinarde ! Mais… je vous promets que ça restera entre nous, chuchote-t-elle sur le ton de la confidence en dénouant le haut de son maillot.
Et elle ne s’arrête pas là. Je n’ai pas le temps de réagir que déjà, elle retire son string et me fait face, nue, en prenant une pose qu’elle pense être sensuelle et que je trouve clairement vulgaire. Cela me met en colère, encore plus parce que j’imagine que si Louis était venu, il en aurait sûrement profité. Mais là, elle a misé sur le mauvais cheval. Froidement, je me lève et laisse le dossier sur la petite table basse où je l’avais ouvert.
— Bien, je pense que vous ne comprenez pas forcément bien le français. Je vous laisse les propositions de biens et vous laisserai voir ça avec Louis, à son retour. En attendant, je vous conseille de vous rhabiller parce que vous risquez d’attraper froid. Et si vous osez le moindre geste envers moi, je vous garantis que je vous colle un procès. Non, c’est non. Tout le temps. Même quand on pense avoir un joli cul. Bonne journée, Madame Germain.
Sans plus un regard pour elle, je tourne les talons et sors avant qu’elle ait pu reprendre ses esprits et me sauter dessus. Elle est vraiment pas mal au niveau physique, c’est évident, mais franchement son attitude est révoltante. Et Louis, quand il va revenir, il va m’entendre. S’il avait été professionnel dès le début, jamais on n’en serait arrivé là. Quoi qu’il puisse dire, c’est de sa faute si je me suis retrouvé dans cette situation. Et s’il s’en est pris à Oriane, je vais être doublement en colère et patron ou pas patron, je lui dirai ses quatre vérités, foi de Lord !
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