90. La colère du Lord

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Hugo

Avant de partir au travail, je serre Oriane très fort dans mes bras. C’est fou ce qui lui est arrivé. Quand j’ai appris ce que Louis a essayé de lui faire, j’ai senti en moi une violence folle se développer, comme je n’avais jamais connu auparavant. J’ai eu des envies de meurtre contre mon patron et j’ai aussi eu une folle envie de les protéger, elle et son fils. Je ne me croyais pas aussi protecteur, mais il faut croire que l’amour, ça transcende et ça transforme.

— Bon courage pour évoquer avec Robin ce qu’il s’est passé. Tu me fais signe dès que c’est bon pour que je revienne. Même si je ne veux pas trop le perturber non plus, j’ai besoin d’être auprès de toi, vu les circonstances. Et puis, je me demande s’il n’a pas déjà capté que j’étais là, près de toi, il n’entend pas mais il perçoit vraiment bien tout le reste, ton Robin. Enfin, tu me dis et j’arrive tout de suite, d’accord ?

— Promis. Reste zen, OK ? Je… je crois que j’ai déjà chamboulé assez de vies comme ça, ces derniers jours. Tu as besoin de ce boulot, tant que tu n’en as pas d’autre. Et j’ai besoin que Louis ne sache pas tout de suite pour toi et moi, même si j’en ai marre qu’on se cache.

— On verra dans quel état d’esprit il est, je vais faire mon maximum, dis-je doucement sans toutefois lui promettre quoi que ce soit. A tout à l’heure au téléphone, au moins, et je passe ici dès que tu me dis que c’est possible.

La colère qui bout en moi est en effet énorme et je me demande comment je vais faire pour ne pas exploser et dire ses quatre vérités à cet homme incapable de respecter son épouse.

— Hé, Hugo, soupire Oriane en passant ses bras autour de mon cou. Je t’aime, et je vais bien, je t’assure. Tu m’as l’air sur les nerfs, je n’aime pas ça…

— Moi aussi, je t’aime. Et ça va aller, tu sais. Je réalise juste que tu es ce qu’il y a de plus important dans ma vie désormais, et je te jure que plus personne ne te fera de mal. Ça, c’est sûr, sinon, il ou elle aura affaire à moi.

— Tu sais que tu es très sexy quand tu me fais de telles déclarations ? sourit-elle avant de m’embrasser tendrement. File. Et je suis une grande fille, tu sais ? Je peux me défendre toute seule, même si tu portes très bien le costume de Cow-boy.

Je profite encore d’un dernier câlin avec cette femme magnifique qui me rend complètement fou d’amour et je passe chez moi pour me changer rapidement, ce qui fait que j’arrive au travail avec près de quinze minutes de retard. Je suis accueilli par Fabienne qui a la tête des mauvais jours.

— Bonjour Fabienne. “Il” est revenu ? demandé-je sans parler trop fort.

— Oui, et je songe à me faire porter pâle, grimace-t-elle. Tu devrais aller t’enfermer dans ton bureau et coincer la porte avec un meuble. Enfin… il alterne entre grosse colère et déprime sévère, c’est… bizarre. Tu n’en saurais pas plus, toi, par hasard ?

— Je sais juste qu’il n’a pas été réglo avec sa femme et qu’elle s’est barrée. Ce qui explique son attitude envers nous. C’est toujours nous qui subissons, dans ces cas-là, ça en devient fatiguant.

Je sais que j’en dis trop, mais je me dis que Fabienne a bien le droit de savoir pourquoi il est de mauvaise humeur. J’ai l’impression en plus que ce matin, je suis sans filtre, ça promet.

— Louis est un impulsif, que veux-tu… Donc, Oriane est partie, soupire-t-elle. Ça promet. Rassure-moi, elle ne s’est pas réfugiée chez toi, quand même ?

— Non, non, je ne suis pas fou à ce point-là, répliqué-je. Et d’ailleurs, pourquoi serait-elle venue à la maison ?

— Ah, ne me prends pas pour une andouille, mon Petit. Je vieillis, mais je ne suis pas encore aveugle, rit-elle. Il y a des regards qui ne trompent pas. Sans parler du fait que la femme du patron est bizarrement venue sur place plus souvent, ces derniers temps, et pas pour s’engueuler avec son mari. Je ne juge pas, hein, mais fais gaffe à toi quand même.

— Je suis un gentleman qui vient en aide aux jolies femmes en difficulté, que veux-tu ? Donc, si un jour tu as besoin d’aide, tu sais où me trouver.

— Ouais, sauf que moi, tu ne me colles pas dans ton lit. Sacrée différence, quand même. Mais j’en prends note, promis. Merci, Beau Gosse !

Je me demande qui d’autre peut être au courant pour nous. Je pensais que nous avions été discrets, mais il faut croire que ce n’était pas autant le cas que nous l’imaginions. J’envoie un petit message à Oriane pour lui confirmer que son mari est bien au travail et me dirige vers mon bureau. Malheureusement, je suis interpellé par Louis qui me voit passer et m’appelle dans son bureau. Je souffle pour essayer de rester zen et pousse sa porte.

— Bonjour Louis. Tu as besoin de quelque chose ? Tu souhaites peut-être avoir les détails de ce qu’il s’est passé avec Madame Germain ?

Je ne sais pas pourquoi j’attaque immédiatement sur ce sujet, mais tant pis, c’est lancé. Il aurait mieux fait de me laisser tranquille, ce matin, parce que je suis à prendre avec des pincettes. Pas sûr qu’il sache le faire vu son état. On dirait qu’il n’a pas dormi et je ne suis même pas sûr qu’il ait pris le soin de changer ses vêtements ou de prendre une douche récemment.

— L’une des maisons lui a plu ? Tu as programmé des visites ? Je vais reprendre le dossier, merci d’avoir assuré hier.

— Je n’ai pas eu l’occasion de parler maison avec elle. Elle t’attendait, en bikini, prête à parler de tout sauf d’immobilier. Et d’après ce que j’ai compris, si tu étais allé à ce rendez-vous comme prévu, tu n’aurais pas dit non ! Cette femme est une nympho et je ne comprends pas comment ça se fait que tu ne sois pas resté strictement professionnel avec elle !

— Je… Pardon ? Je ne pense pas avoir de comptes à te rendre, grommelle-t-il en me fusillant du regard.

— Si, tu as des comptes à me rendre. Tu es mon patron et tu m’envoies à ta place à un rendez-vous où je me retrouve devant une femme nue qui cherche à me sauter dessus. Et encore, moi, je suis célibataire, à la limite, même dans le cadre professionnel, je pourrais peut-être céder à la tentation, mais toi, tu es marié ! C’est quoi, cette agence ? Parce qu’une femme montre ses seins, on doit tout lui pardonner et tout laisser passer ? Dès le début, alors que j’essayais de mettre des limites, tu es intervenu. Tu as vu ce que ça donne de tout gérer à ta façon ?

Bon, eh bien, c’est raté pour rester calme. J’ai monté le ton et je me suis lancé dans les reproches. Je le vois se fermer encore plus qu’il ne l’était et ses yeux lancent des éclairs. Mais cela ne me fait pas peur. Il n’a pas été professionnel et, quelles que soient ses difficultés personnelles, ça n’excuse pas ce manque de professionnalisme.

— Je ne vois pas en quoi tout ça te regarde ! Ce n’est pas parce que tu as récupéré Robin à l’agence une fois que tu dois te permettre de te préoccuper de ma vie personnelle à ce point ! Je te remercie de garder tes jugements à la con pour toi, j’ai autre chose à faire que de recevoir tes jugements de valeur de bon matin. Et baisse d’un ton, n’oublie pas que c’est à ton patron que tu parles, pas à ton pote !

— Tu parles d’un patron ! Tu as vu dans quel état tu mets toute ton équipe dès que tu as un problème personnel ? C’est ça, être responsable ? De transmettre ta mauvaise humeur et ta colère à tout le monde dès que tu arrives ? J’ai jamais vu Fabienne comme ça ! Et Vianney et Etienne, tu ne t’es jamais demandé pourquoi ils se mettent en télétravail ou vont en rendez-vous extérieurs dès qu’ils te sentent de mauvais poil ? C’est pas du management, ça, c’est de la torture intellectuelle. Tu sais quoi ? Moi, j’en ai assez de tout ça. Alors, non, je ne vais pas baisser d’un ton, je vais même l’augmenter. J’en ai marre et je me casse. Tu peux lancer une procédure de licenciement contre moi, mais je m’en fous et tu sais pourquoi ? Parce que je démissionne. Tu auras ma lettre dans la journée et, je te préviens, je ne fais pas de préavis. C’est à effet immédiat. Et tu as intérêt à l’accepter sinon je rends public le harcèlement dont j’ai été victime par Madame Germain. Ça te fera de la bonne pub, tiens !

— Mais vas-y, barre-toi, la porte est grande ouverte ! vocifère-t-il. Tu te crois indispensable, peut-être ? On roulait très bien avant que tu débarques et je n’aurai aucun problème à te remplacer, alors vas-y, démissionne, ça m’est totalement égal !

Sans plus réfléchir, je claque la porte de son bureau derrière moi et vais chercher mes affaires dans mon bureau. Fabienne qui a tout entendu vu le niveau sonore de notre dispute, m’y rejoint rapidement alors que je récupère les quelques babioles personnelles qui m’appartiennent.

— Tu m’abandonnes, alors ? soupire-t-elle en se laissant tomber sur le fauteuil. Tu n’y es pas allé de main morte…

— Ecoute, j’en ai marre de me faire traiter comme une merde par Louis. Et puis… tu me vois, dans ma situation, continuer à faire comme si de rien n’était ?

— Disons que ça aurait pu être comique que tu ramènes Madame à la prochaine petite sauterie de l’agence. J’aurais aimé voir sa tête, au boss. Enfin… je deviens méchante, mais c’est pas facile ici, en ce moment, et je viens de perdre mon acolyte… Avec qui vais-je dégoiser sur le patron, maintenant ?

— Eh bien, qui sait ? Mon remplaçant sera peut-être aussi mauvaise langue que moi ! Ou alors, il va recruter Madame Germain afin de l’avoir sous la main ? Je suis désolé, Fabienne, mais je m’en tape un peu. Enfin, pas de ce qui va t’arriver à toi, mais pour l’agence, je ne suis pas inquiet. Il ne sait pas gérer ses émotions, mais ça reste un mec qui sait faire marcher son business. Une fois qu’il sera un peu remis de ce qui lui arrive en ce moment, ça repartira comme avant. Mais il vaut vraiment mieux que ce soit sans moi.

— Je survivrai… mais donne-moi des nouvelles, mon Petit. Et si je ne réponds pas pendant vingt-quatre heures, viens me sauver, OK ? rit Fabienne.

— Promis. Et surtout reste comme tu es. Sans toi, l’agence serait déjà morte depuis longtemps. C’est quand même mieux d’être accueilli par un sourire et quelqu’un de compétent que par cet abruti de Louis qui fait la gueule. Tu as mon numéro, n’hésite pas, hein ?

J’abrège un peu cet au revoir dont je suis la cause. Non pas que Fabienne me dérange, mais je suis déjà redescendu de ma colère et, si je reste trop, je risque de revenir sur ma décision. Elle est un peu folle, mais vu ce que je vis avec Oriane, il faut que je reste ferme dessus. Je retrouverai bien un nouveau travail. Et au pire, j’augmenterai mes heures de show au Lotus Club. David arrive à en vivre, pourquoi pas moi ?

Une fois revenu à ma voiture, je me demande ce que je vais faire par rapport à Oriane. Il faut que je la prévienne, mais elle a d’autres choses à gérer en ce moment. Elle doit être en train de récupérer ses affaires, après elle va devoir parler à Robin de leur séparation. Et comment va-t-elle prendre ma démission, elle qui me disait de rester calme et de ne pas faire n’importe quoi au boulot ? J’espère qu’elle ne va pas me prendre pour un illuminé et faire marche arrière. Si je la perds, je perds tout… Je vais attendre que l’on se voie pour lui dire, ce sera mieux…

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