91. Déjeuner coquin pour tous

8 minutes de lecture

Oriane

Je grimace en entendant Rachel glousser et pousser un petit cri. Merde, merde merde, il faut que je me barre d’ici au plus vite. Qui a dit que les petits rencards coquins étaient réservés aux amants qui devaient se cacher ?

Quand Mathieu a franchi le seuil de la maison à midi dix tapantes, virant déjà ses chaussures à coups de pieds et déboutonnant sa chemise, j’ai compris que je n’étais pas vraiment la bienvenue. J’ai quand même osé une petite blague qui l’a refroidi directement, en lui demandant s’il comptait me faire un striptease et rivaliser avec mon Lord… Il s’est confondu en excuses avant de m’avouer que Rachel et lui avaient prévu un après-midi coquin. Donc… à moi la rue !

Rachel est rentrée pendant que je remplaçais le jogging de déprime par un short en jean et un petit débardeur fluide. Elle est passée par ma chambre pour me dire qu’ils resteraient dans la leur, mais que c’était la période idéale pour concevoir. Le message était d’autant plus clair. Donc, changement de plan pour moi qui comptais encore abuser du chocolat en bossant. Je lui ai dit que je récupérerais Robin à l’école et qu’on ne rentrerait qu’après le dîner pour leur laisser le champ libre.

Je récupère la sacoche de mon ordinateur ainsi que mon sac à main et quitte la maison en claquant la porte pour les avertir. Hugo m’a proposé de venir déjeuner chez lui quand je lui ai suggéré un pique-nique improvisé au parc et je me demande bien ce qu’il fiche chez lui… J’ai comme l’impression que ce matin n’a pas été de tout repos à l’agence. Ou il s’est finalement porté pâle, trop énervé pour garder pour lui ce qu’il avait à balancer à Louis.

Je trouve miraculeusement une place sur le parking du port, manquant d’accrocher un pare-choc au passage à cause de touristes garés comme des pieds, et profite des rayons du soleil sur le trajet à pied jusqu’à la porte de l’immeuble. Le vent chasse les nuages suffisamment rapidement pour que ma peau s’échauffe un peu, j’ai le temps de remarquer le regard de certains hommes sur moi et regretterais presque d’avoir voulu porter haut et fort le drapeau du “No bra”, pour le coup. Surtout que la sororité féminine ne semble pas de sortie encore aujourd’hui. Foutues convenances sociales.

Oui, je devrais penser à mille et une choses, mais là, j’ai l’esprit trop embrouillé pour le faire, alors je me raccroche à ce que je vois : des mecs qui reluquent ma poitrine, des nanas qui me lancent un regard dédaigneux, des gens installés en terrasse, le sourire aux lèvres…

Il me faut un chez-moi. Il faut que je trouve les mots pour Robin. Je dois contacter un avocat. Et parler à Louis. Ma seule certitude, à cet instant, c’est d’être accueillie par deux grands bras forts et un torse chaleureux, un sourire rassurant et deux beaux yeux dans lesquels je vais adorer me noyer.

Hugo déverrouille la porte de l’immeuble et je me presse dans les escaliers. Il est là, dans le couloir, et mes épaules se délestent déjà de ce poids qui menace de m’avaler depuis cette nuit où j’ai décidé de partir de la maison définitivement. Ses cheveux sont ébouriffés comme s’il s’était pris la tête sur l’un de ses dossiers pendant des heures. Il a déjà quitté ses lunettes, ses chaussures, a déboutonné sa chemise d’un tiers, et son sex appeal n’est plus à prouver. Est-ce que mon ventre continuera de se tordre de la sorte chaque fois que je le verrai, dans un, trois ou cinq ans ? Est-ce que je ressentirai encore cette douce chaleur m’envahir ?

Sans un mot, il m’attrape par la main, m’entraîne à l’intérieur et nous y enferme avant de me prendre dans ses bras. Je pourrais m’attarder sur l’odeur de cuisine qui emplit l’espace, sur le bazar qui trône fièrement un peu partout, mais je préfère largement me repaître de son odeur à lui, de ce sentiment de bien-être et de sécurité qui m’étreint alors que nos lèvres se trouvent et se câlinent. Oui, voilà ce qu’il me fallait après être passée chez moi, avoir pris la moitié de mes affaires, ma trousse de toilette et quelques bricoles dont je ne veux pas me séparer. Après avoir constaté que Louis était suffisamment en colère pour l’exprimer physiquement sur la porte de notre chambre, dans la cuisine ou encore au salon.

Je chasse toutes ces pensées négatives en me pendant à son cou et souris lorsqu’il me soulève et m’emmène en cuisine, où il me dépose sur un plan de travail sans me relâcher.

— Alors, qu’est-ce qu’on fait chez toi ? Tu… es allé au boulot, ce matin ?

— Qu’est-ce qu’on fait ? Ça ne se voit pas ? On se fait un câlin parce qu’on s’aime et que ça fait trop longtemps qu’on ne s’était pas embrassés, répond-il en joignant le geste à la parole, alors que je sens son corps se coller contre le mien.

— Tu éludes la question, soufflé-je, le sourire aux lèvres, et en plus, tu m’empêches de me concentrer sur la conversation. Je vais avoir besoin de toi. Enfin, je veux dire, de tes talents d’agent immobilier. Je me suis moi-même fichue à la porte de chez Rachel et Mathieu, ils avaient prévu un après-midi à essayer de faire des bébés. Il me faut un appartement, une petite maison, un lieu à moi. Tu crois que tu pourrais m’aider ?

— Oh, quand tu as parlé de Rachel et Mathieu, j’ai cru que tu étais jalouse et que tu voulais faire comme eux, répond-il en commençant à me mordiller doucement le cou. Et pour t’aider, je veux bien, mais ce ne sera pas dans le cadre du boulot, j’ai démissionné, ce matin.

L’information met quelques secondes à monter à mon cerveau. Il faut dire que le bougre sait ce qu’il fait. Entre ses dents et ses lèvres qui s’activent avec délice, et ses mains qu’il glisse sous mon débardeur pour caresser mes flancs et frôler ma poitrine, j’ai du mal à aligner deux pensées.

— Tu quoi ? Mais… pourquoi ? Je croyais que tu devais rester calme ?

— Eh bien, justement, c’était ma façon de rester calme et de ne pas le frapper. Il valait mieux que je parte au plus vite, non ? Et puis, j’ai bien fait, vu la surprise que je retrouve à la maison. Tu es si belle, mon Amour, grogne-t-il en empaumant un de mes seins.

Je stoppe ses gestes, ce qui l’incite à quitter mon cou pour que nos regards se croisent. Le sien me pose mille questions tandis que je cherche dans ses prunelles une once de regret que je ne parviens pas à trouver. Il faut dire qu’il a la tête ailleurs, là…

— Je suis désolée… pour ton boulot, je veux dire, grimacé-je. Je sais que c’était la suite logique, mais il n’empêche que je m’en veux de tout chambouler dans ta vie…

— Ecoute, à un moment donné, ça allait arriver, c’est tout. Il ne faut pas t’en vouloir. Je vais… m’occuper de toi, dans un premier temps et ensuite, on verra bien. J’ai l’avenir qui s’ouvre devant moi !

Hugo semble sincère, presque soulagé de ne plus bosser pour Louis, et je prends conscience de la pression qu’il devait avoir sur les épaules à cause de notre situation. Lui ne bouge plus, comme s’il attendait mon autorisation pour reprendre les choses où je les ai stoppées. Je déboutonne rapidement son pantalon et m’attaque à sa chemise en retrouvant ses lèvres, et l’encercle de mes jambes pour me presser contre lui. Je n’ai jamais autant détesté porter un short en jean qu’à cet instant, même s'il faudrait sans doute une combinaison de ski pour que je puisse ne pas sentir son excitation nichée contre mon intimité. Mon débardeur vole quelque part dans la cuisine et je fonds en sentant sa langue et ses lèvres parcourir mon cou, mélange de cette douceur avec la rugosité de son menton barbu sur ma peau.

Un raclement de gorge nous fait tous les deux sursauter et nous nous figeons de concert en tournant la tête en direction de David qui, accompagné d’Andrea, s’esclaffe alors que je me colle davantage contre Hugo.

— Eh bien, c’était pas prévu au planning ça, ricane le coloc de mon homme. On n’était pas là pour regarder un porno, mais poursuivez, hein !

— Et vous, qu'est-ce que vous faites là, à cette heure-ci ? Je pensais que tu ne rentrais que ce soir, David, grogne mon barbu en restant lové contre moi pour cacher ma poitrine aux nouveaux arrivants.

— Petit dégât des eaux chez Andrea, le plombier est là et la cuisine inutilisable, mais je vois que c’est à peu près la même chose ici, se moque-t-il gentiment.

Je dois être rouge écrevisse, il ne peut en être autrement, et je remercie l’amie de Rachel lorsqu’elle récupère mon débardeur et me le tend, non sans jeter un coup d’œil discret à Hugo. Je me glisse aussi adroitement que possible dedans et ne peux m’empêcher de rire en voyant la mine taquine de David, pas mal à l’aise ou jugeant pour un sou.

— Et vous, qu’est-ce que vous fichez ici ? continue-t-il. Enfin… j’ai bien vu ce que vous vous apprêtiez à faire, mais tu vas être à la bourre au boulot, Coloc.

— J'ai démissionné ce matin avec effet immédiat, répond sobrement Hugo. Je suis donc libre d'occuper mes journées comme je l'entends.

— Ah ouais ? Carrément ? Et donc, là, l'objectif, c'est de voir lequel de nous deux fait jouir sa jolie partenaire en premier ? On fait ça chacun dans sa chambre ou on se met tous au salon ?

— Poussin ! le réprimande Andrea.

— Ben voyons, ris-je. Tu ne veux pas proposer un échange de partenaires, tant que tu y es, Poussin ?

— Moi, je ne partage pas Miss Normandie, je te préviens ! Alors, on vous laisse aller profiter de votre chambre et nous, on va dans la nôtre ! Et ne soyez pas trop bruyants !

David fait la moue avant d’entraîner Andrea à l’étage, et je plonge la tête la première dans les beaux yeux bleus de mon Lord, encore assombris par le désir. Je me demande s’ils ont déjà partagé une partenaire, tous les deux, même si dans tous les cas, son petit élan de possessivité m’excite grandement. Pourtant, nous n’avons jamais évoqué ce genre de choses, je pourrais être vexée qu’il décide à ma place sans même que nous en parlions, non ? Je ne sais plus, en fait, et ce n’est pas son petit sourire en coin qui va m’aider à me concentrer, ni ses mains qui glissent sous mes fesses pour me soulever. Bon… on dirait que l’interruption des programmes n’aura été que momentanée.

Annotations

Vous aimez lire XiscaLB ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0