92. Un agent immobilier enthousiaste
Hugo
Voilà une semaine que je n’ai pas mis les pieds à l’agence et j’avoue que je commence à trouver le temps long. J’ai envoyé mon CV à plusieurs boîtes immobilières mais pour l’instant, personne ne m’a répondu. Je ne pense pas que Louis m’ait descendu auprès de ses collègues et j’espère qu’il ne fera pas, mais bon, s’il le fait, je chercherai plus loin. Ou dans un autre milieu, je vais avoir vingt-sept ans, je peux encore sans problème me réorienter vers autre chose. Une qui est contente de cet état de fait, c’est Natalia. Elle m’a mis à l’affiche quatre fois, cette semaine et elle dit que c’est bon pour le business, que je fais venir du monde. Oriane ne dit rien, elle est même venue un soir me voir, mais je sens bien que sur le long terme, elle sera peut-être un peu trop jalouse pour me laisser continuer. Est-ce que ça me dérange ? Pas du tout. Je crois que pour elle, je serais prêt à aller sur la lune et à lui ramener le drapeau laissé par les astronautes américains, si elle me le demandait.
Je retire mes écouteurs et attends quelques secondes pour voir si David a fini de batifoler avec Andréa. Ces deux-là ne se quittent plus et ils sont… bruyants. Tout est calme et je respire un peu. J’adore mon colocataire, mais des fois, j’aimerais avoir mon petit nid à moi… Et si je pouvais le partager avec Oriane, ce serait encore mieux. J’arrête d’ailleurs mes recherches d’emploi et passe aux sites immobiliers afin de trouver quelque chose pour Oriane. Elle cherche aussi de son côté, mais c’est vrai qu’avec mon expérience, je sais plus facilement lire à travers les lignes. Quand c’est indiqué : “Rustique”, ça ne veut pas dire qu’on va trouver un bel appartement en bois avec une cheminée, c’est qu’il y a du travail et sûrement des problèmes de plomberie. Bref, elle me fait confiance pour lui trouver quelque chose et je me fais un plaisir de remplir cette mission.
Je sélectionne rapidement quelques biens qui pourraient être intéressants. J’en profite pour regarder un peu les méthodes de nos concurrents et je me dis que nous ne sommes vraiment pas si mal que ça, à l’Agence. Ah non, “étions pas si mal”, je ne travaille plus là. J’appelle quelques propriétaires pour prendre des rendez-vous ou des informations et me fais une petite liste pour l’après-midi quand j’entends qu’on tape à la porte. Je me demande qui c’est. David, d’habitude, ne se dérange pas pour rentrer, que je sois à poil ou pas.
— Entre, voyons, c’est ouvert ! crié-je sans lever les yeux de mon écran.
C’est bien lui, mais il n’est pas seul, Andrea l’accompagne. Heureusement, ils sont habillés et je les regarde, un peu surpris de les voir débarquer dans ma chambre.
— Vous ne venez quand même pas me demander de tenir la chandelle ou de participer à vos ébats ?
— Pourquoi, tu serais tenté ? glousse Andréa. Je me demande si Oriane me tuerait dans la seconde ou si elle échaffauderait un plan bien glauque pour me faire souffrir avant de m’achever.
— Je penche pour le plan machiavélique, elle est possessive, Miss Normandie, ricane David en approchant. Je voulais te parler. Tu fais quoi ?
Je souris car je me dis qu’Oriane peut être pleine de surprises et qu’ils seraient peut-être surpris de sa réponse si ça venait sur le tapis.
— Je cherche un appartement pour Oriane, et potentiellement un truc pour nous trois, avec Robin, mais ça, c’est juste dans mes rêves. Pour l’instant, c’est juste elle qui a besoin d’un endroit où dormir. Elle en a marre d’entendre Mathieu gémir et Rachel crier qu’elle veut un bébé… Asseyez-vous, je vous écoute, les tourtereaux. Vous savez que les murs ne sont pas épais et qu’on entend tout ici aussi ?
— Vous envisagez d’emménager ensemble ? poursuit David avec sérieux. Parce que… ça résoudrait mon petit problème. Enfin, c’est pas vraiment un problème, mais… avec Andréa, on veut emménager ensemble, en fait.
— Eh bien, vous êtes plus avancés que nous, alors. Moi, je suis libre et j’en ai envie, mais elle pense que Robin n’est pas encore prêt à entendre qu’elle et moi… Bref, c’est bien pour vous, ça. Le petit problème, c’est que tu veux que je me barre d’ici pour laisser la place à ta chérie, c’est ça ?
— Tu déconnes ? J’adore notre appartement, mais Andréa vit dans une petite maison avec jardin et jacuzzi, mec ! Et puis, jamais je ne te demanderais de partir, enfin tu me connais quand même !
— Ah oui, je vois ! Tu m’abandonnes, c’est ça, le problème ! Eh bien, qu’est-ce que tu attends ? Pourquoi tu ne fonces pas ? J’espère que les murs sont bien insonorisés et que vous n’allez pas trop salir l’eau du jacuzzi, les encouragé-je en souriant. Et c’est quand tu veux, si tu as besoin d’aide pour le déménagement, je suis dispo tous les jours en ce moment.
— Justement, Hugo… Tu n’as plus de boulot, le loyer ne va pas se payer tout seul. Si tu veux que je continue à participer, le temps que tu retrouves quelque chose, tu peux compter sur moi, je ne te lâcherai pas, OK ?
C’est vrai que je n’avais pas réfléchi au loyer. C’est sûr que ce n’est pas avec l’argent des shows que je pourrais payer les deux parts… Il faudrait que je trouve rapidement un nouveau colocataire et… Mais oui, je sais qui pourrait être intéressée !
— Ne t’inquiète pas pour moi. Soit je trouve quelqu’un rapidement, soit je profite de mes recherches pour Oriane et je me trouve un truc aussi. Et puis… puisque tu préfères le jacuzzi à ton ami, je vais proposer à Oriane de venir ici. Tous les problèmes seront réglés ! Enfin, tu nettoieras bien ta chambre avant de partir ! Je ne veux pas trouver des traces blanches un peu partout !
— Dit le mec qui a failli sauter Miss Normandie sur notre comptoir de cuisine, ricane-t-il. Tu sais qu’on pose de la nourriture dans une cuisine, petit pervers ?
— Parce qu’il ne t’a jamais fait l’amour dans la cuisine, peut-être ? demandé-je à Andrea qui rougit immédiatement, ce qui la trahit sans aucun doute possible.
— Hugo, il faudrait faire venir une entreprise de nettoyage spécialisée en traces blanches pour nettoyer tous les meubles de l’appartement, tu sais ? poursuit David sur sa lancée, hilare. T’es sûr de vouloir accueillir un môme dans notre garçonnière ? Et de devoir sauter ta nana en silence la nuit ?
— Ecoute, je vais lui demander et voir ce qu’elle en pense. Toi, organise-toi pour déménager dès que tu es prêt. Et ne t’inquiète pas pour moi, ça ira très bien. Nous, on sait être silencieux de toute façon !
Il me donne une accolade et sort avec sa future colocataire, tout content. Je suis ravi pour eux et j’espère que bientôt, je pourrai moi aussi avoir le même sourire. Je n’attends pas une seconde et appelle Oriane sur son portable, en espérant qu’elle me réponde et qu’elle accepte cette solution à tous nos problèmes.
— Coucou mon Amour, j’ai trouvé ! m’écrié-je, tout content, à peine a-t-elle décroché.
— Quel enthousiasme ! Et qu’est-ce que tu as trouvé, au juste, Beau Gosse ?
— Eh bien, la solution à tous nos problèmes ! Et puis l’Amour, avec toi, mais je ne t’appelle pas pour ça. Tu me fais confiance ? Tu es d’accord avec mon idée ? ajouté-je, tout excité.
— Heu… j’aimerais bien te dire que je suis d’accord, et je te fais confiance, mais je voudrais surtout savoir de quoi tu parles, là, rit Oriane. Je suis perdue, mon Lord.
— Ah oui, je ne t’ai pas dit. Eh bien, c’est simple. David est amoureux d’Andrea, Andrea est amoureuse de David, ils vont vivre ensemble dans la maison de la pote de Rachel parce qu’elle a un jacuzzi et un jardin et donc… il y a de la place pour que tu emménages dans mon appartement ! Il y a même une chambre pour Robin ! Tu vois, la solution PARFAITE !
J’insiste sur ce dernier mot en m’imaginant déjà ma jolie brune vivre ici avec moi, son fils dans la chambre de David, les repas pris ensemble, les soirées télé sur le canapé. Je suis aux anges et suis surpris quand elle ne me répond pas tout de suite.
— J’ai été trop vite ? Tu n’as pas compris ? finis-je par lui demander.
— Non, non, j’ai compris, Hugo. Je… L’idée est tentante, et je te remercie de penser à nous, vraiment. Mais je ne pense pas que ce soit une bonne idée, pour l’instant tout du moins…
— Comment ça, pas une bonne idée ? demandé-je en retombant du petit nuage où j’étais déjà bien installé. Tu ne veux pas qu’on vive ensemble ? Je… je ne comprends pas, Oriane.
— Eh bien, je viens à peine de parler à Robin de ma séparation d’avec son père. Je… Lui dire, si tôt, que j’ai rencontré quelqu’un d’autre, tu comprends que ça puisse être prématuré, non ? Je… Si j’étais seule, Hugo, je crois que je t’aurais dit oui sans hésiter, vraiment.
Ah mince, je me suis emporté sans réfléchir et elle, elle me ramène sur Terre. Ses mots sont gentils, mais je suis néanmoins déçu de sa réponse.
— On peut juste faire de la colocation, alors… Chacun chez soi, et promis, je ne te saute dessus que quand il est au lit. Tu en penses quoi ? Ça se tente, non ?
J’ai l’impression d’être en train de la supplier de vivre avec moi et je me déteste à la fois pour la voix que je prends, presque pleurnicharde, et la situation dans laquelle je la mets. J’ai tellement envie qu’elle vienne à la maison que je l’oblige à choisir entre son fils et moi.
— Avec seulement deux chambres ? Hugo… Je t’aime, tu le sais, hein ? Je… Il faut que Robin et moi, on ait notre cocon. Je ne veux pas quitter un homme avec qui je me suis mariée pour être à l’abri, pour un autre homme prêt à m’héberger, tu comprends ? Ça n’a absolument rien à voir avec toi, mais j’en ai besoin pour moi, je crois. Et puis, je voudrais que ça se fasse petit à petit avec Robin, mon Cœur. Je… Lui imposer notre couple comme ça, aussi vite, ça ne serait vraiment pas sain… Je suis désolée de t’imposer encore mes contraintes, pardon…
— Non, non, je comprends, je… C’est juste que je t’ai vraiment imaginée, ici, avec moi, et que ça m’a vraiment fait rêver. Je crois que tu as totalement raison, ma Douce. J’ai été bête et je vais de ce pas reprendre mes recherches. Tu ne m’en veux pas de t’avoir appelée avec cette idée stupide ?
— Bien sûr que non ! J’aime que tu nous voies vivre ensemble, que tu y inclues Robin sans jamais t’en plaindre. Et je t’aime, toi, bien plus que tu ne peux l’imaginer.
— Moi aussi, je t’aime. Et promis, je vais te trouver un truc bien, j’ai des visites cet après-midi, je sens que ça va le faire. Je te tiens au courant. On se voit toujours demain soir ?
— Oui, j’ai hâte. Tu me manques, tu sais ?
— Toi aussi tu me manques. Je t’aime ! A demain, mon Amour.
— A demain, Amour. Ça fait beaucoup d’amour, tout ça mais je t’aime, rit-elle.
Je raccroche, ravi d’avoir pu avoir cet échange avec elle, même si je reste un peu frustré suite à la situation que j’ai proposée et qu’elle a, à juste titre, refusée. Ce qui est bien, comme elle dit, c’est que je me vois vraiment vivre avec elle, que ça ne me dérange pas du tout d’accueillir son fils et ça, c’est vraiment bon signe. Il ne me reste plus qu’à prendre mon mal en patience et à lui trouver un appartement où je pourrai venir m’incruster les semaines ou les moments où elle n’aura pas Robin. J’ai hâte que les choses bougent !
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