93. L’Amour, certains le cherchent, d’autres le trouvent

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Oriane

Rachel dit toujours que la crème solaire ne sert à rien sur ma peau, mais je ne réfuterai jamais autant qu’à cet instant où, assise sur mon transat, je sens les mains d’Hugo, installé derrière moi, se promener sur ma peau nue pour l’y étaler.

Ma meilleure amie a décidé d’embarquer Robin avec Mathieu pour faire du bateau toute la journée. Et je n’étais pas invitée. Une sortie pour tester la vie de parents, soi-disant, mais surtout une formidable excuse pour passer ma journée en tête à tête avec l’avion de chasse aux mains baladeuses. Je pense que ma poitrine et mon ventre sont bien protégés, j’ai un doute quant à mon dos, honnêtement. Et mes épaules, qu’il picore plus qu’autre chose. Mais bon, difficile de se plaindre, le moment est beaucoup trop agréable pour ça.

Hugo nous a trouvé un nid douillet, qu’il m’a emmenée visiter ce matin. Plus qu’à attendre l’aval du propriétaire, mais je pense que j’ai tapé dans l’œil du quinquagénaire. Et puis, je n’ai jamais été aussi heureuse d’avoir signé un CDI. Avec mes contrats à l’arrache, il m’aurait été plus difficile d’avoir l’opportunité de prendre un chez-moi, j’imagine.

Aujourd’hui, tout roule ou presque. Il me reste tout de même à parler avec Louis, mais je n’ai pas encore trouvé la force de répondre à ses appels. J’ai beau dire que tout va bien, j’avoue que notre dernière soirée ensemble m’a un peu marquée, et l’idée de me retrouver seule avec lui, de l’entendre pleurnicher, être en colère, s’excuser, ou quoi que ce soit d’autre, ne m’enchante pas vraiment.

— Avoue que tu n’avais jamais imaginé que trouver un jardin sans vis-à-vis à Mathieu et Rachel te permettrait de faire bronzette avec une nana topless, ris-je alors qu’il masse à nouveau ma poitrine avec application.

— J’avoue tout ce que tu veux, là, je suis au Paradis.

— Profite, bientôt il fera tellement froid qu’ils seront planqués sous plusieurs couches de vêtements les trois quarts du temps, ris-je.

— Et il n'y aura que moi qui en profiterai ! Je suis un veinard, non ?

— Sans doute, oui, tu as raison. Garde-le en tête quand les clientes du Club te tripotent et te collent leurs seins sous les yeux, OK ?

— Il n'y a pas une seule femme qui arrive à ta cheville, mon Amour. Je t'aime.

Hugo bosse au Lotus Club plus souvent depuis qu’il a démissionné de l’agence, et si j’ai confiance en lui, j’avoue qu’une petite partie de moi déteste ça. Mais je ne le lui dirai pas, et jamais je ne lui imposerai quoi que ce soit à ce propos, pas après avoir été moi-même bridée sur ma vie professionnelle. Vie professionnelle qui va d’ailleurs bien évoluer d’ici deux jours, où je suis attendue sur mon nouveau lieu de travail. J’ai hâte autant que j’appréhende, après tout, je n’ai pas eu de patron depuis plus de dix ans.

— Je t’aime aussi, soufflé-je.

Je me retourne sur le transat pour lui faire face, agenouillée entre ses jambes, et souris devant son regard gourmand. Hugo agrippe mes hanches pour me faire asseoir à califourchon sur lui et ses lèvres se posent sur les miennes avec passion. De toute façon, cet homme fait tout avec fougue et passion, et j’adore ça. Rien n’est fait dans la demi-mesure, Hugo est entier.

Son coup de fil pour me proposer d’emménager à la colocation m’a toute retournée. J’étais honnête lorsque je lui ai dit que s’il n’y avait pas eu Robin, j’aurais dit oui. Parce que je n’arrive tout simplement plus à me passer de lui, parce que je rêve de me réveiller à ses côtés tous les matins, de partager mon quotidien avec lui, même son bazar qui risque de me rendre folle. Parce que j’adore cuisiner avec lui, me blottir dans ses bras devant un film, l’écouter siffloter dans la salle de bain, ou partager la douche. Le voir se dandiner dès qu’il y a de la musique dans la pièce, parfois sans même s’en rendre compte… Oui, tout ça, j’ai hâte qu’on y arrive, même si j’ai peur de la réaction de Robin.

Nous sommes interrompus par le bruit de la sonnette et je soupire en quittant la chaude étreinte de mon amant. J’enfile rapidement ma petite robe de plage par-dessus le bas de mon maillot de bain, dépose un léger baiser sur cette jolie bouche capable de me rendre folle et file ouvrir en me recoiffant rapidement. Mon sourire meurt sur mes lèvres quand je découvre mon mari sur le trottoir.

— Louis ? Mais… Qu’est-ce que tu fais là ?

Je ne peux m’empêcher de regarder derrière moi pour m’assurer qu’Hugo n’est pas dans les parages, et prie pour qu’il m’ait entendue et ne se pointe pas d’ici peu, même si je doute qu’il le fasse. Sauf si mon mari dépasse les bornes. Mon dieu, cette situation est une bombe à retardement, non ?

— Il faut qu'on parle, tu ne crois pas ?

Oui mais non, ça ne devait pas se passer comme ça. Je ne suis pas prête à l’écouter, pas prête à subir ses réactions… Bon sang, ce samedi vire au cauchemar… Et j’ai beau ne pas en avoir envie, je l’invite à entrer et l’arrête au salon où nous nous asseyons sur le canapé, à bonne distance l’un de l’autre.

— Très bien, parlons, soupiré-je. Tu veux commencer par quoi ? Ton attitude de l’autre soir ou notre mariage qui s’est crashé ?

— Tout d’abord, je l’ai fait par message, mais je tiens à m’excuser. Mon attitude n’était pas admissible et je n’ai pas de mot pour te dire que je suis désolé… J’ai déconné, mais j’étais trop en manque de toi, Chérie. Je m’en veux à mort… Je sais que ce ne sont que des mots, mais ça arrive à tous de faire des erreurs, non ?

— Tu appelles ça “une erreur” ? Bon sang, Louis… Je n’ai jamais eu aussi peur de ma vie, tu t’en rends compte ? Il se serait passé quoi si je n’avais pas réussi à fuir, hein ? Tu aurais fait l’erreur de me violer aussi ?

— Ne t’énerve pas, je ne suis pas venu te voir pour ça, murmure-t-il, vraiment mal à l’aise. Je sais que ce n’était pas normal… Je crois que je me serais arrêté, mais je ne suis pas sûr… C’est honteux, c’est tout. Comme mon attitude depuis quelque temps. Je suis venu pour voir avec toi ce que tu veux faire de notre couple, maintenant. Je… je crois qu’entre nous, c’est fini, mais il y a Robin dans l’équation. C’est mon fils, je ne veux pas ne plus le voir. Il me manque trop.

Je fais tout mon possible pour chasser les larmes qui me montent aux yeux. Je ne sais même pas pourquoi elles font leur apparition. Parce que Louis se rend compte que c’est la fin ? Parce qu’il ne compte pas s’éloigner de Robin ? Parce que nous allons clore dix ans de vie commune ?

— Je veux divorcer, Louis… mais jamais, je ne chercherai à te priver de Robin. Je… je crois juste qu’on mérite tous les deux une vraie chance de vivre l’amour avec un grand A. Ce que tu as fait pour moi, pour nous, à l’époque, c’est quelque chose que je n’oublierai jamais, mais je m’en veux de t’avoir enfermé dans un mariage qui n’avait pas des bases saines. Tu mérites mieux que ça.

— Je crois que ce sera toujours toi, l’amour de ma vie… mais nous ne sommes pas le premier couple qui va se séparer, pas le dernier non plus. Je comprends que j’ai tout cassé l’autre soir. J’avais encore un espoir avant, là, je sais que c’est mort et qu’il faut tourner la page. Et si on est d’accord pour que je continue à voir notre fils, je suis rassuré. Pour ce qui est des procédures, tu crois qu’on peut faire ça à l’amiable ? On se met d’accord entre nous et on fait valider par un juge, on ne va pas s’embêter avec des avocats, si ?

— Je crois que ça fait plus longtemps que ça que tout part en live, Louis. Tu sais, plus j’y réfléchis, et plus je me dis que ce n’est pas pour rien que tu as délaissé la maison pour te consacrer à ton boulot… involontairement, sans doute, mais on s’est éloignés il y a un moment déjà.

— Je crois que j’ai toujours espéré qu’un jour, tu te mettes à m’aimer, mais en fait, ça n’est jamais arrivé vraiment. J’ai bien senti que tu avais beaucoup d’affection, mais comme tu le disais, ce n’était pas l’amour avec un grand A. J’en suis désolé, mais c’est la vie. Je…

Il est obligé de s’arrêter de parler et sanglote avant de se reprendre.

— Il vaut mieux que je ne m’attarde pas trop ici. Je peux avoir Robin à la maison dès ce soir et pour le weekend ? Ou demain, si tu préfères le préparer… Je… je te souhaite plein de bonheur, Oriane. L’homme que tu aimeras vraiment aura de la chance parce que tu es une femme formidable en plus d’être ravissante.

Je souffle un coup et essuie mes joues. Trop tard pour garder la face… Dix ans, ça compte après tout, ça vaut bien quelques larmes, surtout que cette conversation n’est absolument pas comme je l’imaginais.

— J’ai essayé, Louis, je te jure que j’ai essayé, et je t’ai aimé, d’une certaine façon, avoué-je en attrapant sa main. Pas d’avocats, ça me va. Tout ce qui compte, c’est Robin, et je vois avec lui dès qu’il rentre, je te tiens au courant, mais tu lui manques alors je te conseille de ne rien prévoir ce soir. Et… moi aussi, je te souhaite plein de bonheur. J’espère que tu trouveras une femme capable de t’aimer comme tu le mérites.

— Essaie de ne pas garder la dernière image que j’ai donnée de moi, s’il te plaît, et restons en aussi bons termes que possible. Pour Robin, pour moi aussi, j’en ai besoin. J’attends ton coup de téléphone, alors.

J’acquiesce et me lève pour le raccompagner à la porte. Il y a un moment de flottement, un temps où nous nous regardons sans trop savoir quoi dire ou quoi faire, où je ne peux empêcher mon cerveau de se remémorer des moments heureux avec l’homme qui se trouve face à moi. Je crois que tout ce que je veux, c’est penser au sourire qu’il arborait quand il a tenu Robin dans ses bras pour la première fois. C’est cette image-là que je veux garder de mon futur ex-mari, parce qu’elle m’a marquée à vie, qu’elle m’a comblée de bonheur.

Je finis par faire un pas en avant et pose mes lèvres sur sa joue avec toute la tendresse que je peux avoir pour cet homme, malgré notre dernière soirée, malgré ces derniers mois compliqués. La page doit se tourner, ça prendra du temps, mais j’espère que nous pourrons redevenir amis, parce que c’est cette relation qui ne nous a jamais quittés, jusqu’à présent. Et je reste un petit moment devant la porte une fois qu’il est parti, comme si j’avais du mal à réaliser que cet échange venait d’avoir lieu, que sans cris, sans dispute, nous venons de mettre un terme à notre mariage.

Je gagne finalement la cuisine, où Hugo est installé, silencieux, et vais m’asseoir sur ses genoux en nichant mon nez dans son cou. Toujours aussi compréhensif, il m’entoure de ses bras et me câline avec amour.

— Nouvelle étape de franchie, chuchoté-je finalement. Ça me fait un peu bizarre…

— Ça s'est bien passé, c’est déjà ça. Et Robin sera content de revoir son père… Finalement, ce n’est pas un méchant, Louis.

— Non, je l’ai juste rendu malheureux… J’espère être plus douée avec toi, mais tu as encore l’occasion de fuir.

— Nous, c’est l’Amour, avec un grand A. Ce n’est pas quelque chose qu’on fuit, mais un truc que l’on chérit quand on le trouve. On part sur de meilleures bases, ma Douce, et on va être heureux.

Je relève le nez et plonge dans ses beaux yeux pour y déceler toute sa conviction et sa sincérité. Hugo a bouleversé toute ma vie, et je crois que c’est pour le meilleur. Je me perdais dans un mariage malheureux, je n’étais plus moi-même, j’ai l’impression de revivre à ses côtés, et j’espère sincèrement que cet amour avec un grand A le rendra heureux comme il le fait pour moi. Et ça, seul l’avenir nous le dira.

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