Aurore
Aurore parcourait les bois éclairés par le halo caressant de la lune. Ses pas s'enfonçaient dans la mousse fluorescente, laissant derrière eux une empreinte brulante. Ses cheveux roux s'élançaient dans le vent, jouaient avec la brise qui lui susurrait un secret « Hâte-toi, hâte-toi, hâte-toi ». L'astre nocturne la suivait comme le faisceau d'un projecteur. Il habillait ses mouvements. Il sublimait les courbes de ses muscles.
Peau éclairée. Peau assombrie.
Lumière. Ombres.
Une alternance gracieuse qui parait sa peau dorée d'un voile scintillant. Le halo illuminait chacun de ses gestes, le moindre frémissement qui agitait ses lèvres carmin, le plus petit tressaillement de ses yeux glacés qui poignardaient la brume masquant son chemin. La nitescence froide se heurtait à sa chevelure ardente, banquise contre feu, blanc frappant le roux. Gel contre chaleur. L'inquiétude suintait dans ses expirations tremblotantes. Aurore marchait au hasard, mais guidée par un fil invisible qui la tirait par le cœur. L'attirait vers son destin. Une main la poussait délicatement sans lui éviter de trébucher sur les racines qui obstruaient son chemin. Une main vaporeuse, mais ferme.
Alors, Aurore avançait.
Et Aurore se consumait.
L'inquiétude s'était transformée en angoisse, qui rongeait ses os, dévorait sa chair, grignotait ses nerfs, dévastait son esprit. Un poison sulfureux. Acide. Dangereux. Elle ne le combattait pas, au contraire, elle le laissait s'emparer de chacun de ses muscles, jusqu'à les raidir de terreur.
Et alors, Aurore courut.
Aurore bondit par-dessus les herbes folles, elle se fondit dans la brise nocturne, elle fila dans le murmure des arbres, se répandit dans son tourment. Mais Aurore rencontra bientôt une résistance. Plus elle courrait, et plus les arbres semblaient nombreux. Son cœur s'embrasait d'une détresse palpable dans chacun de ses souffles. Une exhalation éperdue d'épouvante. Aurore réalisait qu'elle n'atteindrait pas son but. Mais quel but ?
La lune quitta le ciel, abruptement. Mais la lumière alourdissait toujours l'atmosphère. Une lueur aveuglante. Porteuse de terreur. Une bourrasque chatoyante, qui hurlait la perte. Le manque. La solitude. Un aiguillon de douleur lui taillada la poitrine, impétueux. Son sang fut remplacé par une terreur liquide, qui se propagea jusqu'à son cœur dans un sillage amer. Il pompa la crainte, expulsa la sérénité, reprit du poison.
Alors, Aurore redoubla d'efforts.
Ses muscles s'enflammaient, lui hurlaient de ralentir, tendus à l'extrême. Mais elle n'entendait que les battements acharnés de son cœur brisé. Car elle savait. Avant même d'atteindre la lisière du bois, elle savait. Elle arriverait trop tard.
Alors, Aurore s'embrasa.
Elle liquéfia le temps, tua le fil qui la retenait, et vola jusqu'à l'herbe grasse de la plaine. Là, elle la vit enfin. Une étoile scintillante, qui luisait de plus en plus fort. De plus en plus violemment. Et dans la poitrine d'Aurore, son cœur sombrait à chaque foulée. Il s'enfouissait dans une terreur si violente qu'elle pétrifiait les secondes. Mais rien ne ralentissait la fulguration d'Aube. L'air s'épaississait, l'atmosphère s'alourdissait, et rien ne stoppait la lumière.
Alors, Aurore perdit son âme.
Mais elle ne s'arrêta pas, malgré la douleur causée par le trou béant dans sa poitrine. Qui s'agrandissait. Grossissait. Se boursouflait. Encore et encore, jusqu'à dévorer son esprit, sans jamais épargner son désespoir.
Et la lumière explosa.
Aurore sombra.
Aube n'était plus là.
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