Départ
Aurore avait cessé de courir.
Aurore avait été arrachée à la forêt où elle se répandait en foulées désespérés. Elle avait été séparée de la main qui la guidait vers Aube, pour désormais obéir à sa seule volonté. L'enchantement était brisé, elle avait elle-même renié la lumière du soleil, qui autrefois s'épanouissait en elle à la mort d'Aube. Mais l'astre était tenace, il s'était faufilé dans sa chevelure de feu afin de la faire chatoyer et de rester en elle, ne serait-ce qu'un peu.
Alors Aurore avait fait ses adieux à la plaine d'herbe grasse qui voyait Aube flamboyer tous les matins, et qui portait encore son empreinte immaculée. Aurore allait traverser les couches formées par les mondes jusqu'à rejoindre celle qu'elle avait si douloureusement perdue. Mais alors qu'elle quittait cet univers dans lequel elle faisait s'épanouir la lueur du jour, un pincement déchira son cœur. Une profonde souffrance. Comme si un lien invisible la reliait à cet endroit. Un lien qui la retenait en s'ancrant en elle, en s'accrochant à un endroit précis caché derrière ses poumons.
Alors, Aurore força pour s'échapper.
Et Aurore souffrit une lente mort.
Le lien lacérait son ventre à mesure qu'elle tentait de s'éloigner. Plus elle partait et plus ses entrailles se déchiraient, la faisant hurler sous le coup d'une douleur insoutenable. Consumée par la peur de ne jamais rejoindre Aube, elle força le lien à se rompre, elle l'arracha de ses propres dents, rendue folle par la peur.
Alors, Aurore tomba.
Ses cheveux roux flamboyèrent dans l'atmosphère adoucie par son absence, ils transpercèrent les nuages en les imprégnant d'une poudre dorée. Aurore ressentait encore cette terreur liquide ronger ses veines à l'idée de ne jamais retrouver Aube. Aurore mourait de douleur, mais elle resplendissait d'amour. Sa peau ambrée n'était pas marquée par son combat intérieur, elle ne portait que la marque d'Aube : une étoile immaculée et si brillante qu'elle paraissait étendre ses rayons sur son épiderme plus sombre.
Aurore finit par arriver à destination.
Son cœur était si gonflé d'avoir absorbé une souffrance qu'elle ne pouvait endiguer, entaillé si profondément par l'angoisse de ne pas retrouver Aube, qu'il peinait à battre correctement, une fois sur terre. La jeune femme se releva avec grâce, ses cheveux étincelèrent dans ce nouveau lieu terne et gris, ses mains dorées laissèrent des traînées de poudre scintillante derrière elles.
Elle s'élança dans les rues, à la recherche d'Aube, sous les yeux des passants médusés qui ne voyaient qu'elle. Ses cheveux possédaient une attirance magnétique, si puissante que le soleil lui-même n'éclairait qu'elle. Ses mèches emprisonnaient un morceau de l'astre, et celui-ci souhaitait ardemment le récupérer. Le lien, qu'elle avait cru découpé, arracha son ventre lorsqu'il se réveilla. La douleur, insoutenable, la fit s'arrêter un instant dans sa quête.
Les larmes s'épanouissaient dans ses yeux, atteignaient ses joues en transportant leur cortège de souffrance. Mais elle n'abandonna pas, elle continua jusqu'à retrouver la trace pure et blanche d'Aube.
Et au moment où elle la vit, la souffrance explosa ses sens.
Aube était allongée sur le trottoir, habillé de sang écarlate, bien loin de sa robe argentée.
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