Routine, machine (lundi)

5 minutes de lecture

5 heures :
Le réveil crie. Peur qui parcourt le cœur.
Premier sentiment de la journée.
La fatigue m'enveloppe des draps du lit chaud.
Mais je dois me réveiller.
Les rideaux de mes yeux s'écartent et laissent paraître la clarté noire de la chambre froide.
Ma main déjà lasse d'une journée lourde prend le téléphone glacial.
J'éteins le singe hurlant.
Un soupir s'échappe.
Puis, mon cerveau se réveille et le corps suit.
La machine est en route.

5 heures 15 :
Les chaussettes sont mises.
Je déambule dans le couloir silencieux où les ronflements bercent un corps somnolant.
Arrivée dans la salle de bain. Lumière qui s'allume, qui agressent le regard brûlant. Le Soleil ne s'est pas encore levé mais mes yeux sont déjà aveuglés.
Je m'habille.
Je vais aux toilettes.

5 heures 50 :
Je brosse mes dents. 3 minutes. C'est frais.
Je traverse une nouvelle fois le couloir.
Je prends mes chaussures, rentre dans ma chambre, m'assois sur mon lit, fais mes lacets, prends mon cartable, mon masque ; la porte se claque doucement.

6 heures 05 :
J'attends le bus. La ville se réveille plus tôt que le Soleil. La Lune sourit aux malheureux fatigués.
Je vois le bus qui arrive. Je me positionne et rentre.
Je m'assois. Dors. Arrivé à la gare.

6 heures 16 :
Les fourmis travailleuses s'agitent. Va-et-vient incessants. Têtes dans les journaux ou dans le téléphone. Tête dans les nuages avec la musique qui fait danser l'âme festive emprisonnée dans un jeune étudiant morose. Sultan of Swing, Bohemian Rapsody ou encore Master Blaster ; la culture américaine rentre dans la tête et fait taper du pied. Ça rythme la matinée.
Je passe ma carte Navigo, passe le portique, monte par les escalators. J'attends. Le RER arrive dans pas longtemps.
Je regarde les rails. Je regarde... et j'imagine.

6 heures 24 :
Le RER est là. Je monte. Les gens descendent. Je descends (c'est un train à deux étages). Je m'assois, quand ce n'est pas rempli de fourmis. Les rideaux se ferment. La scène est terminée.

6 heures 44 :
J'arrive à Gare du Nord. Je descends. Je suis cette vaillante troupe de fourmis qui se dirige vers les escalators. Je monte vite, alors que rien ne presse à part ce stressé qui pousse les gens qui me poussent et qui emboîte le pas sur les autres émotions et qui accélère le temps et les comportements. Antonio Variações le chantait si bien : « Não consigo dominar (Je n'arrive pas à dominer) / Este estado de ansiedade (Cet état d'anxiété). / A pressa de chegar (Dans l'empressèrent d'arriver) ; / P'ra não chegar mais tarde (Pour ne pas arriver plus tard). »
Je marche vite. Escalators, marches métalliques. Bruits de pas, de gens qui parlent, de gens las. Arrivé dans l'allée principale, peu remplie. Les boutiques ne sont pas ouvertes mais les petites mains travailleuses préparent les rayons.
Je descends pour prendre le second RER. J'avance en tête de quai. J'attends. Toute la France est là. Elle a les yeux noirs, petits, rouges, crevés. Elle dort peu mais s'active beaucoup. Des vieillards, des femmes, des jeunes, des hommes. Ces autres mains travailleuses et ces têtes bien pensantes sont toutes regroupées là. Nous attendons tous l'arrivée du mille-pattes métallique.
Il se gare. On est tous ameutés près des portes. Les gens se poussent. Le mille-pattes paraît se vider de son sang visqueux et noir. On attend que les gens descendent et on monte.
On se pousse, on s'agglutine, on se marche dessus, on s'insulter quelques fois, on force le passage. Nous voici serrés.
On avance. Le chemin se fait ainsi.

6 heures 57 :
Arrivé à ma station. « Pardon », « Veuillez m'excuser », je me faufile à travers les gens.
Je marche vite, pourtant mon cours ne commence qu'à huit heures. Alors je ralentis.
Je sors de la station souterraine. Je marche dans le froid et dans le noir bousculé par les lumières la ville.
Certains et certaines courent. Leur nez est rouge ; leur souffle est chaud. Pourtant, ils ont peu de tissus sur eux. Ils sont courageux. Moi, je suis avec ma doudoune et mon écharpe. Je vais lentement car le rythme tourbillonnant de la journée va me rattraper. Musique dans les oreilles, je marche tranquillement. J'ai le temps. Pourtant, j'ai cette sensation qui me pousse à aller vite. Les gens autour de moi vont à vive allure. Mais je me concentre sur mes pas. Je passe près du Jardin du Luxembourg. Je le longe. Je vois parfois des maîtres et des maîtresses avec leur chien ici. Mais le trottoir n'est emprunté que par des coureurs, et par des gens pressés.
Je suis presqu'arrivé à l'université. Les portes sont fermées. J'attends alors seul, sous le porche.

7 heures 30 :
C'est ouvert. J'ai été rejoint par ma belle copine entre-temps. Nous sommes fatigués, mais nous sourions. Je prépare ma carte, ouvre mon sac et on entre.
On se dirige vers l'amphithéâtre. On s'assoit à côté. Parfois, le silence nous rappelle que la fatigue prend possession de nous. Parfois, le silence prépare à la tornade que va constituer la journée, puis la semaine, puis le mois. On attend dehors.

7 heures 50 :
On entre. Deuxième rang, on s'assoit à nos places habituelles.
On prépare nos ordinateurs, nos doigts froids et engourdis. On attend le professeur.

8 heures :
Le professeur est là, fatigué, mais il commence.
On ne fait qu'écouter, taper et poser des questions pendant trois heures.

La journée se structure ainsi, marquée par des pauses. Le Soleil s'est réveillé entre-temps. Il était temps. Journée d'hiver maussade. Je mange un jambon-beurre et ça repart. Les cours se terminent à 18 heures 45. Je fais le chemin inverse. Quelques fois en bonne compagnie, accompagné d'une âme tout aussi épuisée que la mienne mais qui parvient à faire sourire.
Puis, dans le RER, on est moins serrés, quand la chance est passagère. Et on court de temps en temps pour gratter quelques minutes. Je monte in extremis, m'assois et mes yeux se ferment. Ils s'ouvrent à nouveau, telles les portes qui me voient descendre. Je file pour avoir le bus. 8 minutes d'attente. Je souffle, j'attends. Je tape du pied en rythme avec la musique. Bonheur du trajet. Je prends le bus, m'assoie, mes yeux lancinent. Mon arrêt, je descends, marche et pense à ce que je dois encore faire.
Je suis chez moi à 20h20. On mange tard car on finit tard. Machinalement, je repars au charbon. Je me douche. Je finis de travailler. Des écrans toute la journée. Je ferme l'ordinateur. Je dis « Bonne nuit ». Je ferme la porte de ma chambre. Noir complet. Sous la couette. Les rideaux se ferment pour de bon. Acte I finit.

5 heures de sommeil, puis:

5 heures: le réveil crie.

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