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Lorsque les agents du CNCL entrèrent dans la pièce, ils ne trouvèrent personne.

La seule issue possible était un trou dans le mur. Ils s’en approchèrent avec précaution, arme au poing.

Ils virent alors cinq autres trous dans autant de pièces successives.

Quelque chose avait traversé ces murs comme un boulet de canon, ou une fusée.

Pour la première fois depuis le début de leur mission, la peur commença à les gagner.

*

Sixtine s’élança contre le dernier mur et se retrouva à l’air libre.

Elle atterrit avec souplesse sur la verrière de la serre. Celle-ci supporta son poids. Elle leva le poing, et y concentra toute son énergie avant de frapper la surface.

Le verre céda aussitôt.

Elle se laissa tomber, jusqu’au sol. Elle n’eut aucun mal à atterrir sur ses pieds. Elle resta néanmoins en position de repli jusqu’à ce que tous les morceaux de verre soient tombés.

Elle remarqua que la peau de son bras avait été profondément entaillée. Pourtant, elle ne ressentait aucune douleur.

Une lueur dans la plaie attira son attention. Lentement, elle écarta la chair. Un peu de sang s’écoula de la blessure, mais elle put distinguer l’enchevêtrement de composants électroniques et de circuits dans son bras.

Une question passa furtivement dans son esprit : était-ce seulement dans son bras ? Qu’en était-il du reste de son corps ?

Elle aurait pu s’en inquiéter.

Au lieu de cela, elle se redressa et commença à marcher à travers la végétation dense de la serre. Celle-ci serait une protection temporaire contre les agents du CNCL.

Elle marcha durant cinq bonnes minutes avant de se retrouver à l’orée d’une clairière artificielle.

Une vingtaine d’hommes et de femmes s’y trouvaient déjà.

En la voyant, ils s’agenouillèrent d’un même mouvement.

Elle en profita pour les détailler.

C’était des hommes et des femmes en apparence ordinaires. Ils portaient tous le manteau couleur rouille par-dessus l’armure au cuir vert de gris des aventuriers, avec quelques variations les uns par rapport aux autres. À leur ceinture, pendaient plusieurs armes, mais aucun ne portait le même assortiment.

Ils se redressèrent.

L’un d’eux s’approcha d’elle.

— Nous sommes là pour vous protéger et vous servir, pour nous battre et pour mourir pour vous, madame.

Elle les remercia d’un signe de tête.

— Monsieur, ajouta l’homme en regardant derrière elle.

Se demandant à qui il s’adressait, elle se retourna et vit Ari.

Il avait réussi à échapper aux agents du CNCL. Elle s’en sentit heureuse.

— Nous sommes tous prêts, dit-il.

« Une fois de plus », songea-t-elle sans savoir pourquoi.

*

À l’extérieur de la serre, dans le parc, des cavaliers piétinaient la pelouse sans aucune considération pour le travail effectué par les deux jardiniers. En armes, ils attendaient devant l’entrée.

Leur chef, un homme de grande taille, aux longs cheveux grisonnants attendait un peu à l’écart.

Il avait les lèvres fines, et de petits yeux très sombres. Physiquement, il était le contraire de son frère, Ari.

Ari qui, une fois encore, lui mettait autant de bâtons dans les roues qu’il le pouvait. Il fallait que cela cesse.

La famille était très grande, alors un frère de moins, personne ne le remarquerait.

Excepté le Père… Au Diable, le Père !

S’il devait tuer Ari, il le ferait sans le moindre regret.

Un jeune homme sortit de la grande maison et marcha dans sa direction.

Le frère d’Ari leva la tête en direction du ciel au-dessus de la serre.

Une femme aux cheveux blancs, bizarrement coupés courts, attendait près de l’endroit par lequel la précieuse créature d’Ari était descendue. Le jeune homme lui fit un signe de tête. La tueuse plongea dans la serre.

Abbas ne donna pas cher de la peau de celui qui se trouverait sur son passage.

Il reporta son attention sur Séphyr, son assassin, sa création. Il en admira la perfection. Ari avait sa créature, et lui, Abbas, avait la sienne, sublime et inhumaine en tous points. Lui et cette femme aux cheveux blancs formaient le Tueur parfait.

Le jeune homme arriva auprès de lui. S’il remarqua la lueur inquiète dans le regard de l’assassin, il ne lui en fit pas part.

Séphyr ne parlait pas beaucoup, et depuis Londres, depuis le septième meurtre, ou plutôt, comme l’on dirait dans quelques années après de nombreuses études, le troisième crime de l’Éventreur, il disparaissait souvent, et parfois longtemps.

Abbas s’était demandé, plus d’une fois, à quel passe-temps abominable il s’adonnait.

— Suis-moi ! ordonna-t-il à son assassin.

Celui-ci obéit sans un mot. Il aurait préféré être loin d’ici.

— Je m’occupe de mon frère, toi et ta... ta compagne…

Abbas avait hésité sur le mot comme si le prononcer le dégouttait au plus haut point.

— Tuez tous les autres. Emmenez la fille où vous savez.

— Je sais très bien ce que je dois faire.

Abbas s’arrêta net à l’entrée de la serre et se retourna.

Il dévisagea son bel assassin avec dureté, regrettant de ne pas pouvoir corriger son impertinence en présence de ses hommes, comme il le faisait lorsqu’il était enfant.

— Un problème, Séphyr ?

Séphyr cacha de son mieux le dégoût que lui inspirait Abbas.

Depuis Londres, cela lui semblait de plus en plus difficile. Il détestait tout ce qu’Abbas l’obligeait à faire. Il se sentait prisonnier d’une vie qui n’était pas la sienne. Jamais il n’avait choisi d’être ce qu’il était aujourd’hui.

Certes, il avait des prédispositions naturelles comme tous ceux de son espèce qui étaient autant des poètes que des guerriers.

Il n’avait jamais eu la chance de rencontrer l’un de ses semblables. Quelqu’un avec qui il pourrait peut-être partager autre chose que des expériences malsaines.

Il avait vu comment la guerrière avait protégé son compagnon à Londres. Celui-ci en avait fait de même pour elle. En vain.

Séphyr avait fait ce qu’il faisait le mieux.

Mieux que ce qu’il avait fait à quelques-unes de ces pauvres filles.

Il s’était senti mal les jours suivants sans savoir pourquoi.

Il s’en était ouvert une fois à Siérate, sa partenaire dans le crime. Elle s’était d’abord moquée de lui, avant de se montrer particulièrement agressive à son égard.

Il n’avait plus jamais été mieux depuis Londres. Jusqu’à ce qu’Abbas apprenne où se cachait son frère.

Sa première pensée avait été qu’il allait revoir la créature d’Ari comme la surnommait Abbas.

Il s’était surpris à le haïr encore plus lorsqu’il l’appelait ainsi.

Sans y accorder vraiment d’attention, il avait suivi Abbas à l’intérieur de la serre.

Ils avaient marché à travers une végétation dense et humide avant d’arriver dans une clairière.

Les combattants de l’autre camp attendaient.

Avec eux, la guerrière et son compagnon.

La chaleur enroba son cœur. Il le sentit se gonfler dans sa poitrine.

Cette impression inhabituelle l’avait marqué la première fois qu’il l’avait ressentie. Il avait cherché à la réprimer, en vain. Il n’existait que deux manières d’y mettre fin. Il devait en choisir une.

Les adversaires s’observèrent un court moment.

Face à face, les aventuriers et les agents du CNCL étaient prêts à en découdre.

Sixtine avait reconnu l’éventreur de Londres.

Le regard qu’échangèrent Ari et Abbas ne laissait guère de doute sur leurs intentions.

Un mouvement derrière eux fit se retourner quelques-uns des aventuriers. Le spectacle qui s’offrit à eux aurait pu les glacer d’effroi s’ils n’avaient pas déjà été témoins de scènes d’horreur.

Une femme aux cheveux blancs, pour autant qu’ils purent en juger avec tout ce sang qui maculait sa tête et son buste les avaient pris en revers.

Elle cracha quelque chose.

L’homme le plus proche évita de justesse le projectile. En regardant au sol, il vit une oreille. Celle de son compagnon et ami qui était supposé surveiller l’une des entrées de la serre.

La femme le fixait avec un sourire narquois. Elle passa sa langue sur ses lèvres maculées de sang.

La colère l’emporta sur la raison et la prudence.

L’aventurier se jura intérieurement de tuer cette garce. Mais avant qu’il ait eu le temps de se jeter sur elle, elle lui trancha la gorge d’un geste fluide et rapide.

Ce fut le signal de la bataille.

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