DORÉ
Un sourire espiègle peignit les lèvres de Flo. D’un geste calculé, sa main sensuelle dégagea ses mèches blondes derrière son oreille.
— Comme on se retrouve… Le hasard est un sacré farceur !
— Il n’y a pas de hasard.
Le phrasé implacable de l’autostoppeuse, réincarnée dans le tailleur sexy de serveuse, était plus glaçant encore que son improbable transformation. Elle avait troqué sa robe blanche contre un chemisier sage, tout juste maculé d’arabesques dorées. Au lieu de l'entacher, cet éclat de miel réhaussait son aura de pureté.
Flo haussa un sourcil.
— Tu travailles ici ?
— Il faut croire.
— Tu ne m’as pas donné ton nom.
— Tu ne l’as pas demandé.
— Maintenant, je te le demande.
— Maintenant, ce n’est plus le moment.
L’étrange quadragénaire avait décidément le don de l’intriguer. Cela dit, Flo se méiait de son inclinaison, peut-être aussi dangereuse que les plats au menu.
— Juste un rissetto alors, se rétracta-t-elle, l’estomac en pleurs.
— Tu sais, Florence, passé un certain âge, la prudence n’a plus de sens.
L’intéressée se raidit.
— Comment tu…
— Connais ton nom ? Tu as pris une chambre à l’Eternam, sur les quais.
Son teint devint livide, elle dut serrer les dents pour ne pas se liquéfier.
— Tu…
— Invite-moi dans ta chambre, ce soir, et je te dirai mon nom.
Flo ne put que déglutir. Voilà qu’une araignée, plus perchée qu’elle, tissait sous ses yeux un piège indéchiffrable. Dans le même temps, elle ne pouvait nier l’immense fascination que sa curieuse poursuivante insufflait à ses sens. Une main portée au chignon, l’inconnue tira l’épingle qui laissa se déverser sur ses épaules lasses une cascade argentée.
— Alors ? insista-t-elle.
— Un rissetto, ce sera tout.
Une fois englouti son café sans saveur, Flo prit congé sans demander son reste. Seule la mission importait. Il lui fallait creuser l’écart entre cette veuve blanche et elle. Crin-d’argent connaissait son logis, cependant. Nul doute qu’elle se présenterait à sa porte à la nuit tombée et trouverait son chemin jusqu’à sa couche.
Flo n’avait avec James Bond qu’un unique point commun : elle résistait mal aux attraits des mystérieuses vampes. Mais elle savait une chose. Atylwat ne tolérait aucun écart. Un fantasme passager ne devait en aucun cas mettre en péril une mission. Ce qui ne laissait à ses désirs qu’une seule option : la mission d’abord, le plaisir en pourboire. Son coup de fil attendrait.
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