— Pardon…

Il y avait la peau fanée, la terre craquelée, le givre ; tout cela mêlé sur le visage de Morana, comme l’un de ces maquillage d’Halloween périmé au fond de la boîte. Il y avait la main tendue de Flo, trop anxieuse pour oser apposer sur cette face meurtrie une tendresse malhabile.

Elle ne savait plus bien contre quoi elle luttait.

— Suis-moi.

Flo tressaillit. La main ouverte de Morana s’offrait à elle. Son instinct le plus primaire lui commandait de ne pas s’en saisir. Pourtant, elle réprima cette voie intérieur qui lui intimait de prendre la fuite. Elle glissa ses doigts contre la paume de Crin-d’Argent et la serra contre la sienne.

C’était rugueux. Moite, froid, ferme, tendre, piquant, brûlant, doux. Mais surtout rugueux.

Sans qu’elle puisse l’expliquer, à ce moment précis, mettre un mot la rassura. Elle se sentit – presque – en confiance et emboîta le pas à l’étrange dame blanche.

Morana ordonna de se vêtir, de descendre, de grimper dans l’angeomobile, et la femme de main obéit à tout sans targiverser.

Au lieu d’une chapelle miteuse, cette fois-ci, la conductrice lâcha Flo et les trois chiens aux abords d’une ruelle bruyante. Cédant aux caprices de son employeuse, la femme-caméléon s’était vêtue de noir, enroulée dans une cape du même colori et avait rabattu sur son visage un masque canin. Puisqu’elle portait un nom de ville, à l’instar des trois autres, sans doute pouvait-elle faire partie de la meute.

Même si, trois tête, c’est déjà bien assez…

Elle ne saisit la raison d’un tel accoutrement qu’au bout de la ruelle, en déboulant sur le cortège fleuri d’un somptueux carnaval. Tandis qu’elle cheminait avec la foule, Flo ouvrit sa nouvelle enveloppe. Rugueuse. Elle en tira le nouveau cliché qui devait désigner sa nouvelle cible. Elle se demandait, d’ailleurs, comment elle l'identifierait parmi toutes ces moues grimées ? Mais, à sa grande surprise, en déballant le polaroïd, elle ne découvrit pas un visage, mais un masque.