Partie 2/8 : Lo batèsta deus vilatges (La bataille des villages)
C’est ainsi qu’après de longues années de services, Henri IV se résigna à se séparer de son fidèle équidé, pour lui offrir un repos bien mérité. La promesse que le royal maître lui fit sera tenue. Il ordonna aux représentants des villages de Navarre de se présenter à lui.
Tous répondirent présents, aucun ne souhaitant décevoir leur si généreux protecteur.
- Bearnés, Bearnesas ! Mes chers serviteurs ! commença le roi. C’est avec une tristesse immense que je m’adresse à vous pour une demande exceptionnelle.
La détresse s’entendait dans la voix du souverain. Certains représentants remarquèrent ses yeux humides et brillants.
- Je dois me résoudre… Quina dolor !
Il soupira douloureusement avant de poursuivre.
- Je ne connais pas plus beau pays que celui-ci. Les immenses pâturages verts et riches, et son climat tempéré, conviendront parfaitement à la retraite de mon compagnon. Aussi, je demande à l’un d’entre-vous d’accueillir lo men chivau sur ses terres pour lui accorder les meilleurs soins. Je vous assure que le village choisi, sera récompensé à sa juste loyauté !
Les visages des représentants s’ébahirent d’espoir devant ces paroles providentielles. Le roi quémandait à eux, simples paysans, leur aide pour veiller sur le plus précieux des joyaux de la Couronne.
Un véritable honneur !
Les réactions ne mirent pas longtemps à se faire entendre.
- Pau sera heureux d’accueillir votre cheval, Majestat ! se précipita l’un d’eux. Ainsi, lorsque vous serez de retour en votre château, il vous sera grès de l’apercevoir par vos hautes fenêtres !
- Certes ! répondit le roi. Mais, Pau est également une grande ville. Les terres y sont moins nombreuses et moins propices à la tranquillité.
- Si je puis me permettre, Sénher, dit un autre, les près de Morlana sont les plus verts qu’il nous soit donner de rencontrer dans le coin !
- Il est vrai, mon brave ! acquiesça lo rei les yeux froncés en signe de réflexion.
- Je vous suggère Aidius, mon bon roi ! s’exclama un troisième profitant du silence royal. Votre compagnon aura une vue splendide sur les chères montanhas de nos Pyrénées.
- En soi, amigòt, tu as raison ! intervint un quatrième homme. Mais la pauvre bête tombera malade au premier hiver. Que diriez-vous, Majestat, de proposer les grandes prairies fleuries de mon village d’Artés ? Chez moi, les vallons et les vallées à perte de vue lui prodigueront les meilleurs divertissements, en plus d’une nourriture abondante ?
- Effectivement ! concéda Henri IV. Toutefois, je ne suis pas encore convaincu...
- Si je puis me permettre, insista l’artésien. Vous êtes régulièrement en visite dans ma commune et notre belle Comtesse de Guiche - Dauna Diane d’Andoins - sera, je n’en doute pas, ravie de vous recevoir !
En évoquant la grande Dame, le représentant avait une idée derrière la tête. Il offrait l’opportunité au roi de visiter autant qu’il le souhaitait, et en toute discrétion, celle dont le de Navarre savait qu’elle était sa maîtresse. En revanche, concernant ses pairs, son entreprise audacieuse était perçue comme déloyale.
Un brouhaha s'éleva dans la salle du trône, jusqu’à devenir infernal. Les représentants des petites contrées redoublèrent d’arguments dans l’espoir d’obtenir la faveur royale.
Au bout d’un moment, les voix s’échauffèrent et les regards noirs fusèrent. L’enjeu était bien trop important pour capituler sans user de toutes les armes à leur portée.
Il suffit d’un geste de la part d’Henri IV pour que les voix s’estompèrent immédiatement et que le calme revient dans la vaste pièce principale du château.
Lo noste Enric avait pris sa décision et il se décida à la dévoiler.
- Mercés à tous pour votre sollicitude, mais j’adhère à l’enthousiasme de notre cher village d’Artés ! Ainsi, mon cheval blanc paîtra dans ses prés et se baladera à son grès sur ses terres !
Lo rei a parlé !
Le représentant du village gagnant se réjouit sans retenue et remercia mille fois son souverain, les genoux à terre.
- Nous ne vous décevrons pas, Sénher ! lui dit-il.
Les autres villageois furent amers et déçus. Ils enviaient la prospérité qu’Artés venait d’acquérir. Finies les angoisses des récoltes perdues par le temps humide. Terminés les impôts assomants pour ses habitants. Artés a bien de la chance d’être immunisée par les maux douloureux de leurs conditions paysannes !
Pour autant, l’attitude du roi se fit étrange tout à coup. Le souverain se leva de son trône et descendit trois petites marches pour se diriger vers l’artésien. À son passage, les invités exécutèrent de longues révérences, courbant le dos jusqu’à toucher le sol avec le nez.
- Caralho òmi ! Par ta persuasion, ton village bénéficie de mes largesses, s’exclama Henry IV. Mais tout à un prix ! Ecoute bien ce qui va suivre, villageois !
Le silence avait repris ses droits lorsque le roi s’était avancé vers les représentants. Pourtant, il sembla à tous, qu’un courant d’air glacial s’était invité en même temps que l’élocution des dernières paroles du souverain.
Meishant presagi !
Lo rei poursuit ses propos avec une expression menaçante sur le visage
- Le premier qui osera me dire « lo vòste chivau blanc que s'ei mort », je le ferais décapiter sur le champ !
Les habitants tressaillirent devant l’ampleur du châtiment.
- As-tu bien entendu, mon brave ?
- M…mais, v…votre Maj…
- Je répète ! répliqua sévèrement le souverain. Le PREMIER qui osera prononcer « votre cheval blanc est mort », sera exécuté ! Qu’ai-je dis, serviteur ?
L’arthézien articula péniblement les mots ordonnés par le roi.
- Lo prumèr... qui vous di…diras « lo vo ... vòste chivau blanc q... que s... s'ei mort », aura la caboça coupée !
- Tu as bien compris, je crois !
- Ou..oui, Majestat ! répondit-il déconcerté.
Le farouche représentant avait perdu toute son assurance et sa témérité. La faveur gagnée était accompagnée d’un retour bien cruel. Avant de reprendre le chemin pour rejoindre son habitation en compagnie du beau cheval, il essuya les critiques mesquines et les jalousies acerbes de ses confrères.
- Bien fait pour ton village ! Can lo rei ! Une vie pour ne pas mourir de faim…
- Boudïou ! Bonne courage à Artés !
- Hilh de puto !
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