UNE DEUXIEME CHANCE
Le soleil offre un magnifique spectacle lorsqu’il se lève sur l’océan. Sa lumière, bien plus chaude que celle de la lune, enflamme le ciel de ses rayons orangés, colorant les nuages cotonneux de rose et de violet, faisant ressortir le vert profond de la mer. Dragus découvrait la beauté du monde de la surface. Lui qui avait passé sa vie à maudire les humains pour les restrictions que subissait son peuple, il s’ouvrait peu à peu à leur point de vue et s’apercevait qu’ils n’étaient pas si différents, finalement.
Le peuple de la surface ne pouvait pas disposer des profondeurs des océans et eux aussi s’en sentaient limité. Mais Olaf avait accueilli le triton avec générosité, il lui avait ouvert sa maison et sa cuisine. Les humains avaient la fâcheuse tendance à faire sécher leur poisson où à le laisser macérer plus que de raison, mais la viande venant des poissons de terre, avait un goût remarquable. Dragus appréciait particulièrement quand elle était servie dans une eau chaude et parfumée, avec des tranches de pain noir. Le feu était une invention de la surface qui le fascinait, ils savaient reproduire un bout de leur père Soleil, afin de l’apprivoiser et de s’en servir pour améliorer leurs conditions de vie.
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— Mais c’est quoi un émissaire ?
— Tout d’abord, tu es la seule personne à pouvoir rentrer en contact avec moi, expliqua la lune patiemment. Ensuite, tu as la possibilité de vivre aussi bien à la surface que sous l’eau et avec ta sœur, vous connaissez les us et coutumes de nos deux peuples. Cela nous sera d’une grande aide pour la suite de notre projet.
Eldrik, toujours bercé dans son cocon, commença à se sentir redescendre. Les sons se firent plus étouffés tandis que des couleurs réapparaissaient progressivement autour de lui.
— Quels projets ?
— La rencontre de nos deux peuples, bien entendu…
Eldrik se réveilla alors, étendu dans un lit d’anémones bleues. Leurs tentacules le maintenant au chaud, chassant les petits crustacés et poissons qui cherchaient à se nourrir sur lui.
Se relevant doucement, il aperçut sa sœur à son chevet. Elle s’était endormie elle aussi et restait là, assise, le menton sur sa poitrine, des bulles s’échappant de ses ouïes, au rythme de sa respiration. Eldrik tendit une main vers elle, pour caresser ses cheveux rouges.
— Sybille, nous devons parler à ton peuple du projet de nos parents… Il semblerait que la lune et le soleil veulent réunir de nouveau nos deux peuples.
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Dragus lui avait tout avoué, de ses espoirs et de ses craintes pour son peuple, de ce qu’il avait manigancé, afin de le libérer de ce qu’il prenait pour l’oppression des humains. Aujourd’hui, il se rendait compte qu’il s’était trompé sur toute la ligne, les humains comme le peuple de l’eau, ne se connaissaient même pas et leur seul problème venait justement de cette ignorance.
Après l’avoir écouté avec attention, Olaf resta silencieux, le regard fixé sur la mer. Ainsi, son fils était mort d’un accident de chasse aux requins, et cela avait précipité la fin de la reine.
— C’était un accident… Et puis elle est morte de vieillesse, tout simplement.
— Et de chagrin ! Comme elle était tombée amoureuse de votre fils, elle a refusé de rependre un nouvel émissaire après sa disparition et n’a donc pas pu s’unir de nouveau à la lune.
— C’est la lune qui la maintenait en vie depuis tout ce temps ?
— Oui, notre reine était sa maîtresse et nous, nous sommes ses enfants, mais vous, vous êtes la création du soleil. Je vais retourner là-bas Olaf, je vais aller me rendre et assumer mes actes. J’aimerais que la reine puisse à se concentrer sur l’organisation de son nouveau règne, plutôt que de devoir toujours surveiller par-dessus son épaule.
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Lorsque Dragus arriva au palais, des gardes hésitèrent à se saisir de lui. Après tout, bon nombre d’entre eux avaient adhéré à sa cause. Ils le menèrent tout de même au centre de l’arène, où la reine et le prince étaient en train de transmettre le message de la lune au peuple.
— Ha ! Dragus, le traître tant recherché… Que venez-vous faire ici ? Finir votre projet de m’assassiner ?
— Votre Majesté, dit le triton en se penchant humblement. Je ne mérite pas votre pardon, mais je viens tout de même avouer mes fautes à vos pieds. Oui, j’ai essayé de vous empoisonner, vous n’étiez pas assez mure à mes yeux pour gouverner les océans, mais jamais je n’ai porté la main ou une nageoire sur votre mère ou son époux. J’ai agi en écoutant mon arrogance et ma bêtise, aujourd’hui, je me rends compte de ma vanité passé et je regrette mes décisions.
— Et pourquoi ce changement d’avis en à peine un mois ? Demanda Eldrik
— J’ai appris… Pendant ma fuite, j’étais auprès de votre grand-père, à la surface et ce temps m’a ouvert les yeux sur la bêtise de mes anciennes croyances. Votre Majesté, Votre Altesse, si je détestais autant les gens de la surface, c’est que je ne les connaissais pas. Aujourd’hui, j’ai appris à les connaître et je m’aperçois que nous ne sommes pas si différents d’eux.
— Nous étions justement en train de transmettre les projets de nos parents, mais comme d’habitude, il vous faut accaparer toute l’attention. Vous serez gardé dans une cellule le temps que l’on vous juge, car je n’oublie pas que vous avez essayé de m’empoisonner pour arriver à vos fins.
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