11 – Est-ce un cauchemar ?

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Pourquoi tout ressort si sombre ? Je me tords dans tous les sens, mais n’arrive à rien sentir.

Bizarre. Bon, comme dit Mirabel, quand il faut y aller, il faut y aller ! Je force, me contorsionne, me secoue. Toujours rien. Soudain, je réalise que je ne me rappelle plus ce que je faisais.

Hum… Au fond de mes souvenirs les plus récents, on occupe le chalet, à côté du lac. Pourtant, je suis certaine qu’il s’est produit plein de choses ultérieurement.

Qu’est-ce que… ? Une étrange lueur apparaît. L’espace d’un instant, j’aurais juré voir mes propres yeux. Je tente, tant bien que mal, de me déplacer vers cette lumière.

Ouf ! Ça marche ! J’avance lentement, tellement sûrement qu’une tortue me dépasserait sans problème. Après une éternité, j’atteins enfin la source. Je tends l’index et l’effleure.

 — Ah ! hurlé-je, en serrant mon crâne entre les mains.

 Une migraine m’envahit, pire que celle qui a suivi la cuite monumentale avec Alex et Kai l’année dernière. Des images défilent à toute allure. Je comprends que dalle. L’air tremble autour de moi et… plus rien. Certainement par magie... ma chambre. Par conséquent, je me pince la joue aussi fort que possible.

 — Aïe !

Je suis bien réveillée. Drôle de rêve. Je ne suis pas sur mon pieu, mais debout, au centre de la pièce. Je me dirige à droite et me penche afin de regarder à travers la fenêtre. Un oiseau tout mignon se pose au sommet du toit d’en face. Hormis cela, rien de vraiment extraordinaire. Tout à coup, j’entends un gémissement derrière moi. Je me crispe, serre les dents, rentre la tête au creux de mes épaules et inspire profondément.

Allez ! Un, deux, trois…

 Impossible de me retourner car le bruit se redéclare. À la suite d’un effort surhumain, je pivote finalement.

Ouvre tes mirettes. Tu peux réussir, Iris.

 — Hi ! crié-je, après un sursaut qui aurait dû m'achever.

 Il y a un fantôme. Malgré ma mémoire chancelante, je suis sûre de ne pas l'avoir invoqué. Il est tout moche, à moitié effacé du côté droit de son dos. Il pend dans le vide, comme... comme un horrible spectre qui pend dans le vide ! Instinctivement, je recule de trois pas et m'arrête juste devant mon lit. Heureusement, j’ai la porte en vue.

 Et voilà ! Il se retourne vers moi. Si je pouvais flotter à travers le mur, je ne me gênerais pas. Cependant, mes tremblements me forcent à rester et à lui faire face. Il prend tout son temps en vue de finir le demi-tour. Étrangement, il s’avère beaucoup moins effrayant. J'ai même l'impression de le connaître.

 — Couic, gémit-il en essayant de sourire.

 — Couic... tenté-je en le saluant de la main.

 C'est dégoûtant. Il lève également la sienne. Son esprit ne rend vraiment pas comme celui de papa. On dirait qu'il fond, qu'il suinte, seulement, il ne touche pas le sol. En parlant de lui, où se vautre-t-il ? Il n'est jamais là quand on a besoin de lui ! Je prends mon courage à deux mains et m'avance.

 — Qui êtes-vous ?

 — Iris...

 — Non, Iris, c'est moi, lui précisé-je en me désignant du doigt. Et vous, comment vous nommez-vous ?

 — Mirabel...

 — Ne cherchez pas à m'embrouiller. Je vois bien que vous n'êtes pas tatie. À la limite...

George ! réalisé-je subitement, sans terminer ma phrase. Pourquoi ne l'ai-je pas reconnu auparavant ? Tatie Mimi a des portraits de lui partout autour du salon. En vérité, elle ne m'en parle jamais, à cause de l’histoire de maman.

Il a l’air sacrément amoché, le pauvre.

 — Qu'est-il survenu, George ?

 — Oui, George.

La conversation va être longue.

 — Pourquoi êtes-vous tout défiguré ?

 — À cause de lui…

 — De qui ? pesté-je en soufflant.

 Il vise un point à sa gauche. J’expire progressivement, essaie de contrôler mon grelottement et jette un œil. Des clous. Enfin si, mon miroir au-dessus de la coiffeuse. Je croise à nouveau son regard, quant à lui, il me montre encore le meuble. J’arque un sourcil et laisse retomber mes épaules. Voyant mon agacement, il énonce alors :

 — Vois ! Vois !

 Afin de lui offrir ce plaisir – et par curiosité – je me dirige, une fois n’est pas coutume, vers la glace. Je n’observe que le reflet du mur.

 — Il n’y a rien. Vous me faites perdre mon…

 — Vois ! crie-t-il plus fort.

 Comme le dirait mon père, au cour d’une ultime occurrence, je guette l’objet de sa convoitise et ne décèle que les posters.

 Et là, je comprends.

 — Mais… bafouillé-je. Impossible ! Quel sort m’a touché ?

 Je n’ai pas de reflet. Où se prélasse l’Iris jumelle qui me tire la langue tandis que je me coiffe ?

Souffle un coup ! Remémore-toi ! Je me tiens le front pendant une bonne minute en me rappelant l’échange de corps avec Kai. Mais ça, c’était il y a des mois. Je constate bien l’hiver dehors !

 — Esprit ! Iris ! chouine le demi-spectre.

 — Ça ne signifie quand même pas que j’en suis un ?

Ce n’est pas possible ! Non, non, non, c’est un cauchemar !

 — Oui, esprit.

Par chance mon estomac paraît également sous forme éthérée... J’étale ma menotte contre le bois. Elle le traverse. Non ! Je vais vomir ! Je suis devenue un… fantôme. Je tourne sur moi-même, me tiens la tête et demande :

 — Où se trouve papa ?

 — Rafael ! Parti !

 — Où ça ?

 — Vol…

 — Il s’est envolé ? Pouf ! Disparu ?

 — Vol… Oui...

Comment je vais me débrouiller sans lui ? Je suis dans la mouise. Je vais crever. Vu qu'aucun souvenir ne semble vouloir pointer le bout de son nez, je décide d'aborder le sujet directement :

 — George, je sais que vous avez du mal pour répondre. Concentrez-vous, je vous en supplie, c'est important, le préparé-je en posant mes doigts au milieu de son éther dégoulinant.

 J’essaye autant que faire se peut de masquer mon écœurement et poursuis, hésitante :

 — Comment suis-je morte ?

 — C'est de sa faute… murmure-t-il en soulignant son flanc effacé.

 — La faute de qui ?

 J’entame mon roman : Serait-ce celle de Kai ? Non, il ne ferait jamais ça. Finn ? Il est trop couillon, trop gentil et mignon pour ça. Zara ou Thadd ? Impensable, on était tout le temps ensemble en première année. Alex ? Non ! Pas ma meilleure amie.

 — Pas celle de papa, j'espère, dis-je en grimaçant.

 — Iris…

 — Ma faute ! À moi ?

 Il ne répond pas et continue son couinement infernal. Je me frotte le crâne. Qu'est-ce que j'ai encore foutu ?

 — T’es sûr ? insisté-je en fermant les paupières.

 Je n’ai pas remarqué le passage au tutoiement.

 — Marionnettiste…

 — Ça serait un marionnettiste de l’âme ? Qui m’a tuée ? demandé-je, perplexe.

 — Hi ! grince-t-il.

 Il disparaît, s'enfuit, puis réapparaît au même endroit.

 Un frisson glacé me transperce. Est-ce exactement celui qui a tué maman ? Une bouffée de colère monte en moi, par contre, je refuse de la laisser s’installer.

 — Dis-moi, m'aiderais-tu à le retrouver ?

 — Toi… pas aller… au-delà… limite… invocateur.

 — Qui m'a invoqué ?

 — Marionnettiste…

 Il se carapate de nouveau. Il ne reviendra pas...

 Peu importe ce qu'il s'est passé, j’atteindrai ce salaud. Dangereux ou pas, il verra ce qu'il en coûte. Après tout, on ne meurt pas deux fois.

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