Aldo en ballade

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J’étais tranquillement installé à me dorer au soleil quand je vis ma zumaine prendre mon garde-manger. D’un bond, je voulus l’en empêcher avec un CrrooAAA de protestation mais ma voix s’étouffa au milieu du tas de linges rempli de choses appétissantes. Mais où donc allait-elle avec mon repas ?

Je me hâtai de tout gober ce qui ne fut pas aisé tant j’étais balloté dans tous les sens.

Je m’attaquai au dernier vers bien gras et juteux à souhait quand je sentis le choc révélateur de la fin du voyage. Je me cachai tout au fond de l’embarcation, l’observant avec attention.

Je ris en moi-même, oui que vous le croyez ou non, nous savons rire nous les batraciens, persuadé qu’elle ne trouverait pas trace de mon repas puisque j’avais tout mangé... Tout ?

Je vis avec horreur quelques festins tomber sur l’herbe. Ni une ni deux, je me jetai sur ma pitance. C’est qu’il ne faut pas gâcher de si bons mets !

Enfin repu, je me mis en mode digestion, les yeux mi-clos, observant les faits et gestes de ma zumaine.

Je la vis remettre tout dans le panier et, soucieux de pas la perdre encore une fois, je bondis ni vu ni connu au milieu des vêtements qui sentaient bons et qui étaient agréablement humides. Ainsi balloté, je m’allongeai de tout mon long, savourant le doux voyage jusqu’à la maison.

Une fois le calme revenu, j’ouvris les yeux et vis mon rebord de fenêtre. D’un bon, j’y retournai et regardai ma zumaine s’affairer. Elle gronda le crapaud-cide, hihihi, vous savez, le méchant qui a voulu me zigouiller. Je lâchai un croaa de satisfaction et d’approbation.

Ma zumaine retourna près de son zumain. Elle lui mettait des choses rondes, immangeables : Ça avait l’odeur du bois. Elle le regardait avec une passion mêlée de tristesse, j'en eus la larme à l’œil de la sentir ainsi et je déglutis avec peine tant l’émotion me submergeait.

Après le repas, elle se leva, pris son panier à provision. Je profitai de son passage devant la fenêtre pour sauter dedans. Mon zumain n’allait pas s’envoler ; alors, pas question de laisser ma zumaine dans cet état toute seule. Bon, allez ! Je pense à mon estomac aussi soyons franc ! Les mouches et les papillons de nuit, ça va un temps mais il me faut penser à diversifier mon alimentation. C'est que je suis un crapaud soucieux de ma santé.

L’endroit où ma zumaine m’emmenait clandestinement, excitait mes narines et enchantait mes yeux : Il y avait là des étalages plein de nourritures diverses et variées. Mais il ne fallait pas que je relâche mon attention car déjà une pluie de fèves me tomba sur la tête.

- "Croaaaaaaaaille !" Dis-je furieux. Je n’eus pas le temps de rouspéter d’avantage que déjà une pluie de pois chiche inonda le panier.

Je poussai un Croa de terreur et me planquai dans un coin du panier les pattes protégeant autant que faire se peut ma tête.

Bien m’en prit car une truite plongea directement dans le panier faisant voler des pois chiches.

Je m’écartai subitement en lâchant :

- "Croaaaaaaaaa !" Quelque chose comme : "Au secours !" ou "Maman !" ou encore "Aaaah" comme vous voulez... Toujours est-il que ce coassement failli me coûter la vie car une fève se planta dans mon gosier.

Fort heureusement, une quinte de toux salvatrice m’en libéra. Je reprenais mon souffle soulagé, quand je sentis une paire de pinces piquer mon arrière-train. Je me retournai inquiet et je fis un bond qui me déposa au-dessus de la truite.

Devant mes yeux exorbités, une écrevisse me menaçait de ses pinces. Mon cœur battait la chamade. J’allais défaillir, quand je vis avec soulagement que la bête avait les pinces liées.

Je regardai ma zumaine et vit qu’elle quittait le marché pour s’en retourner au logis.

Je narguai l’écrevisse chemin durant, quand ma zumaine déposa le panier sur la table près de l’eau qui bouillait sur le feu.

Tenant à mes cuisses de crapaud, je sautai les mettre à l'abri sur le rebord de ma fenêtre.

Sur mon refuge, je la regardai faire avec gourmandise. C’est que toutes ces odeurs, ça creuse tout de même !

Quand ma zumaine se mit à tuer l’écrevisse, je fermai les yeux de dégoût ravi de ne pas être un crustacé.

Quand elle s’approcha de son zumain pour le nourrir, je bondis jusque sur la table et goutai son repas. Mais c’est qu’elle cuisine bien ma zumaine ! Je me délectais de ce délicieux met quand je surpris son regard sur moi. Je m’approchai donc pour la remercier.

- "Croaaa coaaaaa"

Elle me parla avec douceur et me posa sur la petite table de chevet pour que je puisse veiller sur son bel endormi.

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