Aldo découvre le lavoir
J’étais tranquillement installé à me dorer au soleil quand je vis Prune prendre mon garde-manger. D’un bond, je voulus l’en empêcher avec un CrrooAAA de protestation, mais ma voix s’étouffa au milieu du tas de linges rempli de choses appétissantes. Mais où donc allait-elle avec mon repas ?
Je me hâtai de tout gober, ce qui ne fut pas aisé tant j’étais ballotté dans tous les sens. Je jetais un œil de temps en temps histoire de repérer les lieux puis reprenais mon repas.
Je m’attaquais au dernier vers bien gras et juteux à souhait, quand je sentis le choc révélateur de la fin du voyage. Je me hissai au sommet de l’embarcation, observant avec attention les environs. Prune me déposa sur l'herbe. Quand je la vis farfouiller dans le tas de linge, je me mis à rire, (oui ! Que vous le croyiez ou non, nous savons rire nous les batraciens !) persuadé qu’elle ne trouverait pas trace de mon repas puisque j’avais tout mangé… Tout ?
Je vis avec horreur quelques asticots tomber sur l’herbe. Ni une ni deux, je me jetai sur ma pitance. C’est qu’il ne faut pas gâcher de si bon met !
Enfin repu, je me mis en mode digestion les yeux mi-clos observant les faits et gestes de ma zumaine. Mais que faisait-elle au juste ?
Bond après bond, je m'approchai de la drôle de construction. Il y avait de l'eau qui s'échappait d'une fente. Je pataugeai un temps en poussant de petits croassements de plaisir, puis entrepris d'escalader l'édifice pour voir où passait mon garde-manger.
Enfin arrivé au sommet, je vis ma zumaine frotter le linge, le tremper, le re-frotter, le torturer… Mais que cherchait-elle à faire ?
– Croaaaaaa ? croa ? croooa ? « Pourquoi tu mets mon repas dans la mare ? Tu penses que je vais vivre ici ? Tu ne veux plus de moi ? »
Je ne savais que penser, car je l’entendais chanter tout en s’affairant, puis elle se mit à tordre le linge en faisant tomber des gouttes de pluie. Je ne la quittais pas des yeux et la suivis quand elle s’éloigna pour étendre son linge sur l’herbe.
Je profitai d’un instant d’inattention pour bondir sur l’étendue blanche qui sentait les fleurs.
– Croa croaaa ! « Mmm, ça me rappelle mon chez-moi ! »
– Oh, mais dis donc, toi. Tu veux bien ne pas salir mon linge petit coquin ? Allez ! Oust !
Je me sentis soulevé et atterrir de nouveau sur l’herbe.
– Croaaaahaaaaaaooo ! « Non mais oh ! »
Rho, je kiffais moi ! Je retourne, elle me redépose plus loin, j’y retourne, me redépose encore plus loin et plus durement.
– Croa croa croaaha ! « C'est bon j’ai compris ! »
Méheu ! Pourquoi elle m’empêche d’aller sur son linge qui sent bon le chez-moi ? Je m’en vais faire une petite baignade puisque c’est comme ça !
Et hop ! en trois bons, je me retrouve dans la pataugeoire près du panier comme ça, elle ne risque pas de partir sans moi héhéhé.
Je me séchais au soleil, envoûté par la douce mélodie, lorsque je la vis ranger toutes ses affaires dans le panier. Ensuite, elle me fit signe de la suivre
– Allez Aldo en route !
J’étais aux anges ! Elle ne voulait absolument pas se débarrasser de moi ! Fou de joie, je bondis au milieu des vêtements qui sentaient bon le chez-moi et étaient humides à souhait. Bercé, je m’allongeai de tout mon long savourant le doux voyage jusqu’à la maison.
Une fois le calme revenu, j’ouvris les yeux et vit mon rebord de fenêtre. D’un bon, j'y retournai et regardai Prune s’affairer. Elle gronda Crapovore hihihi, vous savez, Le méchant qui a voulu me zigouiller. Je lâchai un «croaa» de satisfaction et d’approbation.
Ma zumaine retourna près de son zumain. Elle le regardait avec une passion mêlée de tristesse, j'en eu la larme à l’œil de la sentir ainsi et je déglutis avec peine tant l’émotion me submergeait.
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