22.07.20 - Éteignoir

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Sacrée Germaine, pensa-t-elle, elle perd un peu la boule. Quatre fois qu'elle lui avait dit que sa petite fille avait accouché. A la fin elle avait tenté de le lui dire puis, en voyant la fierté et la joie dans son regard, elle s'était tue. N'était-ce pas ce qu'on faisait entre amies ?

Georgette ne les avait rejointes qu'en fin de matinée. Ça n'allait pas très fort en ce moment. Ses enfants voulaient la placer en maison de retraite. Les ingrats ! Voilà ce que faisait la jeunesse.

Elle cherchait un objet en se remémorant son après midi : elle avait mangé puis était redescendue sur ce même banc. Ahhh ce banc. S'il pouvait parler … Il en avait vu des culs. Les hommes qui venaient faire pisser leur chien, surtout son voisin : un gros arabe. Lorsqu'il était arrivé avec son doberman, elle ne l'avait pas senti, comme disait les jeunes d'aujourd'hui. Était-ce sa grosse barbe ? Peut-être. La réalité était qu'il lui faisait peur. On n'est plus chez nous ! comme le disait le père Edmond. Celui-là alors ! Un sacré numéro aussi. Il faudrait qu'elle lui rende visite. Le pauvre vieux ne pouvait plus sortir de chez lui depuis qu'il s'était cassé la binette dans les escaliers. Deux étages qu'il avait dévalé mais rien de cassé ! Il était solide l'Edmond !

Alors qu'elle fouillait un énième tiroir, elle se demandait si Thomas n'allait pas l'oublier. Elle espérait que non. Elle n'avait plus la force d'aller à l'église à pied. Aussi, le voisin de son amie, Mauricette, les y amenait toutes les deux en voiture. Bien sûr que non ça ne le dérangeait pas. Quand y a de la place pour deux, y en a pour trois. Il était bien sympa ce petit Thomas. Un bon pratiquant, pas comme cette imbécile, comment s'appelait-elle déjà ? Boh, peu importe.

Elle finit par éteindre la bougie avec ses doigts. Tant pis, elle retrouvera son éteignoir demain. C'était un cadeau de son René. Il lui avait offert pour leur soixantième anniversaire de mariage. Soixante ans … quand elle y pensait. Ça n'avait pas toujours été facile. C'est qu'il avait son carafon le bonhomme !

Aujourd'hui René n'était plus. Il avait été emporté par un cancer des poumons il y a dix ans de cela. C'était à lui qu'elle adressait ses prières quotidiennes.

— Bonne nuit mon amour, chuchota-t-elle en regardant une dernière fois leur photo de mariage avant de s'apercevoir que l'éteignoir était là, posé à côté, et de s'en servir pour éteindre la dernière bougie.

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