chapitre 32

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Un coup de vent fait brutalement claquer le volet et Suzanne lève la tête. Elle va à la fenêtre : sur la colline au loin deux feux rouges sont accrochés l’un au-dessus de l’autre en haut du sémaphore. Près du buffet, elle a collé un petit carton sur lequel elle a noté le sens des signaux. Gwalarn : Nord-Ouest. Le vent qui prend la côte de plein fouet. L’annonce des tempêtes est toujours une joie pour Suzanne. C’est une de ses rares fêtes, peut-être même la seule. La nuit va tomber, elle aimerait bien aller grimper dans un des grands cyprès du bois voisin et se laisser bercer par les rafales mais il se met à pleuvoir. Alors elle s’enferme chez elle en fermant soigneusement les volets. La chatte aussi a renoncé à ses errances nocturnes. Elle est rentrée de bonne heure, un peu hérissée et les pupilles dilatées. Elle se glisse sous la couverture en attendant que Suzanne la rejoigne pour une nuit douillette et elles s’endorment serrées l’une contre l’autre.

Il est tard quand le vent se met vraiment à souffler. Ses coups de plus en plus violents ébranlent la maison. Cela plaît à Suzanne. Elle sourit dans l’ombre car il monte peu à peu en puissance et elle espère qu’il va souffler encore plus fort. C’est une joie de l’entendre sa voix, il lui tient compagnie. Pourtant peu à peu on dirait que quelque chose de nouveau se passe ce soir. Ce n’est pas comme d’habitude surtout en cette saison. Une fois perché dans les aigus, le vent monte toujours. Il lui échappe; il la dépasse. Il est terrible. Il n’a jamais été aussi violent et son intensité augmente encore et encore. Il y a aussi des chocs qu’elle ne comprend pas. Et pour la première fois de sa vie, elle a peur de la tempête.

Tout à coup la chatte bondit hors du lit et se cache dessous. Suzanne se lève également. Les murs vibrent. Il n’y a plus de courant… elle court prendre une bougie dans le tiroir du buffet, l’allume, s’agenouille devant et dit une prière à haute voix, le plus fort possible mais elle s’entend à peine. Et tout à coup le bruit de la mer aussi se met à l’effrayer, il est très fort, si fort et si proche. Non ! Ce n’est pas comme d’habitude. Il faut qu’elle voie. Elle va vers la porte et l’entrouvre. La flamme de la bougie s’éteint aussitôt. Le vent et la pluie la giflent et la repoussent vers l’intérieur. Mais elle s’accroche à la porte. Elle veut voir. Et dans l’ombre, elle voit que la mer est là, tout près, plus près qu’elle ne l’a jamais vue. Les déferlantes montent sur le petit chemin, repartent et reviennent, furieuses. Leurs dos sombres se succèdent, effrayants. Il faut s’enfuir ! Mais où aller ? Et comment emporter la chatte ? Non, elle va rester là. Pour se rassurer elle se dit que la mer ne peut pas arriver à sa maison, cela ne s’est jamais produit. D’ailleurs la marée va bientôt descendre. Elle referme la porte, essuie son visage et s’agenouille à nouveau en regardant si l’eau ne passe pas sous la porte. Il se passe un très long moment avant que le bruit se calme. Alors elle regagne son lit. Aussitôt la chatte la rejoint mais elles mettent du temps à s’endormir.

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