Chapitre 18, partie 2 [⚠️] :
Angelo DeNil :
Je me laisse tomber sur le lit après avoir retiré mon pantalon. Je suis complètement rincé, pourtant aujourd'hui nous n'avons pas arpenté la forêt pendant des heures. Je n'ai fait aucun effort, j'ai bien dormi la nuit dernière, et finalement je suis encore plus fatigué que quand nous dormions dehors. Cela doit certainement être le contre coup des dix derniers jours.
Le drap est baigné de l'odeur de Marx, je me surprends à coller mon nez contre le tissu pour m'imprégner de son parfum. J'ai longuement hésité, debout devant la porte. Je me suis posé de nombreuses questions, partagé entre l'envie de dormir avec lui et celle d'occuper une autre chambre. J'ai pris ma décision en me souvenant des paroles que j'avais prononcé à Will plus tôt dans la journée. Celles qui disaient qu'une fois au bercail nos chemins se sépareraient de nouveau. Je me suis dit que s'il nous restait que quelques jours ensemble, il fallait en profiter. Pour que je puisse me gorger de sa présence avant de me l'interdire formellement.
Je me glisse sous la couverture, la tête sur l'oreiller et soupire de bien-être. Je me suis installé au centre du matelas pour être le plus proche de Will quand il me rejoindra. Même s'il ne me l'a pas dit ouvertement, l'océan de ses yeux ne peut pas me mentir quant à ses désirs, il voulait que je passe la nuit avec lui.
Je commence à somnoler lorsque la porte de la chambre s'ouvre. Je reste silencieux mais un léger sourire ourle mes lèvres. Je me fais le plus discret possible pour ne pas qu'il sache que je l'attends. Le couloir n'était pas éclairé et la lampe de chevet est éteinte, il ne peut pas me voir blotti entre les draps. Il s'apercevra de ma présence quand il se glissera sous la couverture.
Le matelas s'affaisse et mon cœur s'emballe déjà. Je renifle doucement à la recherche de son odeur. Une main tapote le lit et vient se poser sur ma cuisse dévêtue. Je sursaute vivement et m'extirpe des draps à toute vitesse.
Ce toucher... ce n'était pas celui de Will. Ses paumes sont plus larges, calleuses et ses doigts bien plus longs. Je cherche à tâtons l'interrupteur de la lampe de chevet. Je le trouve après avoir eu le temps de jurer une bonne dizaine de fois.
La lumière éclaire la pièce, mon sang se glace et une rage virulente point en moi comme une éruption volcanique.
— Putain, mais qu'est-ce que tu fous là ? grincé-je en retenant le déferlement de colère qui est prêt à lui éclater à la tronche.
Je la dévisage, puis frisonne lorsque je remarque son corps simplement vêtu d'une culotte et d'un débardeur. Esmée me sourit et rabat ses cheveux roux par-dessus son épaule.
— Je me disais qu'on pouvait peut-être s'amuser un peu, murmure-t-elle en approchant lentement.
Je la fuis comme la peste, recule sans regarder où je vais. Ses yeux quittent les miens et mon cœur cesse de battre.
Putain, je suis en caleçon !
Son regard se pose sur le carnage que je me suis infligé partout sur le corps, elle ne loupe aucun centimètre de peau. Ma réaction est encore plus violente que lorsque Marx à découvert chacune de mes plaies. Elle a violé mon intimité, est entrée dans ma sphère sans me demander mon assentiment. Elle n'avait absolument pas le droit de faire ce choix à ma place.
J'attrape mon pantalon et l'enfile comme si ma vie en dépendait. Je repense à son comportement depuis que nous sommes ici, le mal qu'elle tente de faire à Marx en faisant passer ses actes pour de simples accidents. Et puis cette façon écœurante d'attirer mon attention, comme s'il était ne serait-ce qu'envisageable que je m'intéresse à sa petite personne.
Je me rue vers elle en passant sur le lit, et la pousse en écrasant ma paume sur son épaule. Je la plaque contre un mur avec force et colère.
— Tu vas regretter d'être entrée là où tu n'avais pas lieu de le faire, chuchoté-je en grinçant des dents.
J'ai une soudaine envie de meurtre. C'est comme si elle s'était faufilée dans mon esprit. Je ne veux pas d'elle dans le gouffre de ma folie. Je refuse qu'elle se glisse sous les draps enflammés qui dissimulent mes nombreux débris.
— Pourquoi tu te caches ? susurre-t-elle. Je trouve ça excitant.
Je raffermis ma prise et la repousse brusquement quand elle tente de s'approcher. Elle grimace alors que sa tête cogne contre le mur.
Elle n'avait pas le droit, murmure sournoisement Ombre. Tu as raison d'être en colère. Montre lui à quel point elle a dépassé les bornes.
— C'est excitant ? répété-je dégoûté. C'est la douleur des gens qui te fait vibrer, pauvre conne ?
Le sourire qu'elle m'offre fait éclater mes dernières barrières. La folie me gagne, la rage m'anime.
— T'as voulu jouer avec la mauvaise personne. Je suis malade, murmuré-je en approchant mon visage du sien.
Ma main glisse vers son cou, mes doigts enserrent sa gorge. Je perds les pédales, j'ignore ce que je cherche à faire, dominé par la colère qui bouillonne dans mes veines.
— Je suis malade, répété-je, taré, déviant.
Elle a du mal à respirer, son visage n'est plus provocateur. Ses traits sont tirés, elle se rend doucement.
Elle a voulu jouer, mais je vais gagner.
— Je suis fou, articulé-je d'une voix blanche. Tu n'avais pas le droit de faire ça.
Ses yeux s'humidifient, je vois la peur s'y dessiner. Ça ne m'arrête pas, ça me vivifie.
Ma prise s'accentue autour de son cou alors qu'elle commence à réellement paniquer. Elle suffoque, ses bras s'agitent, son corps remue. Dans ses mouvements désordonnés, elle bouscule une étagère qui finit sur le sol dans un fracas monstrueux.
Un instant plus tard, la porte de la chambre s'ouvre à la volée. Le torse de Will se plaque contre mon dos, ses doigts s'enroulent autour de mon poignet, écrasent mes plaies, m'incitent à desserrer ma prise.
— Angelo, s'exclame-t-il, arrête ! Tu lui fais mal !
— Elle n'avait pas le droit, crié-je. Elle a vu.
— Vu quoi ? Angelo, je t'en prie, lâche-la.
— Elle m'a vu, reformulé-je. Elle a vu toute la névrose en moi, toutes les défaillances sur mon corps. Elle a vu à quel point je suis fou.
Mike apparaît dans mon champs de vision. Il s'agite et parle à sa sœur, pourtant je ne l'entends pas.
— Tu n'es pas fou, Angelo, tu vas mal. Mais tu dois la lâcher maintenant.
Le visage d'Esmée blanchit à vue d'œil, mais mon cœur s'acharne et refuse de se calmer. N'observant aucune réaction de ma part, Will abat son coude contre mes côtes. Mes doigts s'éloignent du cou de ma victime alors que je me courbe en jurant de douleur.
Lorsque je relève la tête, je suis désorienté. Je peine à comprendre ce qu'il vient de se passer. La vision d'Esmée qui sanglote en se frottant la gorge me percute, celle de Mike qui la soutient me transperce et soudainement tout s'aligne dans mon esprit.
Putain, mais qu'est-ce que j'ai fait...
Je tombe à genoux par terre, déverse les larmes qui me brûlent les yeux.
Je n'ai pas pu faire ça ! Si ?
— Putain. Putain. Putain. Je suis désolé, tellement désolé, dis-je encore et encore, espérant que mes paroles suffisent à effacer ce qu'il vient de se passer.
Will attrape mes épaules, m'aide à me relever et me laisse reposer contre son torse lorsqu'il constate que je ne tiens pas sur mes jambes. Ses mains remontent mes avant-bras, me caressent, passent doucement sur chaque meurtrissure. Il tente de me calmer, mais je ne peux pas. J'ai fait n'importe quoi.
Médérick déboule dans la chambre, son regard jongle entre sa fille à peine habillée et moi. Son visage se durcit affreusement alors qu'il replace chaque morceau du puzzle.
Il enjambe les mètres qui nous séparent à une vitesse folle et sa paume s'écrase contre ma joue dans une gifle monumentale. Si Marx ne faisait pas barrage dans mon dos, j'aurais probablement traversé la pièce sous la puissance de cette claque.
— Je suis désolé, murmuré-je en pleure.
Son index se dresse sous mon nez alors qu'il me crache au visage :
— Tu dégages de chez moi demain matin ! Et fais en sorte que je ne te vois pas avant que tu t'en ailles.
J'acquiesce, tout en répétant de lamentables excuses. Mike sort de la chambre avec sa petite sœur sans un coup d'œil en arrière. Le père pose un regard sévère sur moi, sur les cicatrices et entailles qui recouvrent mes bras, puis il suit le mouvement des doigts de Will en fronçant les sourcils. Enfin il se détourne et quitte la chambre en claquant la porte.
Je m'effondre complètement. Mon corps croule vers le bas, Will me rattrape avant que je ne touche le sol. Il me fait pivoter, me serre fort dans ses bras. Ma tête est contre sa poitrine, il me maintient avec fermeté, les paumes dans mon dos. Il recule vers le lit et m'emporte avec lui. Je ne résiste pas quand il m'installe sur ses genoux après s'être appuyé contre la tête de lit.
Ses mains encerclent mon visage, du pouce il efface les larmes qui s'épanchent sur mes joues.
— Qu'est-ce qui t'a pris, Angelo ? murmure-t-il en ancrant son regard au mien.
Je renifle et expire longuement pour tenter de reguler ma respiration.
— Pardon...
— Explique-moi.
Je hoche faiblement la tête puis réfléchis à toute vitesse pour rassembler mes souvenirs.
— Elle est... entrée dans la chambre, sangloté-je. Elle est venue dans le lit, mais je ne voulais pas alors... j'ai allumé la lumière...
Je fais une pause, tentant de calmer les battements de mon cœur.
— ... j'étais en caleçon, couiné-je. Elle a tout vu, tout... Elle a dit que ça l'excitait. J'étais en colère, Will, mais je ne voulais pas lui faire de mal. Je ne sais pas ce que... ce qu'il s'est passé, quand ça a déraillé. C'est comme si je n'étais plus là...
Ses doigts caressent encore mes joues, je ferme les yeux sous la douceur de son contact. Je ne mérite pas cette tendresse.
— Excuse-moi de t'avoir frappé, murmure-t-il en passant son index sur ma pommette meurtrie par la gifle de Médérick.
Tu es un monstre.
— Je suis un monstre, lâché-je en écho à la voix dans ma tête.
Mes mains me démangent. J'ignore Marx et enfonce mes ongles sur les plaies qui parsèment mon poignet. Je gratte les croûtes avec acharnement. Les yeux de Will s'arrondissent, il me fixe horrifié.
— Putain, DeNil, arrête immédiatement, ordonne-t-il en attrapant ma main.
Je le laisse faire, mais mon bras s'approche de ma bouche et je frotte mes dents contre ma peau.
— Angelo, souffle-t-il douloureusement, arrête, ne fait pas ça.
— Tu m'as déjà regardé faire une fois, alors recommence, craché-je.
Son buste pars vers l'avant, étant toujours sur ses genoux je me retrouve emporté par son élan. Mon dos s'écrase contre le matelas alors que ses mains agrippent mes poignets aux endroits les plus douloureux.
— Arrête ça, maintenant, crie-t-il. Je ne te laisserais plus faire, Angelo. Arrête tes conneries et reprends toi, putain de merde !
Son souffle s'abat sur ma peau, il est énervé mais je remarque qu'il souffre.
— Tu n'es pas un monstre, putain. Tu as fait une erreur, une grosse erreur, mais tu n'es pas un monstre. Tu vas mal, je le vois, je ne suis pas aveugle et crois-moi j'aimerais pouvoir t'aider mais je ne sais pas comment. Alors maintenant tu dois te calmer et essayer de dormir, d'accord ?
Je hoche la tête, ignorant comment réagir après tout ce qu'il vient de me dire. S'il refuse que je me fasse du mal, qu'il ne me laisse pas faire, je sais quelle autre option choisir pour effacer tout ce bordel dans ma tête. Quelque chose de presque aussi douloureux.
Sans prévenir j'écrase mes lèvres contre les siennes. Il a un mouvement de recule qui ne dure qu'un très court instant puisqu'il exerce à son tour une légère pression. Je suis soudainement envahi d'un million d'étincelles, j'ai l'impression que ma peau crépite, que mon cœur explose.
Will lâche mes poignets et une de ses mains vient se caler contre ma nuque pour intensifier notre baiser désordonné. La seconde passe dans mon dos et m'attire vers lui.
Avide, je lèche ses lèvres sans savoir quoi faire ensuite. Sa bouche s'entrouvre, sa langue vient caresser la mienne dans une valse endiablée. C'est incroyable, tellement puissant.
Ses doigts remontent dans mes cheveux et pressent ma tête davantage contre la sienne. Je mords sa langue, puis sa lèvre inférieure. Son gémissement se meurt dans ma bouche alors que je l'embrasse à nouveau. J'effleure son torse ferme sous mes doigts, par-dessus son haut. Sa poigne se resserre sur mes mèches ainsi que dans mon dos. Il frissonne de partout, parfaite copie de mon corps qui découvre des sensations merveilleuses.
Ses lèvres s'éloignent, son front se pose contre le mien et nous tentons de reprendre notre souffle. Ce que je découvre dans son regard m'électrise, c'est à l'opposé de ce qu'il m'a montré la première fois. Pas de regret, pas de dégoût, pas de peur, juste un désir qu'il n'essaie pas de refouler. Il repart à l'assaut de ma bouche, puis embrasse ma joue et vient picorer la peau fine de mon cou. Je couine, c'est trop intense, trop bon pour être retenu.
— Tu veux continuer ? demande-t-il doucement à mon oreille.
Je gémis un oui en tentant de hocher la tête. Ses baisers réapparaissent et je ne peux ignorer mon plaisir qui gonfle puissamment entre mes jambes. Je devrais probablement paniquer face à de telles réactions, mais ce n'est absolument pas ce que je ressens. J'aime ça, c'est revigorant.
Marx passe ses mains sous mon tee-shirt pour câliner mon dos du bout des doigts.
— Will, soufflé-je, ne me rejette pas.
Si je n'ai pas peur de ce qu'il me fait ressentir, je suis effrayé à l'idée qu'il se réveille de sa transe et qu'il m'envoie promener à nouveau.
— Je ne le ferai pas, chuchote-t-il en posant ses lèvres sur ma joue.
Mes bras s'enroulent autour de sa nuque, je presse mon torse contre le sien. Je sens son membre durci contre le mien, c'est déroutant... déstabilisant. Mais j'aime ça.
Mon bassin ondule doucement alors que sa bouche parcourt encore ma peau. Mes mouvements sont incontrôlés, mon corps réagit sous l'impulsion du désir. Je soupire quand je sens la pression de nos sexes l'un contre l'autre. Will gémit et tente de camoufler sa réaction dans mon cou. C'est raté, je la perçois parfaitement et ça m'encourage.
J'intensifie le mouvement de balancier qui me fait frémir et s'échapper de ma bouche des sons que je n'avais encore jamais prononcés. Will halète, son corps est bouillant sous mes doigts et sa bouche revient prendre d'assaut la mienne pour un baiser brûlant qui me fait vaciller. Un long râle remonte ma gorge quand il mordille ma lèvre. Finalement, il s'éloigne de moi, les joues rouges et le souffle erratique.
Pendant une seconde je pense qu'il va me repousser pour s'enfuir encore. Mais il n'en fait rien, à la place il me sourit et toutes mes peurs s'évaporent. J'expire avec soulagement et lui souris en retour.
— On devrait calmer le jeu, me conseille-t-il.
J'ai envie de lui crier que je veux continuer mais ce n'est pas raisonnable. Il a raison. Tout ceci est nouveau pour nous, il est préférable d'y aller lentement plutôt que de se hâter et de peut-être le regretter plus tard.
— Tu vas mieux ? me demande-t-il en posant un baiser sur ma joue.
J'acquiesce, le cœur gonflé d'espoir. Il gigote, nous fait glisser sur le matelas pour nous y allonger. Je dépose ma tête contre son torse pour écouter les battements de son cœur alors qu'il me caresse le dos. Je me laisse porter par la fatigue, ne m'inquiétant pas de ce qu'il m'attend demain. Je profite seulement de Will et de sa tendresse.
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