Cher Journal
Cher Soleil,
je crois t'avoir trouvé, tu te reposes, étendu sur des draps souillés ; bien que propres, ils ont pourtant connu le poids de ma médiocrité. Dans l'obscurité, ta lueur m'étreint. Loin de tes bras que j'ai délaissé pour semer quelques mots dans mon triste carnet, ton odeur me réchauffe tout de même. Douces effluves aux notes boisées, fragrances masculines, cependant chargées de délicatesses qui apaisent mon âme errante. Le chemin se dessine sous mes pieds aux ossements fracturés, es-tu une flammèche qui en un courant d'air disparaîtra pour contenter la désespérante Dame Solitude ? Ta magnificence baigne dans un décor empli de rudes platitudes. Tu mérites, toutefois, une belle sphère embaumant une tendre béatitude.
Mon regard cherche le tien, dissimulé sous tes paupières bleuies, où est passé mon océan ? Ton souffle s'élève dans une pièce impersonnelle, rend ainsi mes murs plus gais, peut-être plus beaux aussi, semblable à la splendeur de ton visage. Si je pouvais à jamais graver ton image, me laisserais-tu faire de toi mon plus joli paysage ? Une étendue d'éblouissantes constellations brille sous mes yeux embués ; quelques larmes salées perlent, laisse-moi donc en profiter. Apaisé, mon cœur n'a jamais été si léger que lorsque je te regarde dormir. Tes traits paraissent détendus et tes belles lèvres charnues. Puis-je, dans le chaos de mon monde, te voler un doux baiser ? Telle une promesse aux maux envolés, à la douleur évaporée, aux espoirs nouveaux tendrement dessinés sur ta bouche rosée.
Mon Soleil, il me fuit, le sommeil. J'aimerais passer des heures, des jours à t'admirer. Que sont les mots que je trace sur ce papier aux bouts cornés ? Une missive aux vers amoureux, à l'encre baveuse de mes désirs ou une simple chimère, lettre d'espoir bientôt effacée ou tristes regrets lorsque le jour sera né ? Non, ma Bougie, à l'aurore, tu brilleras encore ; promets-moi d'être là quand l'obscurité laissera tomber son voile brumeux sur mes épaules et mon esprit douloureux. J'aimerais tendrement caresser ta peau mais la peur de te réveiller fait battre mon cœur. Parviendrai-je à supporter l'immensité de ton océan sans me noyer dedans ?
Qu'es-tu d'autre, William, qu'une lueur rougeoyante dans la noirceur de mon monde ?
Qui es-tu, dans la tristesse de mon univers ?
Une fleur aux pétales enchantés, ou deviendras-tu une triste rose à la corolle fanée parce que mon ombre t'aura désespérément enlacé ?
Pardonne-moi, je ne suis pas certain de pouvoir te protéger.
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