Chapitre 30, partie 1 :
Angelo DeNil :
Le week-end a été long et chiant, malgré quelques textos échangés avec Will. Bérénice a passé les deux derniers jours à dormir et j'en suis heureux. C'est mieux que ses crises d'hystérie à coups d'assiettes et de verres. J'ai profité de ce calme pour rattraper les lessives que je n'avais pas eu le temps de faire. J'ai fait tourner quatre fois la machine à laver qui fait un boucan terrible dans notre cuisine et avec Mona nous sommes allés faire sécher le linge à la laverie. Il n'y avait plus un seul vêtement de propre dans les placards. Ensuite, nous avons fait les courses de la semaine en comptant chacune de nos dépenses, et pour finir j'ai déposé des C.V dans des restos miteux et des magasins pourris pour tenter d'avoir un salaire. Je suis fatigué de compter chaque sou pour acheter des pâtes et du pain. J'ai conscience qu'avec la maison, les cours et ma mère, cela va être l'enfer d'ajouter un emploi à honorer. Il est pourtant grand temps que quelqu'un se bouge pour qu'on puisse vivre de façon décente. Lolita est trop jeune, Bérénice est incapable de se lever seule pour rejoindre les toilettes, il ne reste plus que moi.
Ce début de semaine commence franchement mal et en plus d'être sur les nerfs à cause des commérages que je vais entendre dans les couloirs, j'ai raté mon fichu bus. Ça fait vingt minutes que j'alterne entre courir et m'immobiliser pour reprendre mon souffle. Je suis déjà épuisé et n'ai pas fait la moitié de la route. Je n'ai aucune endurance . et me demande sérieusement comment Will et ses compères footballeurs réussissent à poursuivre un ballon pendant presque la totalité d'un match. Il reprend l'entraînement aujourd'hui, sa cheville est complètement rétablie après plusieurs longues semaines sur la touche. Ça m'angoisse, j'ignore comment il va être reçu dans les vestiaires et sous les douches. Il ne m'en a pas parlé, évite même le sujet lorsque je tente de l'aborder et cela ne m'inspire aucune confiance. Il fait comme si tout allait bien et c'est peut-être le cas, mais je ne suis pas certain que l'équipe entière l'accueille de la même façon que Rivierra et Bloom. Carter a sûrement bourré le crâne à certains guignols aux cerveaux ramollis par la testostérone.
J'extirpe le téléphone de la poche de mon jean quand je le sens vibrer. Je sais qui est l'émetteur de ce texto, ce n'est pas fort compliqué à deviner puisque je n'ai que trois numéros dans le répertoire, celui de Will, Simona et le fixe de la maison.
Sms de WillLeMagnifique à Angel :
Tu m'as dit que tu venais mais ton bus était vide... Tu as changé d'avis ?
Sms de Angel à WillLeMagnifique :
Loupé. Jariv dns 5 mins.
Sms de WillLeMagnifique à Angel :
Je t'attends devant l'entrée du batiment B.
Je ne réponds pas, c'est inutile puisque je l'aperçois lorsque je relève la tête. Il est appuyé contre le mur, les jambes croisées et la tête baissée sur son portable. Ses cheveux virevoltent dans tous les sens, je le trouve magnifique. Il exhale une assurance certaine, pourtant, l'angoisse m'étreint à mesure que j'approche. Comment dois-je me comporter avec lui devant les regards curieux de tout le lycée ?
Ça va aller, Angelo, soit naturel et tout se passera bien.
" Je t'aime toi ! Tu es d'accord pour qu'on assassine Ombre ? "
Comme s'il avait senti ma présence, Will lève les yeux alors que je me trouve à deux mètres environs. Il me sourit et me rejoins d'une démarche nonchalante. Ses lèvres se posent sur mon front, tandis qu'il respire mon odeur. Je clos les paupières en reprenant enfin mon souffle après ma course contre la montre.
— Ta peau est gelée, remarque-t-il en glissant ses mains sous mon manteau.
— Ça fait quarante minutes que je me bats avec les rafales de vent, ce n'est pas étonnant.
— Tu es là, c'est ce qui compte.
— Ouais, j'en suis pas certain.
— Pourquoi ?
— J'aurais mieux fait de rester dans mon lit et entendre seulement les ronflements de ma mère plutôt que le piaillement des autres.
Will pouffe de rire, pose un second baiser sur mon front, puis descend doucement et embrasse ma joue. Mon corps se tend légèrement alors que j'observe les alentours. Plusieurs personnes font mine de regarder ailleurs mais j'ai pourtant senti le poids de leurs regards ancrés sur nous.
— Tu es sûr que c'est une bonne idée ? chuchoté-je.
Il acquiesce vivement tandis que ses mains dans mon dos me plaquent contre son torse.
— Nous ne sommes pas des monstres, on les ignore et c'est tout.
— Alors c'était vrai ! s'exclame une voix derrière nous.
Je me tourne vers Roselyne qui nous fixe les sourcils froncés et les poings sur les hanches. Elle n'a pas l'air très contente. Elle se rue vers moi, frappe mon épaule à plusieurs reprises tout en râlant. Will l'observe, les sourcils haussés, un demi-sourire amusé sur les lèvres.
— Puis-je savoir ce que tu essaies de faire, ma Rose ?
Elle continue de s'acharner, visiblement enragée.
— Te faire du mal ! Je suis ton amie, non, ta meilleure et seule amie, et tu ne m'as pas mise dans la confidence. J'ai appris par les " on dit " que tu sortais avec ce grand con, dit-elle en désignant Marx d'un geste de la main.
— Merci, ça me fait très plaisir.
— Elle n'a pas tort, tu es grand et con.
Il me pince le flanc en râlant, faussement blessé.
— Ce n'est pas moi qui écrit comme un gamin de cinq ans et qui mets trente minutes à comprendre une chose aussi simple qu'Angelo sans son o, se marre-t-il.
— J'étais en retard, je n'avais pas envie de mettre une heure pour écrire trois mots et puis ça va, ouais ? Arrête de te foutre de ma gueule.
— On est tous en retard maintenant, et c'est à cause de toi, lance-t-il en haussant les épaules.
— Mon dieu, mais c'est pire que tout, s'exclame Rose.
— Quoi ? lâchons en chœur Will et moi.
— Vous êtes incroyables, et je t'en veux beaucoup de m'avoir caché une truc aussi gros !
— C'était un compliment ?
— Tu t'en remettras, ma Rose, tu es une grande fille de petite taille, plaisanté-je.
— Et toi ? rétorque Marx. Haut comme trois pommes, il n'y a pas de quoi se moquer.
— Je ne suis pas petit, pesté-je. Tu es juste trop grand, regarde-toi, ce n'est pas du foot mais du basket que tu aurais dû faire !
Il ricane encore, se penche et embrasse mon nez avant de s'éloigner. Je n'ose plus regarder mon amie, certain que son visage ahuri me ferait devenir plus rouge qu'une tomate trop mûre.
— On se voit après les cours, dit-il en marchant à reculons vers l'entrée du bâtiment. Ça va aller Roselyne, respire, tu verras.
En quelques secondes il a disparu et mon cœur le reclame déjà. J'entends Rose inspirer bruyamment, j'attrape sa main, mêle nos doigts et nous avançons rapidement vers notre cours. Nous sommes à la bourre.
— Jamais je n'aurais pu imaginer un tel événement !
— Moi non plus, avoué-je. C'est irréel.
— J'aimerais voir la tête que fera Marianna quand elle vous verra, s'amuse-t-elle.
— Pas moi, grogné-je, je voudrais ne plus jamais la voir.
— Tu me dois des explications ! Mon meilleur ami est en couple avec le capitaine des Lions, c'est absolument fantastique. Tu crois que je devrais en faire un article pour le journal du lycée ?
— Il est probable que cela attire beaucoup de lecteurs, mais si tu fais ça, Rose, j'arrache chacun de tes pétales !
— Tu n'es vraiment pas drôle, soupire-t-elle en levant les yeux au ciel.
Je reste silencieux alors que nous traversons les couloirs. Nous sommes de l'autre côté du bâtiment, bien loin de notre salle de classe. Entrer par l'immeuble B alors que notre cours se trouve dans le C était une mauvaise idée. Je ne suis pas certain que le prof accepte notre présence avec un tel retard.
— Regarde, c'est lui qui a rendu Marx pédé comme un phoque, lâche quelqu'un en se voulant sûrement discret.
Si c'est le cas, et bien c'est raté. J'ai entendu la connerie de ce connard. J'ignore son nom, je sais simplement qu'il fait parti de l'équipe de lacrosse et son pote aussi couillon que lui est nageur.
— Attention c'est contagieux, ne vous approchez pas trop, craché-je en leur adressant mon majeur.
Rose tire sur ma main, m'incite à me taire mais ils m'ont énervé. Si toutes les personnes que je croise s'amusent à bavasser, je vais sûrement finir par claquer quelques têtes. Je suis certain que Will et moi ne formons pas le seul couple homosexuel de ce bahut, alors pourquoi nous faisons parler à ce point ? De plus, je ne me considère pas comme étant homo, et sûrement que Marx non plus. Nos sommes juste deux personnes qui s'apprécient...
Ouais, on s'apprécie probablement trop fort, trop douloureusement.
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