L'ours marche
Dans une forêt reculée, se trouvait un ours bien étrange, car l'hiver débutait et la bête ne s'était trouvé aucune grotte où hiberner. Il avançait d'un pas lent à travers les bois figés, sans prêter attention aux regards que les autres animaux lui portaient. Tous se trouvèrent surpris de croiser le chemin de l'ours en cette période, et la plupart prirent leurs jambes à leur cou. Pourtant, il n'y avait pas de quoi en faire tout un plat, l'ours marchait simplement. D'ailleurs, la faible épaisseur de sa fourrure et son poids, peu élevé en comparaison de celui qu'il entretenait dans sa jeunesse, contribuaient à lui donner une allure chétive. Peut-être est-ce la raison pour laquelle un lapin osa lui adresser la parole. Plus surpris qu'effrayé, il débitait ses propos sans discontinuer.
- Dis-moi dis-moi, tu es perdu ? Hein ? Dis-moi. Tu sais que tu n'as rien à faire ici, n'est-ce pas ? Mmm, dis-moi.
L'ours le salua discrètement et reprit sa route, mais le lapin surenchérit.
- Les ours, ça hiberne, tu devrais hiberner toi aussi, retourne donc dans ta grotte. Il n'y a plus de nourriture ici, tu vas mourir de faim, où est ta grotte, hein ? Tu en as une au moins ?
Confronté au mutisme, le lapin finit par abandonner, considérant que décidément, cet ours était bien fou. Par la suite, le vieux grizzly, qui souhaitait s'abreuver au lac le plus proche, constata que la surface de l'eau avait gelé. Il méditait lorsqu'un castor le sortit de ses réflexions.
- Mince alors, un ours ! Aux abords du lac qui plus est !
Le castor, voulant peut-être se montrer fort en présence d'un animal aussi imposant, prenait une voix rocailleuse et portante.
- D'après le décret validé par les anciens de la forêt, tout ours a le devoir de se trouver un antre rocheux, une caverne, une grotte où autre tanière pour y passer l'hiver et ce, avant les premières neiges !
Ce dernier mot fit scintiller les pupilles de l'ours qui, sans prévenir, se dressa sur ses pattes arrières afin de briser la pellicule de glace qui l'empêchait d'étancher sa soif. Le temps lui manquait, il devait se dépêcher. Il but donc, et prit élégamment congé d'un castor tremblant à la voix soudain devenue crécelle.
- Où vas-tu donc ?! s'écria-t-il, mais seul le silence lui répondit.
Quelques jours plus tard, notre ours fit à nouveau une drôle de rencontre. Il s'agissait cette fois d'une jeune renarde qui l'observait depuis la branche d'un arbre décharné. Elle ne l'avait jamais vu, mais plutôt que de s'en éloigner, elle grimpa habilement sur son dos et demanda, pleine d'entrain :
- Qu'est-ce que tu es ?
- Un ours.
La renarde leva les yeux au ciel avant de l'interroger à nouveau.
- Je vois que tu marches, ours, mais j'ai surtout l'impression que tu cherches quelque chose. Est-ce que je peux t'aider ?
Peu enclin au copinage, le grizzly hésita, mais la renarde le poussait, par un étrange phénomène, à la parole. Pour la première fois, il se confia.
- Je veux voir la neige, sais-tu où elle se trouve ?
- Mmm oui bien sûr ! Je vais te guider.
Et ainsi débuta l'aventure de l'ours et de la renarde.
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