Genèse 34 à 36 – La vengeance des fils de Jacob

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Il était une fois, une belle jeune femme du nom de Dina. Elle partageait avec ses six frères et cinq demi-frères, l’amour de leurs quatre mères et de Jacob, leur père commun, qui depuis un combat nocturne avec un inconnu divin, avait été (re)béni de Dieu et renommé Israël.

La famille de Dina, qui était très riche, était arrivée depuis peu aux abords de la charmante ville de Sichem, au pays de Canaan. Bien sûr, la quantité innombrable des troupeaux de sa famille, ne permettait pas qu’ils s’installassent en ville ; aussi Jacob/Israël avait acquis une large portion de terre jouxtant la riante cité, pour y faire paitre le bétail et installer les campements de sa famille.

Toujours d’humeur joyeuse et d’un naturel avenant, la belle Dina, se mit en tête d’aller à la rencontre des filles de la ville. Avec insouciance et d’un pas léger elle passa les portes de Sichem. L’ingénuité due à son jeune âge ne lui permettait pas de remarquer l’effet que sa belle allure provoquait sur les villageois.

En ces temps-là, la ville de Sichem était gouvernée par le bon roi Hamor. Pour marquer l’attachement profond que sa noble lignée entretenait avec la ville, Hamor avait nommé son fils unique Sichem.

Depuis le jour de sa naissance, cet enfant faisait le bonheur et la fierté de son père. Entouré de l’amour des siens et de ses sujets, Sichem avait grandi et était devenu un beau jeune homme. Autant aimable que vif d’esprit, Sichem avait le goût d’être proche du peuple qu’il serait amené un jour à diriger avec magnanimité. Comme à l’accoutumé, il se trouvait en ville parmi ses gens, le jour où Dina y flânait.

Lorsqu’il aperçut la jeune fille, le prince ressentit une vive émotion qu’il ne sût définir immédiatement. Le souffle coupé, son cœur sembla d’abord s’arrêter, puis faire des bobds dans sa poitrine. Sichem ne pouvait détacher ses yeux de cette envoutante inconnue. Elle, le nez levé, le regard avide de découvrir les beautés de la ville, poursuivait son chemin d’un pas gracieux, insensible à l’émoi qu’elle répandait sur son passage.

Une délicieuse chaleur sembla prendre naissance dans la poitrine du jeune homme. Plutôt agréable, le feu doux paraissait à présent envahir le ventre du beau prince. Il eut l’impression d’avoir une multitude de papillons enflammés qui virevoltaient dans son poitrail et son abdomen.

Maintenant son allure, Dina passa nonchalamment devant Sichem, sans tourner le regard dans sa direction, ni remarquer sa présence. Sichem, admirant la jeune fille, était comme pétrifié, incapable de la moindre initiative. Bientôt, il la vit s’éloigner de lui. Les tissus de ses vêtements volaient autour de Dina et venaient par moment s’y plaquer, dévoilant les courbes avantageuses de jeune fille.

À cette vue, les papillons enflammés que Sichem ressentaient dans sa poitrine et dans son ventre, prirent ensemble la direction de son vit. En tant que prince de la cité, il donna l’ordre d’enlever la jeune fille. Ce fut fait selon ses désirs et Dina fut ravie (kidnappée quoi).

Bon…, fin de la version poétique (ce n’est pas trop le style de l’Ancien Testament)…

Sichem enlève Dina, mais l’objectif n’est pas de tenter de la séduire. Ici, il est plutôt question pour Sichem de laisser libre cours à ses pulsions, puisqu’il s’empresse de faire endurer les pires outrages à Dina en la déshonorant. En un mot, il la viole.

Il faut croire que le comportement de Sichem est moins inadapté qu’il n’y parait, car « Son cœur s'attacha à Dina, fille de Jacob; il aima la jeune fille, et sut parler à son cœur. ». Nous comprenons ainsi que Dina n’est finalement pas insensible au charme de son amant violeur. L’enseignement porté par ce passage, a pu servir aux hommes de grille de lecture pour les réactions féminines pendant quelques années (Si elle n’a pas dit oui avant, ça voulait pas forcément dire non / Si elle a dit non avant, elle dira oui après / Si elle dit non, bah c’est pas grave, vas-y quand même / Si elle dit oui avant, c’est une chaudasse…)

Son affaire faite, Sichem va trouver son père Hamor et lui demande de lui donner Dina pour épouse. Il va vite en besogne et oublie le fait que Dina est la propriété de Jacob. Ce dernier a d’ailleurs vent de l’histoire, mais ne réagit pas.

Le roi Hamor (qui a davantage le sens des convenances que son rejeton), va trouver Jacob et lui demande d’accorder la main de Dina à Sichem. Il y met d’ailleurs les formes, puisqu’il s’adresse à Jacob en ces termes : « Le cœur de Sichem, mon fils, s'est attaché à votre fille; donnez-la-lui pour femme, je vous prie. ». En contrepartie de la main de Dina, Hamor est disposé à payer une forte dot et suggère également à Jacob d’unir leurs peuplades respectives, afin que chacun vive dès à présent en bonne intelligence (en voilà un beau modèle d’intégration).

Jacob ne se prononce pas sur le sujet, mais ses fils n’apprécient pas la proposition d’Hamor. Ils refusent l’union de leur sœur Dina et de Sichem, au motif que celui-ci est incirconcis (et non pas parce qu’il l’a déjà violée). Le narrateur nous divulgâche un peu la suite en avertissant qu’il s’agit d’une ruse de la part des fils de Jacob.

En effet, ils conditionnent le mariage de Dina et Sichem (le prince) et au-delà l’union des deux peuples, au fait que tous les mâles de Sichem (la ville) se retirent le prépuce. Hamor et Sichem trouvent cette condition parfaitement recevable (d’autant qu’ils considèrent qu’avoir un prépuce intact est sans utilité majeure). Non seulement le roi et son fils sont prêt à se faire circoncire rapidement, mais ils demandent à l’ensemble des hommes de la ville de le faire également. Ainsi fut dit, ainsi fut fait. À l’image d’Hamor et Sichem, tous les sichémois (ou sichémiens ?) se firent circoncire.

Bien sûr, la circoncision n’est pas un acte totalement anodin et au troisième jour de convalescence collective, tous les hommes avaient encore de solides douleurs dans la zone concernée.

C’est le moment choisi par Siméon et Lévi, deux des fils de Jacob, pour agir et venger leur sœur (oui en dépit du fait que finalement elle semblait satisfaite). Ils sont respectivement les deuxième et troisième fils issus du couple formé par Jacob et Léa (le premier fils, Ruben n’a visiblement pas le même sens de la famille). Les deux frères entrent dans la ville l’arme à la main et tuent tous les mâles de Sichem (la ville). Le roi Hamor et Sichem (le prince), sont passés également par le fil de l’épée (à mort, Hamor!). Siméon et Lévi pillent la ville. Il est précisé qu’ils raflent l’ensemble des troupeaux et toutes choses de valeur dans les maisons. Ils prennent également comme butin les femmes et les enfants. J’en déduis logiquement que ceux-ci sont désormais des esclaves, puisqu’une valeur marchande leur est attribuée.

Jacob, bien que chef de famille, n’a pas participé à l’élaboration de ce plan ni à sa réalisation. La fougue de ses fils l’a un peu pris de court. Il s’inquiète du qu’en dira-t-on et craint les représailles des cités alentours. Aucun remord ou pointe de culpabilité à l’horizon cependant. Il en fait part à ses fils, qui justifient leurs actes ; « Traitera-t-on notre sœur comme une prostituée? ». Cette justification sous forme interrogative à l’adresse de leur père, lui exprime le reproche à peine dissimulé de n’être pas intervenu lui-même.

Suite à ce regrettable évènement, Jacob croise à nouveau Dieu, qui ne se prononce pas sur les récents évènements et qui lui demande de se rendre à Béthel pour y dresser un autel. Avant de se mettre en route, Jacob demande à son peuple de se débarrasser de tous les biens qui pourraient être considérés comme profanes et déplaire à l’Éternel (avoir des esclaves d’accord, mais il faut qu’ils plaisent à Dieu quand même). Durant le voyage vers Béthel, Dieu répand sa terreur sur les villes alentour afin que la maison de Jacob ne subisse pas de représailles pour le génocide commis à Sichem (ça fonctionne bien, personne ne leur cherche de noises).

Jacob construit son autel à Béthel, Dieu le (re-re)bénit en retour et lui (re)confirme qu’il s’appelle à présent Israël. Craignant sans doute que l’information soit mal passée, Dieu (re-re-re-re-re)précise qu’Il donne le pays de Canaan à Jacob/Israël et sa descendance.

La joyeuse troupe part à présent de Béthel en direction de Bethléem. Rebecca est très enceinte et le terme de sa grossesse est proche. Ils sont sur la route d’Éphrata lorsque Rebecca ressent les premières contractions. L’accouchement est difficile et Rebecca est bientôt mourante. Heureusement, elle accouche d’un fils (elle peut mourir apaisée) et dans un dernier râle, dit vouloir appeler l’enfant Ben Oni. Rebecca morte, Jacob n’a même plus à négocier avec elle. Aussi, il choisit de ne pas respecter la dernière volonté de sa défunte épouse et déclare l’enfant en mairie sous le nom de Benjamin. Jacob/Israël a dorénavant douze fils (et une fille déshonorée/inutilisable)

Jacob et sa maison s’installent à présent vers Migdal Éder (c’est à côté de Bethléem). C’est dans ce nouveau campement que se produisent coup sur coup deux évènements qui vont affecter Jacob. D’abord, son fils Ruben (celui qui n’a pas le sens de la famille), copule avec Bilha (Ah, ok… il n’a pas non plus le sens de l’honneur), la mère de ses demi-frères et l’une des épouses de son père. Jacob l’apprend et en est contrarié. Curieusement, ce détail n’apporte strictement rien à l’histoire, puisque les relations entre Jacob, Ruben et Bilha ne semblent pas être affectées par cet évènement.

Deuxième coup dur pour Jacob, son père Isaac meurt à cent quatre-vingts ans. « … il fut recueilli auprès de son peuple, âgé et rassasié de jours ». Isaac, franchement absent de ces derniers passages et qui n’a finalement pas réalisé grand-chose de son vivant, a néanmoins droit aux mêmes avantages post mortem que son père Abraham.

Cette partie, qui conclut la « geste de Jacob » se termine par le détail des enfants et petits-enfants de Jacob/Israël et d’Ésaü (qui est désormais connu sous le nom d’Édom). Nous apprenons également, que les deux frères ont dû encore s’éloigner géographiquement comme en leur temps Abraham et Lot. Leurs richesses sont devenues trop considérables et les terres disponibles à Canaan ne sont plus suffisantes pour l’immensité de leurs troupeaux respectifs. Ésaü/Édom (décidément très arrangeant) se retire du pays, tandis que Jacob/Israël reste à Canaan.

Dans les chapitres suivants, l’action se centrera sur Joseph, premier-né de Rebecca. Bien que Jacob/Israël y soit toujours présent, il ne jouera plus qu’un rôle mineur. Il est donc temps de conclure sur ce personnage et ce que l’on apprend de Dieu à travers lui.

Après Abraham et Isaac, Jacob est considéré comme l’un trois patriarches avec lesquels Dieu forme une alliance en promettant le pays de Canaan/Israël (cet aspect est logiquement un sujet de controverse entre les trois grandes religions monothéistes). De mon humble point de vue, à l’image de son grand-père Abraham, il faut être préalablement convaincu pour trouver un semblant de noblesse dans les agissements du personnage de Jacob/Israël. Nous avons vu précédemment qu’il était d’ailleurs un peu ardu de comprendre pour quelles obscures raisons, Dieu en fait un champion.

Dans l’histoire de Sichem et Dina, nous pouvons relever qu’en protégeant la famille de Jacob de possibles représailles, Dieu approuve les crimes d’honneur. En effet, Il valide ce qui s’apparente à ce que l’on peut nommer aujourd’hui ainsi (paradoxalement alors que le manque d’honneur caractérise les comportements des protagonistes). En constatant que Dieu accepte également le fait de tuer tous les hommes de la ville et de mettre en esclavage les femmes et les enfants, nous n’apprenons rien de nouveau. Pour pondérer un peu mon propos, je vais préciser que ces massacres et ces asservissements ne sont pas particulièrement « encouragés » par Dieu, mais ils sont au moins acceptés et défendus. Et ce, en premier lieu parce qu’ils sont le fait de son peuple vis-à-vis d’opposants incroyants (les hommes de Sichem ne sont pas circoncis). Une fois de plus, Dieu pratique une nette distinction entre les siens et les autres, mais cela ne nous apprend rien dont nous n’ayons déjà fait la démonstration.

Ce qui est nouveau cependant dans ce passage, c’est qu’il est notable que la mixité entre peuples culturellement différents, n’est pas souhaitée. Le « peuple » formé par la famille de Jacob et celui constitué par les habitants de Sichem auraient pu s’unir durablement autour de l’union de Dina et du prince. Hamor a proposé un marché tout à fait recevable pour que son fils puisse épouser Dina. De plus, Hamor demande avec respect et propose que ce mariage soit suivi de nombreux autres. Il est même disposé à accepter la culture et les coutumes de Jacob pour faciliter ces unions. Finalement, hormis le fait que son fils ait violé celle qu’il désire à présent prendre pour femme… il n’y a pas vraiment de problème qui ne puisse être surmonté. Il y a cependant le risque qu’en unissant les deux peuples, la « pureté » de celui d’Israël ne soit corrompue. En tuant tous les hommes de Sichem et en partant avec les femmes et les enfants, le peuple choisi de Dieu s’est consolidé sans se diluer. Ceci tant sur le plan des ressources humaines que des moyens financiers. Nous l’avons vu préalablement, pour Dieu, tous les moyens sont bons. Ici ce sont la terreur, l’esclavagisme et le génocide qui sont utilisés pour garantir la multiplication de ses ouailles et le gain de richesses ou de terres. Ainsi, Dieu applique une politique expansionniste.

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