Exode 15 à 17 – Le début d’un long voyage
Les hébreux sont désormais en sécurité sur la rive Est de la mer Rouge. Dans un bel ensemble, ils improvisent un cantique à la gloire de l’Éternel. Nous apprenons que la sœur d’Aaron, (et de Moïse aussi, ça parait logique mais ce n’est pas précisé) se nomme Marie. La fillette qui avait permis que son jeune frère sauvé des eaux du Nil, soit mis en nourrice chez leur mère a bien grandi. Dans le texte, elle est qualifiée de prophétesse, sans qu’il ne soit expliqué pour quelle raison. Marie ne sera d’ailleurs plus citée dans le Livre de l’Exode. Son action durant la fête improvisée consiste à jouer du tambourin et reprendre les chants scandés par tous. Bref, les hébreux sont contents et il y a de quoi. Grâce à Dieu, ils se préparent à présent à écraser tous les peuples alentours qui s’opposeraient à leur marche triomphante jusqu’à la terre promise (ou ceux qui se contenteraient d’y habiter).
Le trajet parcouru par les hébreux durant l’exode ne correspond pas à un itinéraire clairement identifié. L’épisode n’étant pas lui-même un fait historique reconnu, la localisation des évènements relatés n’est donc pas chose aisée. Globalement, le trajet emprunté passe dans la péninsule du Sinaï. Il n’est pas non plus avéré que le mont Sinaï biblique soit le même que dans les livres de géographie actuels. Nous nous contenterons donc de préciser par moments les indications bibliques de localisations.
Sous la direction de Moïse, le peuple d’Israël quitte les bords de la mer Rouge pour le désert de Schur. Évidemment, puisqu’il s’agit d’un désert il n’y a pas de point d’eau. Au bout de trois jours de marche les hébreux sont assoiffés. Ils finissent tout de même par trouver une source dans un lieu nommé Mara. Malheureusement, cette source est trop amère pour être consommée. D’une désolante fidélité à son comportement antérieur, « Le peuple murmura contre Moïse, en disant: Que boirons-nous? » Moïse fait une fois encore, appel à Dieu pour le sortir de ce mauvais pas. L’Éternel lui indique un morceau de bois à jeter dans l’eau afin que celle-ci devienne potable. L’opération fonctionne, (ce bois est peut-être l’ancêtre de la pastille de chlore ?) et chacun peut étancher sa soif. Dieu profite de cette halte pour rappeler l’importance de lui obéir aveuglément ; « Si tu écoutes attentivement la voix de l'Éternel, ton Dieu, si tu fais ce qui est droit à ses yeux, si tu prêtes l'oreille à ses commandements, et si tu observes toutes ses lois, je ne te frapperai d'aucune des maladies dont j'ai frappé les Égyptiens; car je suis l'Éternel, qui te guérit. »
Cette déclaration divine nous apprend que Dieu se présente comme un guérisseur. Cela peut paraitre un peu superflu, car s’Il ne frappe pas de maladie ceux qui l’écoutent et observent ce qu’Il commande… il n’est pas utile d’avoir à les guérir. Mais nous pouvons plutôt comprendre que l’Éternel n’est pas toujours à l’origine des maladies et que, concernant ceux qui lui obéissent, Il peut être amené à les guérir. D’abord, nous observons que s’Il n’est pour rien dans les maladies, c’est que Dieu n’est pas à l’origine de toutes choses. Parallèlement, (les concernés apprécieront) les gens malades le sont parce qu’ils sont de mauvais fidèles.
Les hébreux repartent et font la halte suivante dans un lieu nommé Élim. C’est un petit endroit bien sympathique pour installer un camp. « Ils arrivèrent à Élim, où il y avait douze sources d'eau et soixante-dix palmiers. Ils campèrent là, près de l'eau. » Quand on fait partie d’un peuple d’au moins un million de personnes, il faut jouer des coudes pour avoir le plaisir de s’adosser à un arbre, ou pour accéder à la plage, mais ils ont l’air satisfaits de l’endroit pour passer la nuit.
Le peuple d’Israël se dirige à présent vers le Sinaï, au travers du désert de Sin. Nous sommes à ce stade, à un mois et demi de la sortie d’Égypte. Les hébreux traversent un désert et renouent avec leurs habitudes d’enfants trop gâtés. Ils reprennent leurs jérémiades en accusant Moïse et Aaron de les mener à leur perte dans ce milieu hostile ; « Que ne sommes-nous morts par la main de l'Éternel dans le pays d'Égypte, quand nous étions assis près des pots de viande, quand nous mangions du pain à satiété? Car vous nous avez menés dans ce désert pour faire mourir de faim toute cette multitude. »
Bien que son peuple fasse particulièrement preuve d’ingratitude, pour le contenter, Dieu fait pleuvoir des cailles le soir même. De prime abord, il ne semble pas raisonnable de manger des oiseaux qui sont massivement tombés du ciel sans explication apparente. Mais le service vétérinaire d’hygiène alimentaire des hébreux n’est pas encore opérationnel et ils passent outre ce type de questions. Dieu fait ensuite apparaitre une sorte de farine, le matin avec la rosée. C’est une farine un peu spéciale, au goût de miel et que les hébreux appellent « la manne ». Quelle que soit la quantité que chacun en ramasse, cela convient toujours pour le nourrir. Dieu fait cela six jours sur sept (double ration le sixième jour, car le septième c’est Sabbat et il n’y a pas d’apparition de la manne). Il y a quelques règles de consommation que les hébreux s’empressent d’enfreindre, déclenchant ainsi le courroux de Moïse. En semaine, il faut par exemple, consommer dans la journée la récolte quotidienne et en ramasser le double le sixième jour. Comme s’ils le faisaient exprès, les hébreux laissent pourrir la manne en tentant de la conserver d’un jour sur l’autre et certains d’entre eux sortent pour en ramasser le jour du Sabbat. Ils mangeront désormais cela jusqu’à leur arrivée aux frontières de Canaan (programmée quarante ans plus tard).
Le peuple d’Israël quitte ensuite le désert de Sin et campe en un lieu appelé Rephidim. L’histoire a tendance à se répéter, puisqu’il n’y a pas de source d’eau sur place. Les hébreux, faisant preuve d’une certaine constance en la matière, cherchent querelle à Moïse ; « L'Éternel est-il au milieu de nous, ou n'y est-il pas? » lui demandent-ils. Moïse craint pour sa vie et rapporte la situation à Dieu ; « Encore un peu, et ils me lapideront. » Le Très-Haut donne rendez-vous à son messager au rocher d’Horeb, où lui-même se tiendra. Moïse devra être accompagné des anciens d’Israël. Il devra alors frapper le rocher de sa verge pour en faire jaillir de l’eau. Moïse s’exécute et chacun peut boire.
Il faut bien reconnaitre, que les hébreux ne sont pas présentés sous un jour très favorable. Ils passent leur temps à se plaindre et à refuser de faire confiance à Dieu. Ils doutent à chaque occasion de sa capacité à les maintenir saufs. Ils doutent également de Moïse et refusent systématiquement de l’écouter. Contrairement à son habitude antérieure, Dieu fait ici montre d’une certaine patience à leur égard. Nous pourrions toutefois objecter, que Dieu multiplie les situations problématiques, pour le seul plaisir d’y remédier lorsque le peuple gronde. La source de Mara aurait pu ne pas être amère, la manne aurait pu apparaitre avant que le peuple ne soit affamé et du rocher d’Horeb, une source aurait pu jaillir bien avant l’arrivée des hébreux dans le secteur. Nous retrouvons ici une dynamique similaire à celle des femmes stériles par la volonté divine, puis qui deviennent fécondes lorsque cela permet à Dieu d’apparaitre à son avantage.
Dernier épisode du dix-huitième chapitre, un certain Amalek, vient combattre le peuple d’Israël à Rephidim. À priori, cet Amalek (s’il s’agit bien du même) est le chef des Amalécites et un des petits-fils d’Ésaü (dont la généalogie est décrite dans le livre de la Genèse). Il n’y a pas d’explications présentées pour justifier cette attaque. Les Amalécites deviendront dans la Bible une figure antagoniste des hébreux. Ésaü, l’aïeul d’Alamalek ayant été présenté comme un personnage plutôt négatif (il était roux), sa descendance doit l’être également.
Moïse demande à un certain Josué (qui fait ici sa première apparition dans le récit) de mener le combat contre le vil Alamalek. Josué choisit des hommes et part défendre son peuple. De leur côté, Moïse, Aaron et Hur (également un nouveau personnage) se postent sur le sommet d’une colline surplombant le combat. Moïse prend soin de tenir la verge de Dieu dans sa main. La bataille s’engage entre les deux camps. Du haut de la falaise, Moïse ne reste pas inactif et participe (à sa manière) à l’affrontement ; « Lorsque Moïse élevait sa main, Israël était le plus fort; et lorsqu'il baissait sa main, Amalek était le plus fort. » Mais la lutte s’éternise et Moïse fatigue peu à peu. Aaron et Hur se rendent utiles à leur tour. Ils placent une pierre de manière à ce que Moïse puisse s’asseoir. Ceci fait, ils lui maintiennent chacun une main en l’air. Ainsi aidé, Moïse ne baisse plus les bras jusqu’au coucher du soleil, « Et Josué vainquit Amalek et son peuple, au tranchant de l'épée. »
Ce dernier passage a de quoi laisser un peu perplexe. Dieu ne donne aucun conseil et n’intervient pour défendre son peuple que lorsque Moïse a les bras en l’air (là où une simple boule de feu ou l’ouverture d’une crevasse sous les pieds de l’armée ennemie aurait eu de meilleurs résultats). En fait, il permet d’introduire des enseignements et des éléments qui seront utiles ultérieurement. Entre autres, Josué est brave, Hur est sympa, l’union fait la force (la force de porter ses propres bras), les hébreux vont devoir faire face à l’adversité (sous-entendu, Dieu ne fera pas tout), les Amalécites sont méchants, …
Annotations