Exode 18 et 19 – Moïse apprend à gouverner

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L’action se déroule toujours à Rephidim, dont la localisation n’est pas clairement identifiée, mais qui doit se trouver à proximité du pays de Madian (au nord-ouest de la péninsule Arabique). Le récit des exploits de Moïse parvient aux oreilles de son beau-père Jéthro (lui-même prêtre/sacrificateur de Madian). Il le rejoint donc sur place. Jéthro est accompagné de Séphora, (sa fille et l’épouse de Moïse) ainsi que de Guerschom et Éliézer, les deux enfants du couple. Ces trois proches de Moïse ont été absents du récit durant toute la séquence de libération du peuple hébreu, soit depuis l’agression de Moïse par Dieu (voir Exode 4 ½ - Dieu veut faire mourir Moïse). Nous apprenons qu’ils avaient été renvoyés auprès de Jéthro pendant la période intervalle.

Les retrouvailles entre les deux hommes se passent merveilleusement bien, sur fond d’holocauste et de sacrifices à la gloire de Dieu (dont la présence à la fête est soulignée). Le lendemain, Jéthro observe Moïse gouverner et rendre justice face à son peuple. S’il est probablement admiratif de la prestance et de la belle réussite professionnelle de son gendre, Jéthro se permet tout de même une critique (sur la forme) qui s’avère fort constructive. Plutôt que d’avoir à intervenir sur toutes les situations, Jéthro conseille à Moïse d’enseigner au peuple « les ordonnances et les lois » de Dieu, puis de se choisir des intermédiaires de confiance, qui pourront gérer à sa place les questions non-essentielles. « Moïse écouta la voix de son beau-père, et fit tout ce qu'il avait dit. » Après ces décisions politiques, les deux hommes se séparent et Jéthro rentre chez lui. Il n’est pas fait mention de ce qu’il advient de Séphora, Guerschom et Éliézer. Qu’ils partent avec Jéthro ou restent avec Moïse, il ne sera plus fait mention d’eux dans l’Exode.

Cet épisode entre Moïse et son beau-père semble plutôt anodin de prime abord. Toutefois, nous pourrons souligner que si Jéthro est certainement de bon conseil, il n’existe pas à ce stade du récit de règles politiques claires édictées par Dieu. En effet, les commandements ne sont pas encore révélés et les modalités qui régissent la vie en société depuis l’avènement de Dieu, ne sont pas différentes de celles préalablement adoptées par les hébreux. Pour le moment, nous ne savons que bien peu de choses. Il faut reconnaitre Dieu comme unique et éternel, les hommes doivent être circoncis, il faut régulièrement faire des offrandes à Dieu, il ne faut pas manger le tendon de la hanche des animaux, il est indispensable d’observer les rituels pour fêter la Pâque… et c’est à peu près tout. Finalement, nous apprenons surtout que Moïse est désormais reconnu légitime par les hébreux, pour arbitrer les conflits et gouverner.

Trois mois se sont désormais écoulés depuis la sortie d’Égypte. Le peuple hébreu parvient au désert de Sinaï et y campe au pied du mont du même nom. Moïse l’escalade pour rencontrer Dieu qui l’y appelle. Lorsque Moïse est parvenu en haut de la montagne, L’Éternel lui dit : « Tu parleras ainsi à la maison de Jacob, et tu diras aux enfants d'Israël: / Vous avez vu ce que j'ai fait à l'Égypte, et comment je vous ai portés sur des ailes d'aigle et amenés vers moi. / Maintenant, si vous écoutez ma voix, et si vous gardez mon alliance, vous m'appartiendrez entre tous les peuples, car toute la terre est à moi; / vous serez pour moi un royaume de sacrificateurs et une nation sainte. » L’Éternel annonce également, qu’Il descendra se manifester devant les hébreux d’ici trois jours, (sous la forme d’une épaisse nuée) pour s’adresser directement à Moïse en leur présence. Dieu fera précéder sa venue d’un son de trompette.

D’ici à cette échéance, les ordres sont claires, d’abord le peuple doit laver ses vêtements. Cette consigne peut paraitre un peu baroque, mais il faut sans doute concevoir cette demande comme une façon d’exiger que chacun soit présentable. Ensuite, personne ne doit s’approcher de la montagne, ni même la toucher sous peine d’une mort immédiate. En fait, si quelqu’un touche le mont Sinaï, Dieu ne le tuera pas lui-même, mais les autres devront le lapider ou le percer de flèches jusqu’à ce que mort s’ensuive. Cette seconde consigne est valable pour les hommes autant que pour les animaux.

Moïse redescend du mont Sinaï et transmets aux enfants d’Israël les paroles de Dieu. Ainsi qu’il l’a déjà fait par le passé, (voir Exode 11 et 12 – La dixième plaie et la sortie d’Égypte) Moïse parait ajouter une exigence qui ne fait pas partie des demandes initiales de Dieu ; « il dit au peuple: Soyez prêts dans trois jours; ne vous approchez d'aucune femme. » De deux choses l’une, soit Moïse prend des libertés avec le discours divin et introduit habilement dans son propos des éléments qui sont dans son propre intérêt, soit Dieu avait oublié de mentionner ce point et lui a soufflé par télépathie tandis que Moïse faisait son discours. Nous pourrions admettre que transformer, adapter ou ajouter des éléments au discours officiel de Dieu n’est pas une pratique très digne. Si certains se permettaient cette liberté, ils auraient à en subir les conséquences et éventuellement la colère de Dieu. Puisque Moïse est toujours indemne à l’issue de ce passage, nous pouvons conclure qu’il s’agit là d’une demande officielle de Dieu. Par voie de conséquence, la relation charnelle est, aux yeux de Dieu, une forme de souillure, dont il faut se préserver durant les trois jours précédant une rencontre organisée avec l’Éternel.

« Le troisième jour au matin, il y eut des tonnerres, des éclairs, et une épaisse nuée sur la montagne; le son de la trompette retentit fortement; et tout le peuple qui était dans le camp fut saisi d'épouvante. » À l’apparition de ces phénomènes annoncés, Moïse mène le peuple hébreu au pied de la montagne. Le son de la trompette est assourdissant. La montagne tremble, une épaisse fumée s’en élève. Le fait que les hébreux soient saisis d’épouvante (alors qu’ils savaient que Dieu allait se manifester) est symptomatique de la relation qu’entretient l’Éternel avec son peule. Dieu veut être craint (cf. Genèse 22 – Le sacrifice d’Isaac à Dieu).

La suite du récit est un peu confuse et il est difficile de relater précisément l’action. Notamment, la « position » de Dieu n’est pas claire. Jusqu’à présent Dieu parlait à Moïse lorsque celui-ci était en haut de la montagne, donc Dieu y était aussi. Ici, le Très-Haut descend. Mais Il ne se rend pas de la montagne vers la vallée pour aller à la rencontre de son peuple. Il descend (à priori des cieux) vers le haut de la montagne (tandis que l’instant d’avant, Il y était pour parler avec Moïse). Afin de ne pas risquer une interprétation erronée, en voici l’extrait ; « Moïse parlait, et Dieu lui répondait à haute voix. / Ainsi l'Éternel descendit sur la montagne de Sinaï, sur le sommet de la montagne; l'Éternel appela Moïse sur le sommet de la montagne. Et Moïse monta. / L'Éternel dit à Moïse: Descends, fais au peuple la défense expresse de se précipiter vers l'Éternel, pour regarder, de peur qu'un grand nombre d'entre eux ne périssent. […] L'Éternel lui dit: Va, descends; tu monteras ensuite avec Aaron; mais que les sacrificateurs et le peuple ne se précipitent point pour monter vers l'Éternel, de peur qu'il ne les frappe de mort. » Pour résumer, Dieu descend en haut de la montagne, Il appelle Moïse qui y monte. Puis Dieu lui demande de redescendre pour dire au peuple de ne pas monter, mais il devra y remonter avec Aaron.
Parallèlement, si quelqu’un d’autre que Moïse ou Aaron débutaient l’ascension, Dieu devrait le tuer, mais Il le ferait à contrecœur, puisqu’Il emploie les termes « de peur qu'un grand nombre d'entre eux ne périssent. » ou « de peur qu'il ne les frappe de mort. »

Une fois encore, Dieu parait être plusieurs, ou animé de plusieurs pensées/volontés relativement contradictoire. La formulation de la dernière phrase citée, pourrait confiner à une forme de dédoublement de la personnalité divine. Parlant de lui-même, Dieu dit avoir peur de la réaction violente de l’Éternel. Ainsi que nous avons pu l’observer précédemment, ce format narratif concourt à ce que Dieu soit partiellement exonéré d’une (potentielle) action violente en utilisant la troisième personne du singulier lorsqu’Il parle de lui-même.

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