Chapitre 2 (1 sur 3)
Poussé par ton instinct, tu te jettes au sol, la gamine toujours dans les bras. Aussitôt, l’enfer s’abat dans la boutique. Le plomb fuse dans un bruit de déflagrations. Le type décharge son arme sur la devanture du magasin. À chaque tir, un flash illumine la pièce, te permettant de suivre l’évolution de la scène. Une ombre gigantesque, derrière la vitrine, esquive les balles avec une virtuosité surnaturelle. Elle virevolte dans la lumière de la lampe électrique avec la grâce d’une danseuse étoile.
— Cette saloperie est trop rapide ! crie la blondasse.
Le cow-boy s’empare d’un autre flingue pendu à sa ceinture et tend à sa copine celui qu’il a utilisé jusque-là.
— Recharge-le, lui ordonne-t-il en montrant une boite de munitions posée sur le comptoir.
La fille, dépassée par les événements, cherche tant bien que mal à enchâsser les balles dans le barillet tout en empêchant le vampire d’entrer avec sa torche.
Tu comprends que si tu ne vas pas leur prêter main-forte illico, la situation va tourner au désastre.
— File derrière le comptoir ! glisses-tu à l’oreille de ta protégée.
La gamine obéit sans discuter. Tandis qu’elle rampe vers la destination indiquée sous un déluge de verre brisé, tu rejoins le couple en essayant de ne pas te prendre une bastos et tu te saisis du flingue de la blonde.
— Continue à braquer ta lampe, je me charge du pétard !
D’une main sûre, tu armes le colt et le pointes sur l’ennemi, mais l’ombre a disparu de ton champ de vision. Le cow-boy s’arrête de tirer. Le silence retombe, lourd.
Au bout de quelques secondes, le gars chuchote :
— On l’a eu, ce fumier ?
Tu secoues la tête.
— Ça m’étonnerait. Il nous faudra plus que du plomb pour en venir à bout.
Tu profites de ce répit pour observer l’intérieur du magasin. Au fond, tu aperçois une porte, sans doute l’arrière-boutique.
— Il y a quoi là-dedans ? demandes-tu en la désignant d’un geste.
— J’en sais rien, répond la fille. On vient d’arriver.
— Va voir.
Elle cherche d’un regard l’approbation de son compagnon. Le jeune au chapeau hoche la tête.
Le type doit avoir la vingtaine, guère plus. Un peu de barbe au menton, des yeux marron, un nez fin… Un physique agréable, mais pas de quoi se relever la nuit, non plus.
— Comment tu t’appelles ?
Le nom du mec t’importe peu, tu sens juste que c’est le moment de sociabiliser.
— Gerry. Et toi ?
— Personne.
Gerry fait la grimace, mais ne relève pas. Gerry est assez futé pour savoir quand la fermer. Un bon point pour lui.
— Et ta copine ?
— Tina.
Un craquement retentit à l’extérieur, interrompant cette passionnante discussion. Le vampire revient à la charge. Gerry et toi, vous reculez derrière le comptoir. Tu repères la gamine, planquée comme tu lui as demandé. En l’apercevant, ton compagnon d’infortune demande :
— C’est qui, la môme ?
— Pas tes oignons.
Ni les miens, d’ailleurs, penses-tu avec pragmatisme. Pourtant, tu sais qu’il est trop tard pour faire machine-arrière ; la petiote fait partie de ta vie, maintenant, que ça te plaise ou non.
Tina revient vers nous, alertée par le bruit du vampire.
— C’est une réserve, annonce-t-elle.
— Allons-y !
Tu empoignes la fillette et tous les deux, vous vous dirigez prestement vers l’arrière-salle, suivis de Gerry et sa nana. La lampe de Tina commence à faiblir, il n’y a plus de temps à perdre. Toi et ton groupe entrez dans la salle. Au moment de fermer la porte, tu aperçois le monstre se faufiler dans la boutique. Le vampire progresse à quatre pattes, telle une araignée. La saloperie est en « mode prédateur », ça veut dire qu’il veut te faire la peau. Les vampires du Nouveau Monde n’ont rien de commun avec leurs cousins fictionnels si ce n’est leur besoin de sang. Ces vampires-là ne laissent aucune place au romantisme. Ils se déplacent sur deux jambes lorsqu’ils ne sont pas sous l’emprise de la soif. C’est là qu’ils sont le plus « humain ». Cependant la comparaison s’arrête là. Leur visage ressemble à celui des gargouilles des cathédrales avec un visage long, des oreilles en pointes, un crâne nu et une mâchoire aux dents aussi acérées que des lames. Leurs yeux rougeâtres brillent d’une soif insatiable et lorsqu’ils se posent sur leur proie, celle-ci n’a plus longtemps à vivre. Les vampires ne changent pas les hommes en créature de la nuit. Ils naissent vampire, un point c’est tout.
Tu verrouilles le battant, mais cette barrière entre les proies et le prédateur ne tiendra pas, c’est une certitude. Gerry et Tina le savent aussi.
— On n’a pas beaucoup de temps ! cries-tu. Il faut barricader cette porte !
Si la réserve a été pleine un jour, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les armoires entrouvertes laissent voir un vide béant. Subsistent bien quelques tringles, mais c’est tout. Les pillards ont tout emporté.
Tu te précipites sur le placard le plus proche et commences à le tirer vers la porte. Gerry vient aussitôt te prêter main forte.
— Ça va suffire, tu penses ?
— On va gagner une poignée de secondes, tout au plus.
— On est dans la merde, hein ?
— Ouais.
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