4 – TRUST : H&D

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J’engage enfin la sécurité de mon arme pour la ranger dans son holster. Les collègues se précipitent, suivis des pompiers qui évacuent JD vers le C.H.U. Il en sortira rapidement, sans séquelle autre qu’une belle bosse sur le front qui apporte de la rondeur à son visage taillé à la serpe. Le petit incendie est éteint, la dépanneuse fait monter notre voiture sur son plateau. Je regarde le théâtre des opérations, je manque de partir dans les vapes avec l’adrénaline qui déserte mon organisme.

Je sais pourtant que ce n’est pas terminé, j’ai fait feu, deux fois, je dois faire mon rapport. Pendant le trajet, je constate qu’en comparaison de collègues qui n’ont jamais sortis leurs armes autre part qu’au stand de tir pendant toute leur carrière, je l’ai sortie seulement après quelques mois. Il va falloir en justifier, et là, je crains pour mon matricule…

* * *

A ce stade, et même si je confirme que les périodes de formations n'apporteront pas grand-chose à cet écrit, il faut quand même évoquer les problèmes récurrents que j’ai rencontré avec Lucas. Qui est-il, le digne descendant de longues lignées d'agents du gouvernement, de policiers, gendarmes et magistrats depuis plusieurs siècles, avec lequel je me suis retrouvée en concurrence. Vous me direz que cette dernière crée l'émulation, c'est vrai, nous avons été au coude à coude très (trop) souvent. Est-ce qu'il a apprécié que j'occupe le poste qu'il convoitait, non, d'autant plus une paumée sortant de sa campagne comme il se plaisait à le dire, le répéter et le clamer, j'ai seulement été meilleure que lui, un tout petit peu... Ça s'est joué sur la fameuse épreuve de la planche, célèbre chez les pompiers.

Si j’évoque cette personne, c’est parce qu’elle aura bientôt de l’importance dans ce récit…

* * *

Alors que les équipages regagnent le commissariat, le Commissaire principal Christian vient à ma rencontre. Je suis fatiguée, éprouvée par les évènements, ma mine doit être défaite, je dois certainement faire peine à regarder, mais il me demande de le suivre dans son bureau.

A l’instant même de mon code-99, il a été informé du déroulement des évènements. Plus chaleureux que je ne l’ai jamais entendu être, il s’enquière de mon état physique, et surtout mental. Il me donne des nouvelles rassurantes pour ce qui est de l’état de santé de JD, ce qui m’apaise, car c’est quelqu’un de bien, avec qui j’apprends énormément sur le métier, plus de vingt ans de carrière à son actif, de la pédagogie et de la patience à revendre.

Juste avant de m’éclipser de son bureau, il me demande de revenir rapidement pour faire mon rapport, notamment quant aux raisons pour lesquelles j’ai utilisé mon arme parce qu’il y aura certainement une enquête de l’I.G.P.N (Inspection Générale de la Police Nationale = Police des Polices ou plus communément, les bœuf-carotte).

J’avoue rentrer avec quelque chose qui me turlupine. Même si je n’avais pas de doute quant à cette enquête, je reste avec ce sentiment que le Commissaire Christian aurait voulu m’en dire plus, qu’il sait quelque chose qu’il ne peut pas partager. Je me dis finalement que je dois me faire des idées alors que j’ouvre la porte de mon studio qui ne se trouve qu’à un saut de puce de mon lieu de travail. C’est en soi une délivrance, tous les restes de cette journée s’en vont, je m’écoule sur mon lit, laissant mes vêtements au sol pour sombrer dans le sommeil.

Je me réveille au bout de quelques heures, un peu hébétée, la bouche pâteuse, le ventre gargouillant. Je fais chauffer mon mug rempli d’eau pendant que je passe une main dans mes cheveux coupés très courts genre Christina Cordula, puis je grattouille là où ça grattouille. Le « ding » du micro-ondes me ramène à la réalité, et après y avoir jeté un sachet de thé au caramel, je laisse infuser, j’aime quand c’est fort !

Je me dirige vers ma salle d’eau, ramasse mes hardes de la veille direction le panier à linge. Je me regarde dans la grande glace au-dessus du lavabo, j’inspecte ma nudité. Je cherche quelque chose de différent parce que je me sens différente. Je ne vois pourtant qu’un copier-coller de la veille, à l’exception peut-être des cernes sous mes yeux, on dirait deux valises prêtes à voyager !

Je n’ai pas grandi, ni mon regard ni mes cheveux n’ont changé de couleur, mon gros nez est toujours au milieu de ma figure. J’ai toujours deux œufs au plat sur la poitrine, et je devine mes tablettes de chocolat alors que je passe mes mains sur mon ventre. Un auriculaire touche la toison broussailleuse de mon entrejambe, je lève les bras, ce n’est pas mieux, quant à mes jambes… Depuis combien de mois ne suis-je pas allée me faire tirer les poils ?

J’entre dans la cabine de douche, je regarde le rasoir en me disant un « demain » suivi d’un « non, je prendrais rendez-vous pour ça ». Je laisse l’eau bien chaude glisser sur ma peau, j’aimerais tant qu’elle puisse aussi emporter la dernière nuit, peut-être que si j’arrivais à pleurer… Mais les larmes ne viennent pas, seulement une boule dans la gorge et une anxiété dans mon ventre que le savon n’arrive pas à nettoyer.

Je dois me résoudre à sortir, à éponger l’eau sur ce corps que j’évite de regarder. Je sèche mes cheveux avec une main en guise de brosse. Je regarde la tablette pour me saisir de l’anticerne, arme magique des courtes nuits. Mes yeux vont ensuite d’un mascara à l’autre, brun, vert, prune ou bleu-marine ? Comme souvent, je choisis ce dernier, c’est ma frivolité, la seule que je m’autorise, non pas pour plaire, mais juste pour montrer qu’on peut conserver un peu de féminité tout en étant flic.

Autant le dire, à cette époque, je ne vis que pour mon boulot, ma passion, je me réalise. J’ai bien conscience que je n’ai pas grand-chose d’autre, d’autant que je me refuse toujours à tout homme, ou femme si vous vous posez la question. Je crois surtout que je ne veux que quelqu’un vienne me dire ce que je dois faire de ma vie. Comme pour ma pilosité, je remets ça à un jour prochain, « j’ai le temps » pensais-je…

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