6 – MARIE LAFORÊT : La Tendresse

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Je tire un sac de voyage de sous mon lit, j'embarque quelques affaires et je saute dans ma voiture. Mon petit cabriolet MX5 démarre au quart de tour, capote baissée, je pars au petit matin, même pas deux heures pour rejoindre ma Drôme provençale. Cependant, je prends mon temps par la Nationale 7, le vent dans les cheveux. Un homme dirait peut-être qu'il fait corps avec sa machine, de mon côté, c'est une amante qui a le don de m'apaiser.

Je continue de suivre le Rhône en bifurquant vers Vienne et traverse chaque ville et village avec un sourire grandissant. Sans trop savoir pourquoi je prends par les hauteurs à Serves sur Rhône et rejoins la route des belvédères vers Tain l'Hermitage. Je quitte la grande route à Valence pour me diriger vers Crest et son donjon. Je me souviens du paysage et de ma mère qui m'expliquait si ou ça. Plus je me dirige vers le sud, plus la petite fille en moi prend de la place.

Ça fait du bien de mettre de la distance entre l'aléa qui s'est créé et ce repère qui a cette vertu de l'immuabilité, la maison de mes parents. Je ne leur ai rien dit, mais je n'ai aucun doute, ils savent que quelque chose s'est passé. Je ne viens pas souvent malgré la faible distance qui nous sépare, surtout pas de façon aussi soudaine. Ils ne poseront pas de question et attendront que je me livre. Depuis, enfin vous savez quoi, c'est comme ça que je fonctionne, je garde tout pour moi... jusqu'à ce que ça sorte.

Ils sont tous les deux dans le jardin, se retournant lorsque mes pneus écrasent le gravier de l'allée. Ils me font signe, tout sourire, c'est le baume qui me manquait pour refermer la plaie béante qui est ouverte en moi. Ça va mieux, bien mieux. Nous parlons, beaucoup, de comment va qui et de comment va quoi. Mes parents sont heureux de retrouver leur petite fille qui mène une vie dangereuse, de plus, ils n'ont pas vu depuis noël.

Je retrouve ma chambre, qui ne changera certainement que lorsque je l'aurais décidé. C'est rassurant ce qui est immuable. Mes grands frères viendront dimanche avec femme et enfants. Je suis la petite dernière, le classique de leurs vies est aussi rassurant. Depuis toutes ces heures, c'est cela que je recherche. Je profite de chaque seconde, de chaque heure, de chaque jour, de mon frère aîné qui a vingt ans de plus que moi et qui essaye de dérouler la pelote de ma présence, échec. Nous savourons le traditionnel rôti de veau-coquillettes de ma mère.

Je réalise que je me sens bien, enfin.

Dans les jours qui suivent, je retrouve dans la remise le vieux 125 TY que mon père avait retapé pour que je l’accompagnais parfois en balade dans les chemins creux. Ces moments eux aussi me donnent le sourire, autant qu’ils m’apportent du bien-être. Dans un certain sens, qu’ai-je vécu d’autre que mon enfance, mon adolescence et ma vie de flic. Aussi pleine soit-elle, mon existence me semble bien vide tout un coup.

Je m’assois dans ce lieu aux odeurs si familières, où chaque fois que mes yeux s’arrêtent, un souvenir revient. J’en arrive à une sorte de conclusion de laquelle il ressort que je n’ai jamais vécu qu’encadrée, que ce soit par mes parents, ma famille, mes amis ou la police. Que les deux fois où je me suis laissée aller, ça ne s’est pas vraiment « bien » terminé. Je me fais la promesse de commencer à vivre par et pour moi-même.

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