11 – GERALD DE PALMAS : Sur la Route

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Mon, je devrais plutôt dire ma coach, est le lieutenant Christiane, une petite femme boulotte aux cheveux blancs, bien qu’il soit difficile de lui donner un âge tant elle est maquillée. Peinture, plaque d’immatriculation et autocollants aurait dit Joseph, l’un des plantons du commissariat. Par contre, elle a de l’énergie à revendre combinée à l’amabilité d’une porte de prison, en résumé, c’est un dragon, dont les premiers mots ont été : « Lieutenant Christiane, dépêches-toi, on a rendez-vous dans trente minutes ».

De l’accueil trois étoiles de compétition, et vingt-cinq minutes plus tard, nous étions sur le parking de la clinique. « Tu as rendez-vous avec le Professeur Stanislas, par-là, c’est tout droit » me montre t’elle en tendant une main prolongée d’un doigt directeur. « Il a déjà ton dossier avec nos demandes, files, je t’attends », c’est tout juste si elle ne m’ouvre pas la portière pour j’aille plus vite…

Je rencontre donc Stan, comme il veut que je l’appelle, alors qu’il me demande de me mettre entièrement nue après les politesses d’usage (et ça fait du bien). Il me présente le Docteur David, l’anesthésiste, qui me pose tout une batterie de question pendant que le Professeur triture mon visage malaxe mes seins et mes fesses puis regarde devant et derrière en me faisant écarter les jambes.

Après un tour de stéthoscope et de tensiomètre, je peux me rhabiller et m’asseoir pour que Stan me détaille la procédure. Il est donc prévu, pour rendre mon visage plus harmonieux, et sans les termes médicaux, le nez (plus petit et fin), une réduction de l’arcade sourcilière (ouvrir le regard) associée à un lifting des sourcils (pour les rehausser et harmoniser la ligne haute du visage) et une réduction de la racine des cheveux (réduction de la taille du front pour équilibrer les proportions du visage). S’y ajoute une augmentation mammaire pour un bonnet C naturel compte-tenu de la tonicité de ma peau, une lipoaspiration dont la collecte sera réinjectée sur la partie extérieur de mes fesses pour une belle forme de poire, et enfin une épilation définitive des parties génitales et du sillon inter fessier.

Vous savez quoi, j’ai le sentiment de ne plus m’appartenir, je n’arrive rien à dire, ni à réagir à quoi que ce soit. Stan me montre un avant-après, c’est toujours moi, mais moins moi, ce qui est évident me diriez-vous ! C’est comme s’il avait gommé ce que j’avais de mon père pour ne laisser que ce qui venait de ma mère. Il me le confirme d’ailleurs en sortant une photo d’elle, celle de mon dossier d’inscription à l’école de police puisque j’étais mineure, ajoutant qu’il s’en est servi comme modèle.

Je suis déconnectée, je ne sais plus où j’en suis sauf que je passe sur le billard demain à sept heures. Je retrouve le Lieutenant Christiane, toujours aussi agréable, qui me conduit à mon hôtel-restaurant où je suis en pension complète. Elle me donne également la carte d’un institut de beauté où j’ai rendez-vous pour apprendre les subtilités du maquillage, car… Je n’écoute même pas la fin de sa phrase. Elle doit s’en rendre compte, me dit qu’elle viendra me chercher à six heures demain, puis se tait.

Je déjeune au restaurant de l’hôtel. C’est certainement très bon, mais je n’y prête pas attention, perdue dans des pensées que je n’arrive pas à ordonner, tout va trop vite, beaucoup trop vite, pourquoi si vite ? Je suis pourtant d’une nature plutôt cartésienne, ordonnée, mais là, je n’y arrive pas. J’ai le sentiment d’être un pion qu’on manipule, et que, comme tout bon objet, je n’ai pas besoin de savoir. Je suis comme une boule de bowling qui ne sait pas qui l’a lancé, ni sur quelle piste, ni quand elle cognera les quilles, ni même si elle reviendra à son point de départ…

L’après-midi, je rencontre Jess à l’institut, très sympa et rigolote. Elle parle beaucoup, pas trop soûlante, juste ce qu’il faut pour accaparer mon cerveau et l’empêcher de tourner en boucle comme une bille de flipper. Pour me détendre, certainement vu mon état, elle m’a proposé un massage des épaules. Je n’avais rien d’autre de prévu donc, et elle sait y faire, tout comme pour me convaincre, horrifiée de l’état de mes jambes et de mes aisselles, de me faire tirer les poils !

Il faut lui reconnaître cette qualité, elle est aussi pédagogue que patiente. Elle me montre comment me maquiller, je fais, elle me corrige, je recommence. Je finis par me prêter au jeu, de rire avec elle de mes erreurs et de chaque nouveau visage que j’arbore. Elle me parle entretien de la peau, produits, accessoires, association de couleurs… Il faut reconnaître qu’en fin de journée, je fais plus que me débrouiller, Jess m’en félicite d’ailleurs. Bon d’accord, vous voulez savoir, elle a dit « maquillage appuyé », j’ai dit « salope », en pensant « Christiane » ! Je me suis refusée à penser « pute », je ne pouvais pas, et nous sommes passées à autre chose.

Avant de partir, elle me remet ce qui avait été commandé (pas par moi), une mallette de maquillage de marque, m’a-telle dit, contenant tout ce dont j’aurais besoin y compris les soins. Je suis revenue dans ma réalité, et après l’avoir remercié chaleureusement, je suis rentrée à mon hôtel.

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