20 – DANIEL BALAVOINE : Lire un Livre
Dans la même après-midi, j’ai presque dépensé ce que j’avais gagné, cependant, comme je pars, de rien… Je me regarde dans le rétro intérieur, ce que j’y vois me plais beaucoup, une nouvelle vie qui commence ? De ça aussi, je prends conscience, autant que de me souvenir que j’ai une mission, et que finalement, l’un est imbriqué dans l’autre. C’est pourquoi je décide de ressortir après avoir dîner.
Toujours habillée de ma grande robe ainsi que de mes sandales, je parcours à nouveau les rues autour de mon domicile, avec un objectif, celui de trouver la ruche à livres. Elle n’est pas très loin, je suis même passée à proximité sans la remarquer. Je fouille dans les différents compartiments afin de donner le change, trouve celui qui sera le mien. Dans le rapport, il était mentionné qu’il pourrait contenir un livre, ce n’est qu’une fente dans laquelle je glisse à peine ma main, aussi vide que poussiéreuse.
Quelque chose me fait tiquer, sans que je ne comprenne véritablement quoi. Je regarde le mobilier, il n’y a bien qu’une seule trappe au milieu, j’explore pourtant chacune d’elle, et chaque fois mon incompréhension va grandissante. Chacune comporte un fond qui s’ouvre, plus ou moins grand, avec ou sans aménagement ????? Il n’y a qu’un compartiment au centre, donc inutile de me prendre la tête, c’est ainsi que je me rassure pour taire le sentiment qui murmure dans mon ventre.
Je déambule plus que je ne marche, tout en assimilant l’architecture des rues, impasses, avenues et places. La nuit est agréable et douce, c’est une ville, il n’y a donc aucun silence, parfois je croise une personne ou un couple qui sort son chien, quelques personnes seules qui hâtent le pas certainement pour regagner leur domicile. Il y a aussi des groupes, de jeunes gens souvent bruyants, qui se rendent certainement vers leurs prochains verres ou une fiesta quelconque.
D’autres, personnes seules ou groupes, sont plus inquiétantes, alors j’accélère le pas où change de direction. S’il est normal de répondre à la politesse par un « bonsoir », un sourire ou un hochement de tête, il en est tout autrement des invectives, sifflets et remarques graveleuses. Toutes les femmes ne connaissent que trop bien ce sentiment, et certainement que ma formation est un avantage, mais il n’en demeure pas moins que face à un groupe, nous en sommes toutes au même point.
Personne n’insiste. Mes pas me conduisent finalement sur le boulevard, il est tard, je remonte la contre-allée. Je ne tarde pas à remarquer les filles qui sont là, sur le bord de la chaussée. Je n’avais pas prévu de m’y intéresser ce soir en particulier, j’avais l’intention d’y venir durant la fin de semaine. La curiosité semble l’emporter, aussi je cherche un endroit où voir sans être vue, que je ne tarde pas à trouver.
J’observe le ballet des voitures qui défilent à petite vitesse afin de décider quel morceau de viande sera dégusté au menu. Quand ils s’arrêtent et baissent leur vitre, les filles s’avancent, se penchent puis montent, où pas. Si c’est le cas, tous les véhicules se dirigent vers l’une ou l’autre des rues parallèles à la mienne et reviennent par cette dernière, question de sens unique…
Tout se déroule selon une chorégraphie que chacun semble connaître sans qu’il y ait vraiment de fausse note. Je n’ai que quatre filles dans mon champ de vision, mais toutes travaillent et le chaland ne manque pas, même avec son lot de voyeurs ou d’indécis. Un des candélabres me permet de plus ou moins voir le visage des conducteurs, et j’essaye de déterminer ceux susceptibles de faire fonctionner ce commerce.
Je me trompe le plus souvent, aussi je regarde les travailleuses. Elles sont toutes très loin du cliché de la prostituée à peine vêtue, même si chacune montre beaucoup de peau, certainement aussi grâce à la saison. Les styles sont différents, mais ne font pas illusion, les jupes sont courtes, les talons aiguilles, les hauts plus ou moins couvrants, mais personne ne s’exhibe nue au milieu de la route.
Chacune semble avoir son emplacement, ce qui ne les empêchent pas de se réunir pour discuter, rire, voir simplement fumer une cigarette. Toutefois, chacune reprend sa place lorsque le bruit rauque d’une moto remonte l’avenue. Je l’entends s’arrêter, sans que je puisse la voir, c’est bref, puisque le motard passe avec une fille derrière lui. Lorsqu’un autre biker se présente, il stoppe devant l’une des filles qui se trouvent dans mon champ de vision, aucun échange, elle monte, il repart aussitôt. Je décide d’en rester là pour ce soir.
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