26 – MADONNA : Nobody’s Perfect

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Au gré de mes disponibilités, je suis allée chez Claudine. J’y ai trouvé une minijupe plissée écossaise, une top noir façon robe-Maryline, une paire de chemise qu’on peut nouer sous la poitrine. Elle m’a proposé des sortes des hauts à manches longues et débardeur transparents, ainsi qu’une robe courte évasée avec un jupon en tulle dont le haut, en guise de décolleté, passait sous la poitrine. C’est vrai qu’avec un chemisier blanc, c’était joli, comme ça pourrait l’être aussi avec d’autre haut, plus démonstratifs… J’ai aussi pris un tailleur avec une jupe au-dessus du genoux, très « working-girl ».

Dire que j’ai pris goût au shopping serait excessif, mais j’y trouve un certain plaisir. J’ai quand même pris le temps d’acheter aussi quelques vêtements pour tous les jours. J’ai pu trouver chez Claudine de petits escarpins à ma taille, bien qu’il faille que je m’entraîne un peu pour l’équilibre ou pour ne pas marcher comme un garçon, à faire de petits pas comme elle le disait. Je crois qu’elle n’a pas été dupe très longtemps quant à ce que je fais, d’autant que je paye à chaque fois en espèces, mais aussi en évoquant, s’agissant de tenues plus que « suggestives », le sex-shop qu’il y a plus haut dans la rue.

Chez le chausseur, j’ai trouvé des babies compensées noires avec la bride sur le cou-de-pied, ainsi que des bottes, compensées également, avec un faux laçage croisé sur le devant, tout en me disant que j’attendrais pour les bottines que j’ai vu, la facture a déjà fait très mal.

Au magasin de lingerie, je me suis offert un ensemble lingerie-porte-jarretelles. Verdict, je fais bien un bonnet D, grrrrr, quelle que soit la marque.

Dans cette frénésie de fièvre-acheteuse, bas, collants ouverts, mi-bas, chaussette en dentelles de toutes sortes sont venus garnir mon armoire.

Cependant, à chaque fois que je vais dépenser l’argent que je viens de gagner, je lorgne vers le sex-shop. Je finis donc par y entrer, pour ne rien y trouver de sordide, tout est propre, bien rangé. Le cinquantenaire, enfin selon mon estimation, qui se tient au comptoir me fait penser à Anton Ego, le critique culinaire du dessin animé Ratatouille. Le sourire sur son visage émacié semble si incongru, tout autant que sa voix est suave.

Je n’y ai pas acheté grand-chose, comme si tout est en quelque sorte « trop ». Trop quoi ? Trop tout je crois. Si j’y suis entrée le portefeuille à la main et la salope au fusil, j’en suis ressortie avec une série de plugs, deux bodysuits, un façon dentelle, l’autre zébré, mais surtout avec la tête à nouveau sur les épaules, et une réponse. Porter des vêtements provenant d’un sex-shop, ce serait comme appuyer sur un interrupteur, celui qui allumerait au-dessus de ma tête en lettre de lumière « je suis une pute ».

Vous pourriez me dire qu’en soit, ça ne change pas grand-chose, sauf que j’aurais le sentiment que Poéma, Floriane et Eiffel ne sont qu’une seule et même personne. Une fois encore, vous pourriez me dire que c’est le cas ! Pourtant, pour aussi futile que ce soit, cela reviendrait à fusionner ces trois prénoms, à les éclairer avec la même lumière au néon où il serait écrit : « je suis une prostituée ». Seulement, pour que chacune conserve son équilibre, certes bien précaire, elles doivent conserver leurs propres lumières. Une futilité assortie d’un trouble dissociatif...

Je me souviens de ce que j’ai écrit : « il est impératif de se créer un personnage ou au moins changer de nom. En avoir un à dire aux clients permet de mettre une certaine distance entre qui on est et le « rôle » qu’on joue. De même pour les vêtements, le maquillage et le parfum auxquels qu’il ne faut jamais porter dans la vie de tous les jours, ça aide, psychologiquement, à accepter ce qu’on fait, surtout quand le client demande de faire des choses dégradantes, ou quand il vous insulte pendant qu'ils vous baisent ».

Je dois arriver à créer ce côté « dissociatif », cette différence entre « moi » et le « rôle », parce que pour l’instant, j’ai le sentiment que c’est ce dernier qui a pris le pas. Comment une fille n’ayant connu que deux expériences malheureuses peut, quelques semaines plus-tard, tenir entre deux et cinq rendez-vous par jour comme escort-girl et aller faire le trottoir la semaine suivante. J’ai une mission, c’est vrai, mon « rôle » n’est que le moyen d’essayer de la réussir, mais pour autant, il ne doit pas devenir le poignard de ma propre plaie.

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