32 – NIRVANA : Polly

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C’est surprenant cette sensation, celle de savoir qu’on met sa propre vie en danger, mais de n’en avoir rien à faire. Par un autre aspect, en la remettant entre les mains d’un autre, on a plus à s’en occuper non plus. C’est ainsi que j’ai trouvé suspect en ce tout début d’après-midi de janvier que mon client insiste autant pour que je partage avec lui un verre de jus d’orange déjà prêt. Pendant un instant, je me suis dit « oh, quand même pas… »

Et en fait si, je n’ai pas tardé à m’effondrer dans les bras de Morphée. Je suis réveillé seule aux alentours de 18 heures dans le lit de la chambre d’hôtel, bien au chaud sous les couvertures. Vaseuse, avec une odeur infecte qui persistait dans mes narines, j’ai ausculté mon corps avec mes mains, puis encore devant la glace, il n’y avait aucune marque. Tout ce que j’ai remarqué, au bout d’un moment à me tourner dans tous les sens, c’est que j’étais démaquillée, propre de la tête aux pieds et légèrement parfumée, ce qui atténuait ce que je rapprochais des émanations d’une morgue.

J’ai su quelques semaines plus tard ce qui m’était arrivée lorsque mon client a été arrêté pour le meurtre d’une étudiante qui faisait de l’escorting pour payer sa formation. Thanatopracteur de profession, il droguait les femmes, faisait leur toilette, les habillait, les maquillait puis faisait moult photos comme si elles étaient sur leur lit de mort. Il n’a pas été dit s’il avait ainsi des rapports sexuels ou s’il était nécrophile.

Je me suis dit que ça aurait pu être moi, puis simplement haussé les épaules pour passer à autre chose.

Une autre fois, j’ai eu une proposition de quelqu’un qui semblait bien sous tous rapports comme on dit, mais adepte du choking, en français de l’asphyxie sexuelle. Il m’a vendue la jouissance exceptionnelle de ses partenaires, son top a fait flop lorsque je me suis évanouie après m’être débattue. Il semblait heureux de sa performance, alors que de mon côté, le fait d’avoir résisté a allumé une petite, toute petite lumière qui disait « je veux vivre ».

J’avais un client régulier qui disait s’appeler Antoine, que je voyais à peu près toutes les trois semaines quand il venait pour son travail. Toujours charmant, aimable, tendre aussi, qui je le pense avait cerné la détresse dans laquelle je me trouvais. La majorité de mes clients avaient des envies « basiques », quand bien je ne ressentais plus rien, c’était devenu comme une drogue, la recherche d’une sensation, celle de n’être qu’un objet.

Il y a ce moment, ensuite, celui où la poupée va dire oui au « déglingo » qui lui propose quelque chose de barré, quelque chose qui fait mal ! Son fantasme absolu était celui de la femme violée, mais surtout qu’elle se débatte, qu’elle soit molestée, un peu, puis de la menacer. Il m’a proposé une forte somme pour que je cède, je l’aurais fait pour le tarif habituel, voir pour rien, autant pour me punir que pour espérer ressentir quelque chose.

Le scénario est assez simple, je dois remonter telle rue à telle heure de tel côté puis je serais menacée, entraînée dans une ruelle pour enfin me faire mon affaire. Ce n’est en fait pas si loin que ça du boulevard, je patiente jusqu’à l’heure convenue pour remonter la rue. Sauf que rapidement, je comprends que ce n’est pas Antoine qui me suit, mais deux grands gaillards.

Je résume simplement en écrivant que je suis ceinturée, puis aussitôt bâillonnée avec un gros adhésif. La lame sous ma gorge n’est pas émoussée mais très bien aiguisée pour finir de découper ce qui restait de mon haut déchiré. Je suis retournée dans le monde de mes treize ans, jusqu’à ce qu’ils partent et tournent au coin de la rue, mes larmes ne cessant pas de couler pour autant.

C’est à ce moment qu’Antoine a choisi de sortir de son recoin. Je le devine heureux et triomphant alors qu’il dit avoir pris un pied comme jamais. Je ne vois pas tout de suite qu’il n’est pas seul, une femme l’accompagne. Arrangeant sa tenue, elle le félicite d’avoir à nouveau trouvé une traînée aussi idiote, ajoutant qu’il faudra plus d’hommes pour la prochaine car elle se sent frustrée d’avoir eu aussi peu de temps.

Mes fesses ne sentent même pas la morsure du sol gelé quand il me jette son enveloppe à la figure, ajoutant que malgré cet argent, la roulure que je suis ne vaux même pas ça, alors que le son de crachat éclate à mes pieds. Tandis qu’ils partent en riant, bras-dessus bras-dessous, ce simple son a résonné comme le clic de l’interrupteur qui vient de rétablir la connexion.

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