38 – ALANNAH MILES : Black Velvet

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Au gré des jours qui s’écoulent durant ce mois de février, il y a un nouveau sentiment qui éclot, celui de la liberté, celui de m’épanouir sans autre contraintes que celles que je m’octroie. Dit comme ça, on pourrait croire que je fais n’importe quoi, en aucun cas, cela se résume à exister, à me sentir vivre avec des notes d’exubérance que je ne me suis jamais autorisée et un tout petit côté salope assumée.

Les mots sont forts, mais la réalité est bien moindre. Mes tenues versent parfois dans le cliché avec couleurs criardes et transparences, sans appréhension, ni rejet du plaisir qui peut être le mien. Comme je l’ai dit une fois à Isabelle, il faut du plus pour équilibrer le moins. Ce négatif, il ne faut pas le nier, il existe. Dans un sens, je crois qu’il a commis en moi une soumission que je ne connaissais pas, et le mâle aimant dominer…

Chez moi, cette docilité aide à relativiser les humiliations, à les accepter parce que je les ai consenties. L’actrice joue un rôle, je le fais aussi comme je peux être absente ou autre part. C’est une protection qui transforme la réalité de ce qui se déroule en une fiction, comme les doigts qui forcent votre bouche, la salive qu’on y déverse, la petite claque qui ponctue une insulte ou les divers fluides pouvant vous enduire.

Je ne veux pas non plus me dire que tel client me veut tellement qu’il est prêt à me payer, ce qui pourrait représenter le compliment dans sa version ultime, mais surtout un piège dans ce qu’il serait une approbation. Il n’y a rien de normal dans ce que je fais, ce n’est pas un jeu non-plus. Pour donner un exemple, que ressentiriez-vous si un inconnu vous abordez, non pas soudainement pour vous offrir des fleurs, mais en disant : « vous êtes si sexy que je paierai pour vous baiser » ?

C’est ce qui s’est passé alors que, sortant d’un rendez-vous, je buvais tranquillement un thé pour faire passer un goût persistant dans ma bouche. Le jeune homme devait être à peine plus âgé que moi quand il s’est imposé sur la chaise face à la mienne. Avait-il fait un pari avec ses amis qui guettaient ouvertement quelques tables plus loin pour m’abordait de cette façon ? Sur d’autres mots, j’aurais pu l’éconduire poliment, cependant, je lui ai répondu que ça pouvait s’envisager pour cent balles.

Et vous, quel aurait été votre ressenti, qu’auriez-répondu ? Lui en tous cas est reparti vers ses compagnons en me traitant, dans sa barbe, de « sale pute », puis tous sont rapidement partis. Certainement pour me prendre au mot, tout autant que me ridiculiser, mon voisin de devant s’est exprimé, disant qu’il les payerait bien lui les dix sacs pour me baiser !

Je n’ai rien répondu dans l’immédiat afin de terminer tranquillement ma boisson. J’ai ensuite ramassé mes affaires, me suis levée puis lui ai dit que je l’attendrais pendant une minute devant la porte des toilettes au sous-sol. Au bout de deux, il n’était toujours pas là, alors j’ai fait ma petite affaire. Il était parti lorsque je suis repassée par la salle, sa chaise était vide et la table débarrassée.

Pour rester un instant dans les anecdotes, j’ai fini par sympathiser avec ma voisine de boulevard, Stacy / Sabrina. Nous discutons de beaucoup de sujets, aussi sérieux qu’enlevés, quand il y avait une longue accalmie, à l’exception du domaine privé. Quelque chose est venu petit à petit, c’est qu’elle aimait conter des histoires, parfois comme ça, parfois en lisant une feuille de papier pliée en quatre.

Je ne sais pas si elle lit beaucoup, ou si ces textes sont de sa propre plume. Je n’ai jamais osé lui demander, elle ne me l’a jamais dit, mais peut-être attend-elle que je le lui demande, ou pas ? Je suis toujours sincère dans mes commentaires qui souvent donnent lieu à de longs échanges. Nous en oublions le temps et le froid qui pince parfois durement nos jambes exposées. Ses récits sont souvent courts, mais ouvrent de nombreuses pistes, peut-être vers de nouvelles directions pour la bille de son stylo ?

Une nuit, elle a commencé sa lecture, mais un de ses habitués est arrivé, me laissant sa feuille. J’ai lu une fois puis plusieurs autres avant de la ranger dans mon sac. Je n’avais pas envie de la lui rendre, elle ne me l’a pas demandée non plus. Je l’ai patiemment recopiée le lendemain pour la lui rendre ensuite. « Mon précieux » dirait Sméagol dans le Seigneur des Anneaux, les mots m’ont touché…

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