39 - CLARA LUCIANI : Mon Ombre

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« Sara était une ombre qui vivait dans l’obscurité la plus sombre. Si elle était aperçue à la lumière du jour, elle s’évaporait simplement dans les dédales des profondeurs de la ville. Elle était experte dans l'art du camouflage, de celui de passer au travers les mailles du système qui existait encore pour s'occuper des filles comme elle, sans abri, sans nom, des filles sans visage habituées à vivre là où on ne les voyait plus. Il n'y avait rien qui se nommait « chez soi » pour Sara, il n'y en avait jamais eu, ni personne qui l’attendait.

Il y avait eu des familles d'accueil, des foyers où des hommes à lunettes et au gros pouce qui ont tenté de l'initier aux rituels des sucettes alors qu'elle avait neuf ans. Il y a eu aussi des institutions où des femmes aux yeux fous l'avaient mise à genoux, bible à la main, la forçant à se repentir de péchés qu'elle n'avait jamais commis. Il n'y avait jamais eu, dans la vie de Sara, de réfrigérateur dans une cuisine pour nourrir son ventre vide, ni de télévision pour occuper son temps libre. Il n'y avait pas non plus de forums de discussion ou d'Internet tard le soir pour en apprendre davantage sur la vie insouciante et vide des adolescents.

Sara est ainsi restée dans l'ombre de la ville. Il y avait des moments où elle avait l'impression que celle-ci faisait de son mieux pour la garder loin de la lumière du jour. Loin des yeux, elle le savait, signifiait aussi loin du cœur. Le peu de confort qu’elle pouvait acheter dans ce monde, elle le payait avec la monnaie de son âme, gagnée à genoux dans les ruelles ou avec les jambes écartées sur les sièges d’une voiture. Elle était payée pour prendre des bites dégoûtantes et puantes dans sa bouche ou dans son vagin.

Elle ne consommait pas de drogue. Cette idée ne lui était jamais venue à l'esprit parce qu'elle n'en avait de toute façon pas les moyens. Les dealers et les proxénètes ne s’intéressaient par à elle, qui comme beaucoup d’autres, vendait sa chatte et sa bouche pour presque rien, juste assez d'argent pour, peut-être, acheter un hamburger et un coca.

Ainsi, dans les terres obscures de Sara, elle s'était agenouillée sur l'autel de la pauvreté et de la justice pour les autres. N'importe quel jour, comme aujourd'hui peut-être, le visage posé devant un pantalon kaki teinté d'urine, elle suçait la petite bite d'un homme ventripotent qui dégoulinait d’une transpiration aigre. Il se nommait Bob, selon l'étiquette plastifiée qui l'identifiait comme l’employé d’une librairie.

Bob tenait fermement les cheveux de Sara dans ses mains, les tirait brutalement, la traitant de sale petite pute, lui disant de lui sucer la bite, d’avaler son sperme. Ce qu’il nommait ainsi, pensait Sara, avait à peu près la taille de son pouce et elle la suçait depuis bien trop longtemps. Bob n’arrivait pas à jouir, et plus cela devenait évident pour lui, plus il tirait fort sur les cheveux entre ses mains. Il baissa les yeux sur le visage de Sara, remarqua ses larmes lorsqu'il lui tira dessus particulièrement fort, Bob aimait ça, il aimait beaucoup ça.

Il continua vicieusement, elle cria, essaya de se dégager. il aimait ça encore plus, et pouvait sentir sa bite devenir dure et trembler en réponse à son inconfort et à sa tentative de fuite, il lui a dit de rester immobile, qu'il allait jouir. Il lui a tenu la tête avec force et a essayé de pomper. Sara souffrait maintenant beaucoup, elle avait peur, et essayait en fait de s'éloigner de Bob avec beaucoup d'effort.

Lui, aimait autant qu’il détestait ce qui se passait. Bob aimait le fait qu'il pouvait effrayer et blesser quelqu'un, c'était quelque chose de très rare dans son existence. Il n'aimait pas le fait qu'il ne pourrait probablement pas jouir dans la bouche de cette fille, ce qui était également quelque chose de très rare dans la vie de Bob, une de celle pour laquelle il avait payé une forte somme (cinq euros). Déterminé à éviter qu'elle ne gâche ce moment, Bob a décidé de la faire taire, alors avec son poing, il l'a violemment frappée sur le dessus de la tête.

La bite de Bob était, à ce moment précis, enfoncée assez profondément (ce terme, pour un pénis d’environ sept centimètres, était bien sûr relatif) dans la bouche de Sara. À ce moment-là, il lui tenait toujours les cheveux et la tête fermement, aussi, lorsque Bob a cogné, entraînant ainsi la tête de Sara vers le bas alors que sa mâchoire inférieure était appuyée contre sa cuisse droite… Malheureusement pour Bob, Sara avait encore toutes ses dents et elles étaient en plutôt bon état !

Bob a crié alors qu’il tombait au sol en se débattant tout en essayant de comprendre ce qui s'était passé. Il posa une main entre ses jambes, sentit le moignon ensanglanté de son sexe et porta ses mains à son visage. Son cri aurait été entendu à cinq pâtés de maisons. Il se tournait et se tordait sur le sol crasseux, perdant beaucoup de sang.

Sara était, au moment où Bob s’est écroulé, affalée au sol sous l'impact, presque inconsciente. Il y avait maintenant une grande zone à vif sur le côté de sa tête, là où une poignée de cheveux avait été arrachée. Le pénis de Bob lui, était logé sous sa langue. La seule preuve visible était le petit filet de sang qui coulait du coin de sa bouche jusqu'à l'asphalte de l'allée défoncée.

Une ambulance était arrivée, puis une voiture de police, pas loin derrière. Bob a été stabilisé par les pompiers qui se sont mis ensuite à fouiller l'allée, les poubelles à la recherche des restes du pénis de Bob. L’ombre des rues avait été ignorée par les médecins, comme si elle faisait partie du décor. Ils avaient concentré leur attention sur l'homme qui saignait abondamment, il se trouvait en effet dans un état très grave.

Le premier policier sur les lieux fut Paul. Du haut de ses vingt et un ans de service, il observait minutieusement la scène. Il a aussi été le premier fonctionnaire à venir aux côtés de Sara, à voir le sang et la peau à vif sur le côté de sa tête. Il regarda l'homme au sol et vit la poignée de cheveux dans sa main. Il fouilla ses poches, y trouva un billet de cinq froissé puis secoua la tête d'un air entendu. Il sentit son estomac se tordre alors qu'il sortait un stylo de la poche de son gilet pour lui ouvrir la bouche.

« Donnez-moi de la solution saline et un sac… j'ai le pénis juste ici », dit doucement le policier. Des pompiers sont venus, qui bien sûr avaient nombre de choses intelligentes à dire sur ce qui se trouvait dans la bouche de la jeune fille. Paul a juste grimacé alors qu'il enfilait des gants en latex pour ouvrir la petite bouche et en extraire le bout de chair.

Des sels ont été agités sous le nez de Sara. Elle remua, ses yeux papillonnèrent puis elle se redressa, surprise et confuse. Elle regarda autour d'elle, puis toussa et se sentit mal comme elle reconnaissait le goût du sang dans sa bouche. Elle avait replié ses genoux contre sa poitrine, inspirant et expirant la peur de ne pas être dans l'ombre à ce moment-là. Puis, alors que Sara reprenait conscience de son environnement, la première chose qu'elle remarqua fut, et c'était une chose très dangereuse dans son monde, un policier agenouillé près d'elle.

Peu importe que cet homme puisse lui parler doucement tout en lui tenant l'épaule d’une main rassurante, ce que Sara voyait, c’était un uniforme bleu marine, un logo, une ceinture en cuir noir, un étui, un pistolet, une matraque et une radio, mais surtout le plus dangereux de tous, des menottes. Elle avait devant elle le système, celui qui pouvait lui faire du mal, qui l'avait ignorée, et voici un homme en uniforme qui le représentait, ce système qui avait toujours été manifestement injuste à son égard, même si ses adeptes juraient de faire respecter la justice… »

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