41 – GUNS N’ROSES : Pretty Tied Up
Si je me voile la face en me disant que c’est afin de pouvoir réagir, cela provient surtout de mon enfance, de ce moment où pour jouer, mes frères m’avaient attachée dans le sous-sol de la maison en éteignant toutes les lumières. Quand bien même ça n’est duré que quelques minutes, j’en ai été traumatisée du haut de mes cinq ans.
J’imagine que le colosse derrière moi doit jubiler, se délecter de ma peur, de mes genoux qui jouent des castagnettes, seulement, cette terreur enfantine, j’imagine que c’est comme le vertige, quelque chose d’incontrôlable, au point que j’avais refusé de servir de cobaye pour s’entraîner à passer les menottes. Je le hais ce Carole version Carroll, il doit bien sentir que ça ne va pas ou alors il compense la faiblesse de ce qu’il a entre les jambes pour ne rien voir, alors pourquoi ajouter dans le murmure d’une voix d’outre-tombe : « j’ai ami qui t’a recommandé pour mes petits jeux, aussi quelle surprise que dans la fille du site je reconnaisse la dernière arrivée sur notre boulevard, tu sais, il s’appelle Antoine ».
* * * Blackout * * *
Ai-je l’impression de venir d’un endroit quelconque, aucunement, je ne fais que me redresser à la façon du diablotin sortant de sa boite avec la vision de l’intérieur du hangar qui s’étiole comme un maquillage défait d’avoir trop pleuré. Mon cœur semble vouloir s’échapper afin d’exploser, ma respiration est courte alors que j’essaye de comprendre le message visuel.
C’est un peu comme si mes sens se remettaient à fonctionner les uns après les autres, des murs qu’on dirait faits de papiers, un rideau devant moi, le brancard sur lequel je me trouve. Je regarde ma main, j’ai l’impression qu’elle est transparente, sauf une pince au bout de mon index. Je suis le fil vers un appareil dont le diagramme semble suivre le rythme erratique de cœur. Le son vient graduellement agresser mes tympans, alors que parallèlement je comprends où je me trouve.
Parce que je sais où je suis maintenant, je panique, comme Sara, je dois quitter rapidement la lumière pour retourner dans l’ombre, je ne veux pas exister officiellement, laisser de traces. Aussitôt, j’arrache le bidule de mon doigt, repousse l’espèce de couverture, mes jambes disparaissent dans mes bottes, manteau sur les épaules et sac à la main, j’ouvre le rideau, que j’arrache presque, pour me retrouver face à une infirmière dans sa tenue vert d’eau.
Elle me détaille de haut en bas avec des yeux ronds, les miens cherchent la direction à prendre pendant que je gratte mon sein gauche qui me démange, mes doigts buttent sur quelque chose. Mon regard s’est enfin posé sur le panneau « SORTIE », pour ensuite confirmer ce que je palpais, une barre transperce désormais mon téton. Je hurle, non pas comme un animal blessé, mais de fureur, il m’a marqué le salaud.
Je ne me souviendrais que plus tard d’avoir entendue une voix me dire d’attendre alors que je franchis, tout en vociférant, la porte qui s’ouvre automatiquement devant moi. Je traverse la salle d’attente, il y a du monde, je le sais, mais je n’en tiens aucun cas, tout ce que je veux, c’est atteindre la porte coulissante qui semble mener vers l’extérieur. Le froid me saisit, griffe ma peau nue de ses serres glacées, il fait encore nuit, je ne sais pas quelle heure il peut être.
Je voudrais courir, mais je ne peux que marcher avec ces chaussures, alors j’avance vite, autant que je le peux, allongeant le pas. Je n’ose pas me retourner, il n’y aucun bruit à ma suite, pourtant, tout ce que je souhaite, c’est fuir cet endroit, m’en éloigner. Si j’étais dans un manga, mes poings seraient serrés, ma peau serait écarlate, de la fumée sortirait de mes oreilles alors que je gesticulerais.
Mais je ne suis pas dans un dessin animé. Si j’étais dans un film, j’aurais un long manteau flottant au vent pendant que je m’enfonce dans la nuit vers d’autres aventures. Cependant, je ne vis pas dans une fiction, mais dans une réalité, la mienne, celle où un malade a percé ma peau pendant que j’étais inconsciente avant de m’abandonner dans un hôpital, une clinique ou je ne sais quel endroit. Je boue intérieurement, mais je suis à nouveau assez lucide pour sortir de mon sac deux adhésifs afin de les coller sur mon téton.
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