42 – LACUNA COIL : Apocalypse
Je suis toujours dans le parking, suivant panneaux et marquages au sol, avec le sentiment que ça n’en finira jamais. Je prends conscience de la neige qui s’est mise à tomber, le flocons tourbillonnent lentement au gré de légers courant d’air. Il y a aussi des larmes qui s’écoulent de mes yeux, cependant, elles ne se transforment pas en perles de glaces, elles ne font que suivre la pesanteur avant de sécher pour mourir.
J’en suicide une sur le coin de mon œil gauche alors que j’aperçois ce qui sera peut-être mon sésame, un panneau indique « TAXI ». Même si je ne crois pas en Miss Chance, un petit coup de pouce ne serait pas de trop, aussi, je souris quand je vois un long break blanc avec le lumineux frappé des quatre lettres et le témoin vert allumé, je suis enfin au chaud avec un sentiment de sécurité naissant, mais rassurant.
Le chauffeur n’est pas surpris, m’a t’il vu arriver ? Je distingue des cheveux blancs, une lourde moustache qui l’ai tout autant, un front plissé, dans les soixante ans peut-être. Sans autre formalité, il me demande si j’ai de quoi payer, en réponse je sors d’une poche zippée de mon sac un billet de 50 et trois de 20 et lui de me dire : « OK Mam’zelle, bonsoir, alors, on va où ? » Je lui donne une adresse à proximité de mon entrée transversale, qu’il doit rentrer dans son GPS puis m’annonce qu’il y en a pour vingt-cinq minutes environ.
Le bruit du moteur, la conduite souple m’apaisent, je peux enfin souffler. Le feu couve, toujours bien présent, ce qui me permet de comprendre pourquoi le conducteur scrute plus son rétroviseur intérieur que la route. Assise en travers du siège, j’ai croisé les jambes ce qui a entièrement découvert la dentelle de la jarretière du bas rouge. Dans une répartie des plus classique je lui demande s’il aime ce qu’il voit ? Bien évidemment, il me demande de quoi je parle…
Tout comme moi, il ment très mal, aussi, peut-être est-ce pour cela que je laisse courir la pulpe de mes doigts sur le nylon, j’aime l’effet sur ma peau de ce toucher qui se diffuse comme l’onde d’une goutte tombée sur l’eau calme qui viendrait se concentrer à la croisée des chemins pour créer une nouvelle humidité. Ce sont mes ongles qui remontent ma jambe, j’aimerais entendre la fibre crisser sous leur passage. La sensation est celle du précipité d’un nuage de lait dans une tasse de thé, il descend profondément avant de se diffuser pour teinter l’entièreté du liquide.
J’ai chaud, ma main remonte en faisant bruisser langoureusement le tissu de mon manteau, je me cambre, laisse mon index remonter le long de mon cou, de mon menton, puis descendre lentement, très lentement dans ma bouche pendant que je le sertie de mes lèvres. Quand il tourne la tête, je vois sa pomme d’Adam elle aussi monter et descendre alors qu’il doit déglutir de son envie.
Mon doigt brillant s’extirpe sur un bruit de baiser envoûtant, il prend le sens descendant tout laissant un sillon brillant. Comme l’escargot laissant sa trace, il prend son temps, mes yeux se fixent dans le reflet oscillant des siens. Le coquin finger accroche l’anneau de fermeture de l’écrin. Cran après cran, il suit le sentier, avançant parfois rapidement, puis revenant sur ses pas. La fermeture ne se déguste pas en un éclair, mais religieusement, dévoilant parcimonieusement la blancheur de son glaçage.
Telle la lumière, filtrant entre deux pans de rideaux, ma peau s’illumine alternativement au gré de l’oranger de la lumière des premiers candélabres de la ville. J’ai laissé choir mon bras droit qui dévoile la pensée de ma nudité. Je reprends celle-ci pour venir m’asseoir tout au bord de la banquette pendant que je m’affale dans la senteur du cuir et que j’ouvre le rideau.
La lumière change parfois légèrement avec des notes de vert, je me trouve dans une sorte de demie-conscience, comme si une partie de moi était spectatrice de l’autre. Une main glisse sur ma peau, dessine des arabesques ou pétrit, pendant que l’autre tourne et tourne autour de l’interrupteur ou disparaît parfois. Chaque mouvement ajoute son étincelle à la boule que façonne Dame la foudre, ma respiration s’accélère, s’impatiente.
Je baigne dans le rouge d’une clarté qui arrête le véhicule, l’aviateur se saisit de son manche un instant, il se retient pourtant de décoller, peut-être stoppé dans l’instant du vert luisant désormais. Le véhicule s’ébranle, je brûle de sentir la foudre me traverser comme en témoigne mes gémissements qui font rugir le moteur d’une impatience qui ne pourra bientôt plus être retenue.
La pénombre, enfin, le silence, seulement entrecoupé des mouvements du capitaine qui vient me baigner de sa chaleur et de mots si tendres qu’ils feraient fuir une bergère, mais inonde le pont du navire baptisé « Sail Hope ». Le timonier a enfilé son ciré pour pénétrer dans la cabine battue aux quatre vents. Il barre avec autant dextérité que de frénésie alors que le port, longtemps désespérément lointain est là. La foudre s’abat sur le navire qui chavire et laisse fuir sa cargaison à gros bouillons.
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