43 – MLENE FARMER : Fuck Them All
Un instant se passe, la mer se calme, suffisamment pour que je puisse récupérer l’imperméable. Un homme m’a rendue heureuse d’être une femme, c’est le sentiment qui est le mien, que je dois conserver malgré les regrets que je sens poindre à la façon dont la forme face à moi se meut. Ça ne rate pas : « quarante ans de mariage et c’est la première fois que je trompe ma femme ». Je ne tiens pas à subir ses remords, ni à en avoir, je récupère mon sac, lui colle les quatre billets sur la poitrine et m’enfuit dans la nuit, une nouvelle fois, vers d’autres aventures.
J’ai le sentiment d’être plus légère, c’est beaucoup de ce qui me pesait dans le véhicule que je laisse derrière moi, il ne me reste que la preuve cette nuit, une barre qui traverse mon téton gauche. Il n’y a plus que ça qui maintient la flammèche contenant la fatigue qui tente de m’écraser. Que dois-je faire, me l’approprier, l’ôter, la remplacer ? Même si on dit qu’il ne faut jamais remettre au lendemain de que l’on peut le jour même, je ne suis plus en état, puis de toute façon, à 5h58, elle ne fait que commencer, la journée !
Lorsque j’arrive à proximité de mon entrée souterraine, je procède à chaque de la même façon, à proximité des quelques marches je reste quelques secondes à écouter, à scruter la nuit. Chacun d’entre nous prend des habitudes, dans la mesure où je rentre souvent aux mêmes horaires, tout est souvent à la même place. Alors je mets sur le compte du temps passé les sons qui diffèrent, tout comme cette citadine noire que je n’ai jamais vu. Tant pis, je passe outre cette inquiétude qui me fait déglutir, cette appréhension que ni l’ouïe ni la vue ne traduisent en une réalité.
Bien que ce soit fugace, je descends rapidement les escaliers, ma clé en main, pour faire immédiatement jouer la serrure à la clarté de mon portable. La porte est immédiatement close, c’est mon blockhaus, l’endroit où plus personne ne peut m’atteindre. Je reste sur le qui-vive, rien, je me sens en sécurité, ce qui ne m’empêche pas de vérifier chaque check-point, chacun consumant les toutes dernières gouttes d’huile d’une lampe dont il ne sortira aucun Génie.
Je repousse la porte de mon chez-moi, me traîne jusqu’à la salle de bain puis laisse le peu que je porte à même le sol pour user mes dernières forces à désinfecter cette chose que je hais. Je demanderai conseil à Dive, elle saura quoi faire. C’est ma toute dernière pensée alors que je m’endors affublée de mon soutien-gorge blindé afin d’éviter tout frottement.
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