44 – PINK FLOYD : Money

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Un réveil difficile, on le serait à moins avec quatre heures de sommeil, seulement j’ai un rendez-vous entre 12 à 17 dans le plus bel hôtel-restaurant de la ville. J’y suis allée hier pour récupérer un sac qui contenait les vêtements que le John souhaite que je porte aujourd’hui. C’est surprenant de se trouver dans un endroit où on ne se sent pas à sa place juste parce qu’on ne se sent pas assez bien pour fréquenter ce genre d’endroit. C’est aussi ce qui vous est renvoyé lorsqu’un regard se pose sur vous.

Certes, je ne m’y suis pas rendue en jean-baskets, cependant, même en tailleur, je voyais bien que j’avais l’air d’un souillon en comparaison du luxe affiché tant par l’endroit que par ceux qui y respiraient sans compter. Je me suis demandée si tous les matins, il y avait dans chacune des suites un Blaze manipulant des pièces pour lever son Don Salustre tout en lui disant : « c’est l’or, il est l’or, l’or de se réveiller, Monseignor, il est huit or… »

Bon, c’est seulement pour me détendre que j’essaye de penser à ce genre de situation, mais je n’en mène pas large lorsque je demande à récupérer ce qui a été déposé à mon nom. Ce n’est pas Floriane Eloi, mais Eiffel qui est le sésame, non sans que je passe sous les fourches caudines du regard physionomiste à vision laser de la réceptionniste au chignon irréprochable.

C’est ainsi que je me suis retrouvée avec trois sacs blancs fermés chacun par un nœud de soie. Un peu comme le menu sans prix destiné aux dames, ils ne portent aucun logo, et l’un d’eux me laisse peu de doute quant à la paire de chaussures qu’il est susceptible de contenir, pour les deux autres, le mystère est encore entier. Je ne vais pas tarder à le découvrir alors que le savon légèrement parfumé à la fleur d’oranger décape la veille.

La personne que je vais rencontrer se nomme Eric-Alexis. Son message était plutôt laconique en ce sens qu’il a besoin d’une présence féminine pour l’accompagner lors d’un déjeuner. Il n’a pas donné d’autre précision que les vêtements, en contrepartie de mes mensurations bien évidemment, qui seraient fournis et que je pourrais garder. Avec un message aussi fermé, j’ai hésité à lui demander s’il avait des attentes particulières, la réponse a tenu en trois lettres : « non ».

De là, une question s’est naturellement posée, pourquoi moi ? Je ne fais pas partie du gratin de l’escorting auquel il semble avoir les moyens d’accéder. Non pas que je me dévalorise, mais je gravite plutôt au fond du panier d’un côté et dans le local de l’autre. Je suis bien loin de faire partie de ces filles qui voyagent pour satisfaire les viles aspirations des cuillères en or, en argent ou en platine de ce monde. Tout ce que je souhaite, c’est que ce ne soit pas encore une recommandation d’Antoine, voire de Carroll.

Ces pensées me font froids dans le dos. Je n’ai cependant pas le temps de m’y attarder alors que je commence à déballer ma tenue surprise du jour, mais on en est même plus à ce niveau, inattendue serait le terme plus en rapport. Il y a d’abord un trench noir façon redingote doublé qui semble aussi chaud qu’il est ajusté au niveau de la taille avec de chaque côté un laçage de style corset. Je trouve ensuite un tailleur avec une jupe crayon noire classique qui doit m’arriver aux genoux avec une ceinture dans les tons carmin. La veste genre blazer dispose d’un seul bouton, certainement au niveau de la taille. Les poches de côté, cousues, sont largement galonnées du même rouge, finement quant aux revers qui s’amenuisent jusqu’au bouton. Un body en tulle avec col et manches en dentelle, toujours du même écarlate, accompagne le tout.

La lingerie pourrait être considérée comme basique, mais on voit bien qu’elle est aussi de belle facture. Les coques couleur charbon préformées tiennent au centre via un prolongement des armatures avec une perle noire au centre pour ne pas blesser certainement. Avec une double bretelle, des renforts sur les côtés et un quadruple agrafage, il est prévu pour maintenir du lourd. Le string est lui plus que minimaliste, un micro triangle ne couvre que l’entrejambe, le reste n’est qu’une ficelle aussi mince qu’un spaghetti.

Il reste un serre-taille avec six jarretelles, deux paires de bas transparents avec une couture carmin et une paire de mary-janes vernies noires avec une semelle rouge, talons carrés et deux brides sur le coup de pied. Je respire, pas de chaussures vertigineuses. Pas le temps de m’extasier, un taxi passe me prendre à 11h45 précise.

Dire que tout me va comme un gant serait un lapsus, c’est même mieux que ça. Le soutien-gorge emboîte et supporte parfaitement, le grand confort, un peu de temps avec le petit corset afin que les bas soient tendus ce qu’il faut, heureusement que j’ai de l’expérience. Une fois terminé, j’ai le sentiment d’avoir gravie les échelons vers la haute société, la grande classe, c’est tout ce que je trouve à dire.

Une seule chose ne l’a pas, ma tête ! Le visage ne me prendra que peu de temps avec les bons tons de carmin sur les lèvres, j’ose aussi les cils et les paupières, séparés par un long trait d’eyeliner le tout surmonté d’un léger smoky gris souris. Avec la base, le fond de teint et les pommettes associées, tout va bien, sauf, mes cheveux dont la couleur jure. Alors pas d’autre choix que d’ouvrir la malle à perruques. Après un rapide préparatif je choisi la couleur corbeau avec son carré noir long dégradé et sa grande frange qui chatouille.

Mes talons résonnent sur les marches et dans le couloir, j’avance rapidement, 11h44 sur l’écran de mon téléphone, on me tient la porte alors que je monte dans un carrosse, lui aussi aux couleurs de la nuit. La portière se referme, serais-je à la hauteur ?

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