51 – PAUL VERLAINE : Chanson d’Automne
De l’eau, la mienne, du gel-douche, la senteur que j’ai choisie, idem pour le shampoing, la chaleur, celle de mon chez-moi, je me réapproprie ma personne, seulement moi et rien que moi, là, maintenant. Je dois m’appartenir, ne plus oublier qui je suis sous peine de me trahir en devenant mon propre agresseur. C’est ce que je me dis, le front appuyé contre la faïence, l’eau dégouline sur mon corps, comme sur mon visage, emportant une fois encore mes larmes. Mars arrive, c’est bien moi qui suis là, ça fera bientôt neuf mois depuis que… le temps d’une naissance, la mienne.
Parfois, lorsque je suis dans cet état, les mots s’assemblent, pas toujours très justes, comme chaque pièce d’un puzzle qui cherche à s’emboîter afin de former l’image. Parfois c’est un titre, puis vient une phrase, et ça rime, ensuite, ça prend forme, parfois hésitante, mais jusqu’à présent, souvent inachevé, flou. Alors le papier, une fois froissé, termine au fond de la poubelle, aussi, pourquoi aujourd’hui ?
Lettre à un John
Tu me connais sous le pseudo d’Eiffel,
Celle qui comble tes besoins sexuels,
Mais je pourrais être Lucile ou Barbara,
Candy ou Cindy, Maria ou Natasha.
Tu vois en moi une fille très chaude,
Sexuellement extravertie et accomplie,
Répondant à tes besoins avec méthode,
A tes fantasmes secrets inaccomplis.
Tu me désires pleinement ouverte,
Sans cesse repoussant la découverte,
Pour encore et toujours m’animer,
Naïf, tu me vois prendre mon pied.
Pour toi, je suis la maîtresse,
La fille de joie ou la déesse,
La travailleuse du sexe, l’escorte,
La pute debout devant une porte.
A cette relation tu ne vois aucun mal,
Comme à cette intimité commerciale,
Tu payes afin d’assouvir tes pulsions,
Et te déculpabiliser de cette passion.
Sais-tu comment s’est ouvert le sillon,
Celui qui m’a mené à la prostitution ?
Pourquoi te poserais-tu cette question,
Quand tes euros sont autant de baillons.
Ce que tu ressens comme de l’amour,
C’est l’excitation qui enfin te parcoure,
Dans notre relation je suis vengeance
En te faisant payer cher tes exigences.
Ne vois-tu pas la femme derrière la putain,
N’ai-je pas droit à une vie autre que catin,
Ne suis-je rien qu’un passager clandestin,
Dans ta vie bien rangée de petit puritain.
Tu ne verras jamais celle que je suis, moi,
Pas celle qui écarte les jambes pour toi,
Pas celle qui devant toi mime fort l’émoi,
Seulement celle qui est libre de ses choix.
On dit qu’il ne faut jamais remettre au lendemain ce qu’on peut faire le jour même… Je ne suis pas aller voir Isa, seulement minuit est trépassé, demain est donc aujourd’hui…
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