55 – GERARD LENORMAN : Comme une Chanson Bizarre

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Comme souvent maintenant, j’écoute la radio en marchant. C’est une chanson qui me donne une idée pour mon rendez-vous avec Carroll, « Barbie Girl » d’Aqua. J’ai déjà un catsuit rose pâle que j’ai acheté, juste parce que je trouvais la couleur sympa, maintenant il me faudrait une paire de chaussure, une jupe, un haut et un sac fuchsia, avec ma perruque blonde, ça pourrait être marrant !

Comme à chaque fois que j’arrive à mon chemin de traverse, je prends quelques secondes afin d’écouter, de scruter la nuit, rien, sauf une légère appréhension. « Enfin chez moi », c’est ce que je me dis à chaque fois que je referme la lourde porte. Mon idée me semble bonne, et je devrais pourvoir jongler entre mes rendez-vous afin de rendre visite à Claudine.

* * *

Depuis quelques temps maintenant, je me suis inscrite sur un « vrai » site d’escorte, c’est notamment ce qui m’a permis de rencontrer Gilbert. Je ferais certainement une excellente secrétaire, à la façon dont j’arrive à jongler entre mes différentes rencontres ! J’exagère, tout se fait assez facilement, se prévoit, puis après-tout, je suis libre, ou pas, je choisis, ou pas… à la différence du boulevard.

Le choix, quel grand mot, l’a-t-on vraiment, est-ce qu’on nous le donne ? Avec quelques mois seulement de recul, j’ai refusé beaucoup de propositions. Bien évidemment, toutes celles où il est susceptible que je puisse être entravée. Il y a eu celle d’un groupe de dix-huit hommes, celle d’un couple qui s’exhibe sur internet, un autre pour aller dans un club libertin.

Ce sont celles qui peuvent être écrites, d’autres sont par contre très glauques, pour certaines, je me demande si des filles les acceptent tant… si on en revient vivante, ce qu’elles peuvent laisser comme marques indélébiles. Il y en a une que je ne sais pas vraiment comment classer, celle d’un couple qui me proposait une forte somme afin de porter leur enfant.

Je reconnais que si certaines de ses demandes étaient arrivées au moment où je me trouvais au plus bas, j’en aurais certainement accepté certaines. Il y a cependant toujours des nouveautés comme ce rendez-vous aujourd’hui dans les locaux d’une entreprise, un trader si j’ai bien compris, ça se déroulera dans son bureau.

Autant le dire toute de suite, c’est assez particulier de se trouver avec quelqu’un qui semble plus jouir de l’argent qu’il brasse que de ce qui se passe entre ses jambes, enfin, pour autant que les deux se rejoignent au même moment. L’étonnement m’accompagne souvent ! Je sais pour lui, ou les autres, je ne suis qu’un objet dont l’importance et moindre que tout ce qui se trouve dans son bureau. Enfin presque, vu qu’il m’a congédié en me disant « t’es bonne, la semaine prochaine, même jour même heure ».

Il n’est même pas 12h15 quand je repars, et comme fait exprès, j’ai un autre client, un peu particuliers, que j’ai hésité à accepter, en ce sens qu’il souhaite réaliser des fantasmes. Je n’écris pas « ses » parce que certes, il y a les siens, mais aussi ceux des autres. Rien de sordide, j’ai donc finalement accepté.

A ce que j’ai compris, il raconte ensuite son expérience sur un site de partage. Je n’y ai jamais lu d’histoire, ça ne me dit rien, mais qui sait, un soir d’ennui… Nous avons déjà fait la machine à laver en mode essorage, l’ascenseur, et à 13h30 ce sera dans un parking souterrain, dans sa voiture et autour si c’est possible. Finalement, un peu des deux, comme lors de mes nuits sur le boulevard, c’est ce qui s’est passé. La prochaine fois, il envisage dans un parc, enfin, on verra…

Hier, j’ai un message d’une journaliste qui souhaite faire un papier sur les différents aspects de la prostitution. Son reportage semble bien construit tant au niveau des questions que des orientations. Je me demande ce que je pourrais bien lui apporter, cependant, je sens comme une envie en moi, celle de vider mon sac, de me faire du bien d’une certaine façon.

Il est un peu plus de 14h30, je monte dans le tram direction le magasin de Claudine.

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