62 – CHRIS REA : The Road to Hell

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Je sais que j’ai pris deux minutes pour opérer un léger ravalement de façade façon trompe-couillon, mais le « Ah quand même » est bien significatif. C’est au moment où il me tend une espèce de bol qui doit être un casque, que je prends conscience qu’il n’y a plus rien ni personne d’autre. Le truc a disparu, « c’est aussi rapide que ça » me dis-je alors que mon regard oscille de gauche à droit ! « T’inquiètes » me dit l’autre « y a plus d’trace » tout en me désignant la place derrière lui.

Heureusement qu’il n’y a pas loin, sinon mon visage, mes oreilles et mes mains auraient terminés congelés ! Je connais le trajet pour l’avoir fait de nombreuses fois en jogging, mais c’est la première fois que je rentre dans la propriété. Des lampes s’éclairent à notre passage jusqu’au perron. Lorsque la moto s’arrête, je ne peux pas m’empêcher de jeter un regard circulaire.

Tout semble entretenu, préjugé qu’avec un gang de biker, tout devrait être pourri et à l’abandon, mais c’est vrai, le gang pourvoit à la splendeur du lieu… « Eh la souris, bouges un peu ton cul d’pute ». Ce n’est pas la politesse qui l’étouffe lui, aussi aimable qu’une porte de prison. Sous la lumière, je peux enfin voir son visage, de faux airs de Peter Fonda, c’est Thierry B., le porte-flingue de la bande, dit Pim’s. Il faut croire que la galerie de portrait commence à me revenir.

Comme l’extérieur, l’intérieur est rutilant, une véritable maison bourgeoise pour laquelle on s’attend à des résidents en rapport. J’ai plus le sentiment d’être chez Le Parrain, ou sous les ors de la République, plutôt que tout ce à quoi j’aurais pu réellement m’attendre. Peut-être est-ce à cause de l’heure tardive, mais la maisonnée est plutôt silencieuse, aucun son, que ce soit de beuverie ou d’agape.

La sensation se poursuit lorsque je rentre dans ce qui doit être le bureau de président. Il est présent, ainsi que deux autres personnes, son vice-président et son secrétaire, dans l’ordre :

- Daniel E. dit Dany alias le Préz,

- Alexandre R. dit Alex alias le Chauve,

- Gabriel K. dit Gab alias Uzy

- et donc Thierry B. dit Terry alias Pim’s

Ils font silence lorsque nous rentrons. J’avoue que je n’en mène pas large, aussi, c’est peut-être pour cela que mon cerveau m’envoie une information décalée, sur les alias. Pour le premier, ça coule de source, pour le deuxième aussi, vu qu’il n’a pas un poil sur le caillou, pour le troisième, parce qu’il ne jure que par le pistolet Uzy 9mm, quant au dernier, il mange tellement de biscuit du même nom qu’il s’est retrouvé affublé de ce sobriquet.

Je les regarde, chacun à leur tour, pensant au ridicule de leur diminutif, ça me détend, j’essaye de ne pas rire pendant qu’eux aussi m’observent. C’est le Président qui prend la parole « alors c’est toi qui as envoyé le p’tit Mike ad patres ? » C’est vrai qu’en comparaison de mes interlocuteurs, je ressemble à un bâton de sucette taillé à coup de tronçonneuse, je leur répondrais bien « j’ai glissé Chef », mais pas certains que ça passe !

Finalement, je réponds « il a dû louper une marche quand je l’ai repoussé », cependant, il n’insiste pas, ce qui m’étonne. Il conclut par un « ouais, on va dire ça » encore plus sceptique que la fosse du même nom, puis ajoute « de toute façon on n’avait que des problèmes avec lui, alors bon débarras. » « Comme un service en vaut un autre, ne te défile pas lorsque nous aurons besoin de toi ! » Merci pour la menace à peine voilée.

« Terry, tu la raccompagnes ». Celui-ci ne se fait pas prier pour me tirer par le bras et m’emmener vers la sortir. Alors que je cours presque pour le suivre, je ne pense que je suis dans la mouise avec une dette sur le dos à leur endroit, mais aussi, après ce bref échange, le sentiment de me trouver chez des mafieux plus que chez des bikers. Ou bien alors, un peu comme les gens du voyage qui troquent leur caravane contre une maison, ce sont des motards sédentarisés qui ont viré gros bourges avec leurs tenues de ville.

Une fois encore, je n’ai que des questions qui demeurent sans réponse, parce d’abord, avant de m’inquiéter, ça veut dire quoi une dette, que doit-on faire pour la rembourser ? Ma tête bout tellement que je n’ai même pas fait attention au trajet, ni ressentit la morsure du froid. Le moteur crache sa dernière note, je descends, Pim’s en fait de même.

Je lève la tête pour le remercier de m’avoir raccompagnée, tout ce qu’il me répond, c’est : « dit la pute faudrait voir à remercier mieux que ça » en se prenant le paquet de la main droite, comme si je n’avais pas compris. Enfin, c’est nettement plus artistique et rythmé lorsque c’est Mickaël Jackson qui le fait, mais on ne se pose pas de question sur lequel est le plus « Bad » des deux…

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