66 – LILY ALLEN : Fuck You

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Avec l’arrivée d’avril et le changement d’heure, le boulevard commence maintenant à 22 heures, ça paraît peu de chose, mais une heure dans mon planning, ce n’est pas rien, j’y trouve plus de temps pour passer de l’escorte à la prostituée de rue. Cette vie est désormais ancrée en moi, quand bien même je vois le compteur approcher bientôt d’une année.

C’est donc pile à cette période que Monsieur Le Chiffre, autrement dit Carroll, est venu me chercher. Toujours aussi aimable, Hellboy m’a emmené dans le même bar que la dernière fois avec pour seuls mots : « montes, j’ai un travail à terminer » ! Comment étais-je habillé ce soir-là, c’est à croire qu’il l’avait fait exprès, en cliché de pute…

Porte-jarretelles noir, bas opaques rouges, jupe pvc noire façon patineuse, un haut rouge à manches longues et col roulé qui avait cette particularité d’être un deux en un, le haut façon top me permettant de pouvoir mettre mes seins à l’air. Pour un peu de confort, je portais des chaussures à talons compensés noires avec une bride à la cheville. Avec mes cheveux crêpés et un maquillage appuyé, j’étais la putasserie incarnée.

Je me suis retrouvée dans une soirée « faites-vous faire des trous » à attendre mon tour avec une paire d’anneaux d’environ deux centimètres de diamètre couleur anthracite munis d’une perle aux couleurs du gang, youpi ! Je pensais que Carroll prendrait son pied à me faire mal, que nenni, et en plus c’est moi qui ait payé.

S’il y a quelque chose que je n’apprécie pas, c’est d’être regardée comme un animal de foire, même si je peux en avoir l’air dans la tenue qui est la mienne. Peut-on s’imaginer ce qui peut se passer dans la tête de la personne ainsi dévisagée ? Alors quand un couple gay s’est mis à me dévisager, sachant que je n’avais pas de bouton sur le nez, j’ai fini pas leur dire : « c’est soixante et ton pote peut mater… »

Passablement énervée, encore une fois, j’ai fichu le camp avec la sensation que l’autre s’en lavait les mains royalement, lui qui semblait pourtant y tenir ? Lien de cause à effet, qui je vois en sortant, Pim’s qui m’attend de l’autre côté de la rue, dans le genre traquenard, on fait pas mieux ! J’essaye de regarder à gauche et à droite, mais c’est bien moi qu’il fixe, vdm…

« Putain poupée, t’as dû faire sensation dans ce repaire d’tafioles, mais c’est pas là qu’tu vas t’faire d’la tune ». Son rire est tellement gras que je suis certaine qu’il n’aurait pas eu besoin de matière grasse pour cuisiner. « Allez grimpes, le boss veut t’causer ». Ben voilà, il ne manquait plus que ça à cette soirée de m… connaître le montant de l’addition pour servir rendu !

Même s’il fait meilleur, la moto en jupe… je me les caille, puis heureusement que mon haut est en une matière plutôt douce parce qu’avec ce nouveau piercing, ça chatouille du côté droit, encore des soins, pfffff. Heureusement que la route n’est pas trop longue, ça m’évite de me perdre en mille et une conjectures sur ce qui va m’être demandé.

Le trajet est le même que la fois précédente avant de me retrouver dans le bureau du président. Cette fois, il est seul. Contrariée par cette soirée, je suis bien moins intimidée lorsqu’il me demande comment il doit me nommer, Floriane ou Eiffel ? Je lui réponds « plutôt Valériane » du tac au tac, ce qui lui a fait lever un œil interrogateur. Aussi, pour répondre à sa question muette : « un client m’a affublé de ce prénom, il m’a plu, je l’ai gardé ! »

Comme la fois précédente l’échange est des plus court :

« Tu accompagneras Dany en Belgique, on doit un service à une connaissance, c’est toi qui payeras pour nous avec ton cul, un service en vaut un autre, non ? »

« Et ça consistera en quoi exactement, » il faut que je demande car je sens le traquenard à plein nez.

« Ça tu verras, tu feras ce qu’on te demande c’est tout, et gare à toi car c’est notre réputation qui est en jeu, on a promis une fille obéissante, aussi tu as intérêt à l’être si tu veux continuer à bosser ici ! »

Ce qu’il a ajouté ensuite m’a autant désarçonné que prise de court :

« Et puis pour ce que j’en sais on peut te faire à peu près n’importe quoi, sauf t’attacher et de bander les yeux, et tu y prends du plaisir en plus, donc dis-toi que ce sera de nouvelles expériences dans ta vie de pute ! » et il s’est mis à rire…

Comme il semble savoir à quelle sauce je vais être mangée, alors je demande, et pour toute réponse :

« C’est Tonton Alphonse qui te chaperonnera, c’est tout ce que tu as à savoir, départ le 25 juin et retour le 27 août au plus tard, ou avant si tu travailles bien ! » et il me congédie d’un revers de main.

J’ai le sentiment qu’on n’envoie au casse-pipe. Est-ce pour cela que Pim’s, ce soir-là, m’emmène chez lui pour la première foi ? J’ai le sentiment de lire de la pitié dans son regard, ce qui est pour le moins inhabituel, et renforce d’autant mon inquiétude.

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