72 – PJ HARVEY : The Whores Hustle and the Huslers Whore
Tonton Alphonse fouille dans un des tiroirs de son bureau de style empire. Il ne semble pas trouver ce qu’il cherche, poursuit dans un autre d’où il sort une espèce d’appareil avec lequel il se dirige vers moi. Il saisit ma main, fait un aller-retour avec le dispositif, ce qui pour effet de déverrouiller le bracelet du club.
« Ici tu n’en auras pas besoin » me dit-il, puis d’ajouter « ici, les pensionnaires n’ont pas de nom mais un numéro. » alors que je t’entends chercher quelque chose dans un meuble derrière moi. « Pour toi, ce sera ne numéro treize, personne n’en veut, tout comme je ne voulais pas de toi » ce qui a le mérite d’être clair. Il me montre alors une sorte de torque cuivré sur lequel est annelé une médaille du même coloris, genre « canine », portant l’inscription « XIII » qu’il referme à l’arrière avec un petit cadenas que je n’avais pas vu dans sa main.
Cette chose me gêne, mais il va bien falloir que je vive avec. Le cadenas n’arrange rien, je le touche, dégoûtée, je croyais l’esclavage révolu, il faut croire que non. Cependant je ne proteste pas pour ne pas envenimer ma situation d’indésirable, c’est alors qu’il commence son discours :
« Ce que tu viens rembourser n’est pas bien élevé, cependant, tu devras payer ton hébergement, tes repas, la location de ton shift et celle de la chambre que je mets à ta disposition. Comme le symbolise ce collier, tu m’appartiens pendant deux mois, ce qui sera plus qu’assez pour aussi faire des bénéfices et compenser le dérangement. Plus que les autres ici, tu es un numéro et seulement ça, et moins encore que les autres à mes yeux. Daniel m’a dit que tu ne voulais pas être attachée ni avoir les yeux bandés, je vais être clair, je m’en fiche royalement, tu feras ce qu’on te demande et c’est tout. Pour être totalement limpide, tu refuses d’être attachée, tu seras punie. Tu refuses qu’on te bande les yeux, tu seras punie. Tu refuses une relation, une pratique, ce que je te demande ou quoique ce soit, tu seras punie. »
Il est essoufflé, mais je vois qu’il n’en a pas terminé :
« Ici tu es dans la partie haut de gamme, tu as dû voir les vitrines. Dans un bâtiment voisin il y a un bordel plus classique, et l’une de nos punitions. Il y a aussi des parts de trottoir dans un autre quartier et d’autres endroits que tu ne voudrais pas connaître, sauf si tu m’y forces. Ma femme, qui s’occupe de cet établissement va venir te chercher. »
Finalement il ajoute :
« Je vais me servir de toi comme bouche-trou, tu iras où on a besoin de toi, et ce ne sera pas forcément les meilleurs endroits. Pour commencer, ce soir de 19 heures à 7 heures tu iras dans les bas-quartiers, j’ai une place inoccupée. Tu connais déjà le trottoir, sauf que là, c’est nettement en dessous question standing, mais il faut contenter les besoins de tout le monde. Les tarifs, c’est 10 la pipe, 20 l’amour, 30 par derrière. Henry, notre chauffeur-garde du corps t’emmènera, il en profitera pour faire ton film promotionnel pendant tes passes. Il veillera aussi sur toi un moment, le temps que, malgré le collier, tous sachent que tu es à moi. Comme tu seras certainement la seule pute blanche du quartier, tu vas attirer les foules » et il se met à rire.
Je veux protester pour le film, les images, mais j’ai à peine ouvert la bouche qu’il me fait taire, me rappelant que j’ai seulement le droit de la fermer ou de dire oui. Le point à sa phrase est placé par la personne qui frappe à la porte. C’est Maud, son épouse, qui vient me chercher pour me montrer mon logement, mais aussi m’expliquer ce que je vais faire, avec les habitudes de la maison.
J’ai avec moi une mère maquerelle comme on se l’imagine, plutôt en chair avec une tenue fluide pleine de fleurs inconnues, blondes avec un chignon, dans la soixantaine, comme Alphonse. Elle me montre la salle de repos, le réfectoire où il y a toujours quelque chose à manger, le dressing avec des portants remplis de tenues diverses et variées et des étagères de chaussures. Nous passons le second où les filles reçoivent les clients, le troisième où avec l’appartement privé pour rejoindre le quatrième et ce qui a dû être une chambre de bonne.
Au moins, c’est propre, un lit une place avec une armoire et un chevet, avec un coin lavabo-douche-toilettes et une fenêtre. Elle prend la seule chaise, le lit est pour moi. Elle m’explique que ce soir je remplace Mokhtaria qui est malade, que les passes se font dans des recoins ou des ruelles car les clients sont le plus souvent à pied. Elle me recommande de faire attention, le quartier étant essentiellement habiter par des immigrés, une fille blanche risque de faire sensation.
Pour les vitrines, c’est assez classique, tu essayes d’attirer le chaland. Quand tu as en un, tu tires ton rideau pour qu’il fasse son affaire, elle me dira le reste quand j’irais. Pour la maison close, les clients payent un droit d’entrée, quand ils ont trouvé la fille de leur choix, ils vont à un guichet payer la prestation dont la maison conserve quarante pourcents. Il y a aussi toutes les prestations extérieures pour lesquelles nous fournissons des filles. « Pour le reste tu le découvriras si tu n’es pas sage » conclut-elle.
Elle me demande si j’ai des questions, la seule qui me vient, c’est la mot « shift ». Elle me répond que ce sont les rotations, les changements. Chaque fille travaille douze heures, le shift se fait à 7 heures ou à 19 heures, c’est la même règle pour toutes à Anvers, sauf pour toi. Comme tu es une remplaçante, on te fera peut-être travailler non-stop.
Je n’arrive plus rien à dire, me demandant dans vers quoi on m’a envoyé, j’ai peur de cet inconnu dans lequel on vient de me jeter comme quantité négligeable. Je ne suis plus mon propre patron, mais une employée corvéable à merci dont le seul droit est de dire « oui monsieur ». C’est comme un robot que je suis « madame » puisque c’est comme cela qu’il faut lui parler.
De retour à premier, elle me montre mon casier avec en premier, mon sac contenant le traditionnel matériel, mais aussi ma carte de prostituée, celle que je dois montrer à chaque contrôle afin de prouver que je suis bien déclarée. Je regarde le bout de plastique avec curiosité, elle est au nom de Valériane, mais ce qui me choque, c’est la photo, celle de ma carte d’identité ?
Quand elle ajoute que toutes mes informations personnelles comme mon identité, sont contenues dans la puce qui peut être lue par un terminal que possède les policiers, je lui demande, un peu brutalement comment ils ont eu cette photo, comment ils ont eu accès à mes informations personnelles.
Surprise, elle me répond très simplement via les sites d’escorting où je suis inscrite qui appartiennent aux bikers et dont ils assurent la gestion. Elle ne termine cependant pas sa phrase, se rendant certainement compte qu’elle vient de gaffer pendant je suis dans l’expectative la plus totale. Je n’arrive pas pour le moment à en saisir les implications, sauf à toucher du doigt quelque chose qui se résume en une seule phrase, « c’est comme ça qu’ils savaient ! »
Certainement afin de noyer le poisson, elle me dit que c’est elle qui choisira chacune de mes tenues. Pour ce soir, ce sera une mini en jean avec un tee-shirt moulant jaune plutôt court, et après s’être enquise de ma pointure, elle choisit une paire de talons aiguille couleur citron qui semble avec déjà été bien portée. Elle me chasse en me disant d’aller manger et d’être prête à 18h30, sans oublier de me remplir le ventre et de prendre une bouteille d’eau.
Elle part en me poussant vers le réfectoire, concluant sur un « et pense à ton lavement, je ne veux pas de plainte à ce sujet, tu as tout ce qu’il faut dans ta chambre. »
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