74 – RAMONES : 53rd & 3rd
(un étoile de début et de fin délimitera les passages difficiles voir très durs)
Que dire sur le quartier où nous arrivons ? Il doit être près de la mer, ça sent l’iode et le poisson, l’huile friture et l’urine, la crasse et l’humidité. Un élu faisant dans le politiquement correct dirait que c’est un quartier populaire, mais autant dire ce qui est, c’est un ghetto. La plupart des personnes qui vaquent sont certainement originaires d’Afrique sub-saharien, presque tous des hommes sauf quelques rares femmes entièrement voilées. Les autres sont en tenues légères, accrochées à leur réverbère, toutes sont africaines ou mâtes de peau.
Je me demande où se trouve mon candélabre, je ne tarde pas à avoir la réponse lorsque la voiture stoppe devant l’un d’eux. Je regarde autour de moi, tous les murs sont tagués ou recouverts d’affiches déchirées. Les trottoirs ont dû avoir une couleur plus claire que le sombre qu’ils revêtent, certainement un jour, je ne devais pas encore être née. Tout est sale, les immondices se déplacent au gré du vent, ils sont libres eux moins.
C’est la pensée qui est le mienne au moment où Henry me présente Ismaïl. Tout aussi impressionnant que lui, il est cependant nettement plus enrobé. Il porte un pantalon noir avec un polo rouge et un genre chaussures similaires à celles des forces de l’ordre. Quand il me salue, il n’a qu’un fond d’accent africain, certainement un natif. Immédiatement, il m’emmène dans le passage perpendiculaire au réverbère.
*
Le passage, puisque s’en est un, doit mener quelque part, mais au bout de quatre mètres, peut-être un peu plus, une énorme grille, infranchissable par sa hauteur, en fait une impasse. Il y fait suffisamment jour pour constater que l’endroit est à l’image du reste, répugnant, puant à la limite du soutenable. Les personnes y viennent se soulager, dans tous les sens du terme. L’étroitesse, je touche les murs en étendant mes bras, la hauteur des murs, donnent le sentiment d’un cachot à ciel ouvert.
Ismaïl me montre un empilage de cartons coincés derrière les restes d’une descente de chenaux, « prends en quelques uns, ce sera ton matelas pour cette nuit, trouves une face propre ». Je fais ce qu’on me demande, je trouve un côté pas encore utilisé ni souillé, je mets les autres dessous. Je me rends bien compte que je suis au niveau le plus bas dans une échelle de la prostitution.
Je dois avoir un air dégoûté, mais il ajoute : « ici, c’est du luxe, il y a bien pire, maintenant à poil, on a du travail. Elle semble à point » dit-il à son compère. Celui-ci répond en hochant de la tête, pendant que leurs quatre yeux me regardent ôter ce qui ne cache pas grand-chose. Je devrais me rebeller, crier ou je ne sais quoi, mais je me sens démunie de toute velléité. Tout ce que je peux faire, c’est obéir.
Je ne sais pas comment les deux géants arrivent à se mouvoir dans un espace aussi contraint, mais en fait, je me fiche totalement de la réponse. Henry a sorti un numérique, me demande de prendre des poses. Certaines sont humiliantes comme de me positionner au dessus d’un étron qui ne doit pas être très vieux, comme s’il était de mon fait. Ensuite, j’approche mon visage et sors ma langue comme si j’allais le lécher. Une autre où je me tiens les lèvres bien écartées au dessus du goulot d’une bouteille putride, prête à m’empaler.
Je suis consciente de ce qui se déroule, de ce qu’on me demande, mais rien n’est important que ce qu’on m’ordonne, au point que j’aurais pu lécher ou jouer au bouchon. Je suis photographiée avec une bite noire dans la bouche, au fond de la gorge, je regarde l’objectif quand on me le demande, je souris quand on me le demande. Ensuite, dans diverses positions, Ismaïl prend la pose dans ma chatte et dans mon cul.
Il faut ensuite tout reprendre depuis le début, mais en filmant, jusqu’à l’éjaculation sur ma poitrine sous les applaudissements du public qui se presse et se dispute à regarder. Je n’y avais pas prêté attention, peu importe. Pendant que je me nettoie, je vois Henry disposer des boîtiers à différents endroits à environ un mètre du sol ainsi que ce qui ressemble à des petites lampes, puis téléphoner à quelqu’un. Je ne suis pas capable de réaliser ce que c’est, comme pour le reste, il y a les questions et l’inutilité des réponses.
Pendant ce temps, son comparse dit encore une fois que je suis bien mûre, il me demande boire une gorgée d’eau, précisant que je devrais le faire chaque fois qu’il me le demandera. Ensuite, il m’explique comment ça va fonctionner : « je filtre les entrées et j’encaisse. Je t’annonce pipe, chatte ou cul, tu réponds « oui monsieur », le client te fait ton affaire, tu dis « fini monsieur » et on passe au suivant. Tu dois les vider au plus vite pour faire un bon chiffre et contenter Monsieur Alphonse. Tu as compris ? »
Que puis-je lui répondre d’autre que « oui monsieur ». Henry s’en va en disant qu’il viendra pour mon shift. Ismaïl annonce « pipe », je lui dis ce qu’il a demandé.
*
Annotations
Versions