76 – BRITNEY SPEARS - I'm a Slave 4 U

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Il n’y a plus de missionnaire ou de dos contre la grille, sauf une fois où deux, un qui avait dû payer plus pour avoir son moment à lui tout seul avec la pute blanche. J’ai donc presque toujours deux hommes qui font leurs affaires, et ça durera pendant tout mon shift. Je sens que j’ai mal de partout, mais c’est sans importance. Je change de position et d’endroit avec une poignée de préservatifs dans une main et ma bouteille de lubrifiant dans l’autre. Pour le coup de lingette, ça devient optionnel, et ça ne semble pas déranger grand monde.

A un moment donné, il y a eu une pause, j’entends que ça parle fort à l’entrée du passage. J’en profite donc pour user de la lingette, faire la toilette du chat diraient certains. Je viens de terminer, reprenant la pause à genoux, quand une femme entièrement voilée se présente. Je lui souris, certainement niaisement, quand elle me décroche une gifle de toute ses forces qui m’envoie au sol.

Même si je ne sens rien, ma main est venue par réflexe sur ma joue, des larmes coulent sur ma joue. J’entends des rires au loin. La femme me regarde, puis elle me dit : « mécréante, vous les femmes blanches, vous êtes toutes des putes, » puis elle se retourne pour partir non sans m’avoir auparavant, crachée à la figure. M’aurait-elle égorgée si elle avait eu un couteau ? La réponse m’échappe de toute façon, ne pouvant, de toute façon, ne lui répondre que : « merci madame ! »

Il faut croire que du moment où on est une prostituée, le terme « sale » devient adéquat, comme dans beaucoup d’autre situations afin de renforcer le qualificatif, c’est d’autant plus vrai dans un endroit aussi répugnant. L’autre mot que j’ai beaucoup entendu, c’est « blanche », et ainsi composée, l’expression « sale pute blanche. »

Ces personnes se sentent-elles plus fortes lorsqu’elles prononcent ce mot ? Pensent-ils que c’est plus dégradant, et plus encore en y ajoutant « sale » ? L’injure leur est-elle satisfactoire à ce point ? Pensent-ils exercer une quelconque vengeance sur un passé qu’aucun d’entre eux n’a connu ? Me voient-ils comme un trophée qu’il faut accrocher à son tableau ? Suis-je devenue, par ma couleur de peau, le symbole d’une réussite quelconque ? Les réponses me fuient, et ne m’appartiennent pas de toute façon.

Dans la mesure où je ne saisis rien d’aucune implication, je suis contente du dispositif lumineux mis en place par Henry. Il éclaire sur un bon mètre du sol, laissant tout ce qui est au-dessus dans la pénombre, de sorte que, hormis quand il fait jour, je ne fais que deviner les contours du visage des personnes qui se présentent. Dit simplement, il n’y a qu’en-dessous qui est dans la lumière, et moi avec, au moins je vois ce que je fais.

Ce dernier vient d’ailleurs d’arriver, c’est vrai qu’il fait jour, je ne m’en étais même pas aperçue. Ismaïl éconduit les personnes, nombreuses qui étaient encore présentes, tout en leur disant que je reviendrais. Pendant ce temps, Henry me fait signe de me nettoyer, ce n’est pas une mince affaire. Il faut enlever ce qui a séché, enfin tout. Il n’y a pas une parcelle de mon corps qui ne soit pas à l’image de l’endroit où j’exerce. Quant à mes pieds, j’avais ôté mes chaussures pour ne pas les abîmer, je n’ose imaginer dans quoi j’ai pu marcher pour qu’ils soient dégoûtant et puant à ce point.

Pendant ce temps, je les écoute discuter de la nuit. Ismaïl lui raconte qu’il a rapidement doublé la cadence car je passais rapidement de l’un à l’autre. Qu’il m’a bien fait boire, que c’est efficace car j’ai bien tenue, qu’il n’y a pas eu d’incident, qu’il faudra que je revienne car il y a de la demande pour baiser la pute blanche qui dit « merci » quand on lui crache à la gueule.

Il en continue en disant, encore, qu’il faudrait que je vienne minimum une fois par semaine. L’autre lui répond qu’il ne décide pas mais qu’il en parlera à Monsieur Alphonse. Il raconte enfin quelques anecdotes comme les deux qui m’ont pris en double debout, ou la femme qui a payé trente euros pour me gifler et m’insulter, chose dont pas grand monde ne s’est privé. Ils rient beaucoup.

Je suis moins sale, on me dit de me rhabiller, j’obtempère, puis de ranger. Les cartons retrouvent leur place. Je ramasse les déchets de mon shift, il y en a beaucoup, trop pour une seule fille. Henry a ramassé ses appareils, je le remercie pour la lumière, il se met à rire, encore. Pendant ce temps, Ismaïl fait les comptes :

- Alors les résultats ?

- Deux cent soixante-seize clients pour cinq mille cinq cent vingt euros !

- Tu en es certains ?

- Oui, j’ai recompté deux fois, mais j’ai pu oublier quelques clients. Ce n’était pas simple, parfois j’avais l’impression d’être Léonidas repoussant les perses, tu sais comme dans le film 300.

- Alphonse va être ravi de ce nouveau produit, je pense qu’il va vouloir voir combien de temps elle va tenir.

Après avoir fait les parts, ils se quittent sur une accolade et une main au panier pour moi. Lorsque je me regarde dans le miroir de la voiture… on va dire que je suis moins sale, et que je comprends pourquoi il y a maintenant une housse sur le siège en cuir. Je me fais l’effet de Cosette lorsque Jean Valjean, joué par Lino Ventura, vient la voir en prison. Rien que mes cernes feraient fuir n’importe quelle esthéticienne.

Trop accaparée par mon image, comme quelqu’un qui se regarde pour la première fois dans une glace, je ne suis pas la conversation entre Henry et Alphonse. Finalement, la voiture s’arrête devant ce qui doit être le club, sauf qu’lieu d’y rentrer, nous nous dirigeons vers un escalier qui descend vers les sous-sols. Le chauffeur m’envoie à la douche. Je n’ose pas regarder ce qui s’écoule dans la bonde, ni mon reflet, heureusement masqué par la vapeur. Une fois séchée, j’attends dans le plus simple appareil, assise sur la chaise qu’il m’a désignée.

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