81 – THE PRETTY RECKLESS : My Medecine
Je me réveille dans ce qui ressemble à un décor de film d’horreur, une pièce dans le genre ancien hôpital désaffecté faisant le bonheur des squatteurs, mais surtout des revenants décédés à hanter cet endroit et dont les cris vous glacent d’effroi. Les murs, qui ont dû être gris, sont maintenant peints de graphes morbides par endroit. Des plaques d’enduit se sont détachées ou sont prêtes à rejoindre leurs amies au sol. La peinture au plafond se racornie à de nombreux endroits, le plâtre est largement tombé dans un angle, faisant apparaître des lames de bois.
C’est tout ce que je peux voir avec mes yeux. Comme au « glory-hole », je suis prisonnière de mon corps, j’entends, je vois, je sens, mais il m’est impossible de faire le moindre mouvement. Je me trouve attachée sur un fauteuil d’examen gynécologique, mes jambes sont sanglées dans les étriers écartés au maximum. Je vois un portique sur lequel sont accrochées différentes poches de perfusion translucides. Vers qui s’écoulent-elles ? Qui d’autre que moi !
Comme pour ajouter à l’atmosphère glauque et sordide de cette pièce borgne, l’un des néons n’arrête pas de cliqueter en clignotant. Je viens finir mon inspection, enfin ce que je peux voir en roulant des yeux, lorsque Monsieur Alphonse rentre dans la pièce en regardant sa montre. Quand il relève la tête, il semble ravi de me voir, les yeux grands ouverts, c’est alors qu’il commence à me parler :
- Ma petite Poéma, que ce prénom est ravissant, puisque c’est le tien n’est-ce pas, mais sincèrement, je préfère Eiffel ou Valériane. Tu sais que tu nous en aura donné du fil à retordre. Mais je vais prendre le temps de te raconter une petite histoire, pour rajouter à l’enfer que nous allons te faire vivre juste avant que tu ne meures, mais je voudrais te présenter quelques personnes.
Il demande alors à des personnes d’entrer, et qu’est-ce que j’aimerais pouvoir hurler quand je vois arriver Jonas et son fils, le Président et Chax, tous souriant, regardant ma nudité, et c’est alors qu’il reprend :
- Voilà, maintenant que tout le monde est là, je commence. Il était une fois une jeune fille dont le rêve était de devenir policière, la meilleure possible. A l’école de police, elle se trouva en concurrence avec un jeune homme, dont même le père l’incita à le laisser passer devant, mais elle s’obstina, ce qui nous contraria tous beaucoup. Nous avions en effet projeté de nous implanter à Lyon, et quoi de mieux qu’un élément en interne pour nous renseigner et nous ouvrir la voie.
Il s’interrompt, lisant apparemment ce qu’il souhaite dans mes yeux, derrière lesquelles le monde qui est le mien commence à s’effondrer, il poursuit donc :
- Avec l’aide de ton mentor, JC je crois, qui a d’ailleurs eu une belle promotion et une mutation, là où il désirait, pour service rendu, nous avons monté ce petit traquenard, certains que tu commettrais une bourde sous la pression, ce qui n’a pas loupé. C’était une belle récompense après tous ces mois de préparation minutieuse et de corruption, y compris de ton cher commissaire, qui lui aussi après une promotion et parti prendre une retraite bien méritée avec tous les honneurs.
A nouveau s’arrête, il tend sa main et ramasse une larme avec son doigt, satisfait, et reprend :
- Tout s’est enclenché lorsque tu es montée dans l’ambulance, l’infirmier qui t’a ausculté était en fait une personne qui avec sa petite lampe t’a hypnotisé afin de mettre en place un process pour t’inciter à devenir une pute et à accepter ce qu’on te demanderait pour cela, puis à aller te prostituer sur le boulevard ainsi que sur nos sites d’escorte. Tout s’est bien déroulé, tu ne t’es même pas rendue compte que ton ordinateur avait été trafiqué, que ce que tu as pu consulter comme textes ou vidéos parachevait ton conditionnement, et t’amenait sur nos sites.
Il reprend son souffle :
- Même si j’ai suivi ça de loin, c’était très marrant de te voir te démener pour rien puisqu’il n’y avait aucune mission. Enfin si, il y en avait une, celle de nous indemniser du pognon que tu nous a fait perdre en retardant notre arrivée lyonnaise, et je dois dire que c’est pas mal. Nous avons filmé nombre de tes prestations, je regretterais presque que ça s’arrête. Tes films marchent bien d’ailleurs, surtout les derniers avec tous ces migrants qui te passent dessus les uns après les autres, ça en est répugnant tellement tu sembles aimer te faire baiser dans les ordures.
Tous se mettent à rire.
- Pour finir d’enfoncer le clou, saches qu’on s’est aussi chargé de ruiner ta vie, une compensation satisfactoire. Nous avons envoyé une vidéo à tes parents, te montrant en train de racoler, de monter dans des voitures, puis de revenir. Avec les quelques liens joints, ils ont pu aussi regarder certaines de tes prestations en chambre. Jonas a rendu un excellent rapport à ce propos, tu as donc été radiée des effectifs, une pute dans la police, ce n’est pas bien voyons !
Il s’arrête de nouveau, regarde ses comparses qui acquissent, il ajoute :
*
- Alors voilà ce qui t’attend maintenant, tu vas nous faire gagner de l’argent une dernière fois avec une sorte de « snuff movie », tu sais, ces films qui mettent en scène torture, suicide, viol et autre meurtre, mais un peu particuliers. Celui-ci va s’appeler « Valériane et les mille et une bites », sauf que ce n’est pas un conte. Quand le compteur que tu vois là-haut, bien devant tes yeux, affichera 1001, tu recevras une dose létale via ton intraveineuse, sauf si le public en redemande, auquel cas on enchaînera sur « 2001, l’odyssée de Valériane ».
Il semble si content de lui, et, reprenant son souffle :
- Pour ta gouverne, dans les poches, il y a un antibiotique pour te garder en bonne santé, et ce qu’il faut pour te nourrir et t’hydrater, il y a même quelqu’un qui passera régulièrement te nettoyer et les changer, y compris l’urinaire, on ne voudrait que nos clients soient incommodés, tu sais tes chers migrants. Sauf que cette fois, ils peuvent te sauter avec ou sans capote, ça n’a plus d’importance n’est-ce pas, et te faire ce qu’ils veulent, sauf te crever les yeux, pour que tu puisses voir jusqu’au bout ta vie défiler, ou t’amputer car on a ouvert des paris sur le nombre de bites qui te fera crever.
*
Il va pour partir, les autres le regarde, interrogateurs, il se retourne :
- Ah oui, tu es morte, tu as été inhumée la semaine qui a suivi ton arrivée ici, suicide, on a même un beau rapport de police sur ton décès, pas beau à voir, cercueil plombé. Tes parents n’ont pas réclamé ta dépouille, tu reposes dans la fosse commune. Voilà, il me reste à te dire adieu, petit scarabée.
Le fils de Jonas sort en dernier, me faisant un doigt d’honneur.
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