82 – MUSE : Hysteria
Saucissonnée sur mon fauteuil, alimentée comme une personne dans le coma, c’est une chape de plomb qui s’abat dans mon cerveau, je suis morte, ma famille m’a reniée, la police m’a rejetée et on m’a volé ma vie en faisant de moi une pute. C’est à peine si je vois le premier qui se présente, et le chiffre « 1 » qui s’affiche sur le compteur.
Je sombre dans les abîmes d’une profonde dépression, plus encore parce qu’une sorte de verrou vient de s’ouvrir dans mon cerveau, de lever des voiles qui m’étaient inaccessibles. Je m’en veux pour tout, pour ce cerveau si malléable, de comprendre que mes choix n’en étaient pas. D’avoir joui pendant des rapports sexuels tarifés, d’avoir été filmée et vendue telle une marchandise.
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Aussi seule que je me sois dans cette pièce, l’abandon est plus douloureux encore. Je me demande si mes parents m’ont réellement renié, ou alors peut-être n’ont-ils pas cru à ma mort ? Il y a tant d’images qui repassent dans ma tête, y compris celle de ces dernières semaines avec les nombreuses partouzes dans lesquelles j’ai été jetée. Ceux qui ont pris plaisir à me faire du mal dans leurs jeux sadiques.
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Régulièrement, je sors de ce marasme marécageux par la violence de mes violeurs successifs, mais aussi de tous ceux qui regardent. Souvent c’est une claque, un coup de poing dans le ventre, dans la mâchoire, mon nez a craqué plus d’une fois, je ne vois plus que d’un œil, certains repartent avec une dent en guise de trophée ou mes piercings. On me taillade le visage, le corps avec des lames en tous genres.
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Mais en fait, je m’en fiche complètement, les images inondent mon esprit et je n’y peux rien, je ne cherche plus à comprendre, j’ai seulement envie que ce compteur affiche « 1001 » ou que mon organisme lâche enfin, mais il tient. Est-ce à cause de cet homme qui vient régulièrement, tous les cent passages. Il change mes poches, me nettoie grossièrement, remet mon nez en place, ouvre mon œil enflé. Son regard plein de compassion est bien la seule lueur de bonté, même si je lui en veux de ne pas m'abandonner.
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Pourtant parfois, je me demande comment je suis, dans quel état se trouve mon corps. Je ne vois que mes jambes, fort balafrées, je suppose que les autres parties doivent être dans la même veine. Que penserait Stan en voyant son travail ainsi souillé. Mon soigneur passe souvent beaucoup de temps à me réparer. Quand il bouge ma tête, je peux voir les caméras. On est loin des boîtiers de Henry, là, c'est du lourd, il doit y avoir quelqu'un pour garder tout ça, où se trouve-t-il ?
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L'esprit a parfois des arcanes surprenants. Dans le désespoir qui est le mien, j'essaye de passer en revue les textes que j'ai pu lire. Tous ne me reviennent pas, mais comme pour les vidéos que j'ai pu regarder, j'essaye de trouver qu'elles ont été celles qui m'ont retourné le cerveau. Ai-je envie de vivre ou de mourir, dois-je me concentrer sur ce compteur qui à chaque coup de bite me rapproche de ma fin et goûter pleinement chaque minute qu'il me reste ?
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« The Final Countdown », mais il n'y a pas de musique, sauf celle des râles de ceux qui m'assaillent, mais ce n'est rien de plus qu'un son. Je me rends compte que je suis autre part, chez moi, il doit rester quelque part le fil d'un espoir, mais pour quelle vie, que restera-t-il de moi ? Vais-je me prostituer aussi dans cette nouvelle vie qui pourrait s’offrir à moi. Y a-t-il quelqu’un qui pense à moi pour venir me sauver ? Fera-t-il de moi sa pute personnelle, m’exploitera-t-il ?
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On ne vient pas au secours de quelqu’un pour en faire ça, mais suis-je autre chose que « ça », une catin ? Est-ce pour cela que me revient en mémoire à ce texte sur l'art oublié de la suceuse…
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