91 – RIHANNA : Stay
C’est en début de soirée que j’arrive dans l’hôtel que j’ai réservé, consciente que je ne suis plus en état de rien. Je me force à avaler quelque chose qui doit être certainement très bon, mais qui me semble totalement insipide. Je trouve le sommeil dans le bonheur des souvenirs qui m’emporte à un endroit où nous sommes ensemble, où je peux entendre le son de sa voix me réchauffer.
L’agence de location ouvre au moment où j’arrive. Je récupère mon véhicule, le temps de traverser la frontière et de parcourir les quelques kilomètres qui me sépare de cet hôpital dont je m’étais enfuie il y a quelques mois. En y repensant que je prends conscience de cette réalité, je peux évoquer, me souvenir de ces mois passés ici sans que ça dérive en un grand n’importe quoi.
Je me suis habillée très simplement avec un jean tee-shirt et de baskets, mon cuir par-dessus. Je stationne ma voiture. Je trouve à l’accueil, où je dois me rendre, je fais partie des personnes dont les visites sont autorisées. J’en suis surprise, moi qui avais préparé un gros mensonge au cas où, préparation qui avait occupé utilement mon esprit pendant que je conduisais.
Lorsque j’arrive à l’étage indiqué, je trouve sans problème la chambre dont la porte est ouverte. A l’intérieur, se trouve les trois enfants de Gilbert qui veille leur père. Je voudrais les laisser à leur peine, me sentant de trop, cependant, je ne peux pas détourner mes yeux de l’homme alité dont j’entends le cœur battre et le mien se mettre à l’unisson.
Je suis tétanisée sur le pas de la porte, mes larmes coulent en un flot ininterrompu. C’est lorsque leurs têtes se tournent vers moi qu’elles cessent. Je lis dans leur regard l’interrogation que je ne voulais pas y voir en essayant de les éviter à tout prix. Je n’ai jamais demandé à Gilbert s’il avait parlé de moi à sa famille, je trouvais cela tellement déplacé en raison de la façon dont on s’est rencontré.
Seulement, il y a un autre motif. Si au départ il y avait une vague ressemblance avec Véronique, son épouse, et la mère des trois personnes qui me dévisagent, aujourd’hui, je lui ressemble, plus qu’énormément. Je suis comme une sœur presque jumelle sans l’être. Autant mon médecin que Stan, ont soutenu que c’était dû à la reconstruction de mon visage, je ne peux que me ranger à leur avis. Cependant, je ne peux m’empêcher de penser que c’est une volonté de Gilbert qui souhaitait aimer deux femmes à l’apparence d’une seule.
L’une des trois personnes présente se dirige vers moi, me tend une main interrogative, « Valériane ? » Il s’en sert pour m’attirer à l’intérieur alors que je réponds affirmativement à sa question d’un hochement de tête. Il ajoute, « notre père nous avez prévenu pour la ressemblance avec notre mère. On ne pensait pas que ça pouvait être à ce point. Viens, il y a une chaise pour toi. »
En arrivant près du lit, je me penche pour l’embrasser sur la joue, puis lui murmure à l’oreille : « je suis là mon amour. ». Ce n’est pas sur la chaise que je me suis assise, mais une fesse sur le lit afin de pouvoir tenir sa main. Je veux qu’il ressente, là où il se trouve, où que ça puisse être, la force de mes sentiments. Je veux qu’il sache qu’il est entouré, qu’il n’est pas seul.
Combien de temps s’est-il écoulé ? Trop peu à mon goût, c’est ce que je pense. A un moment, nous le voyons ouvrir un œil, il nous regarde, tour à tour en souriant ce qu’il peut. Je le vois heureux, heureux de partir. Je reste encore, tenant sa main, à le regarder. C’est un besoin de garder d’autres image dans ma tête, d’autres photos, comme si la suivante était toujours meilleure que la précédente.
A l’agitation autour de moi, je comprends que la famille va arriver. Je sais que je dois m’éclipser afin de n’incommoder personne, même si on ne me le demande pas. Je l’embrasse une dernière fois, puis je lève mon regard vers le plafond, comme pour accompagner son âme. J’aimerais tant la regarder, qu’elle doit être belle. Je repose délicatement cette main, avec toute la douceur des caresses qu’elle a pu me prodiguer.
Sur un bout de papier arraché de mon carnet, je note mon nom et mon prénom, mon numéro de téléphone. Je le remets à celui des frères qui m’a accueilli, les autres ne m’ayant pas adressé la parole. Je le remercie du mieux que je peux, avec cette voix dont les paroles s’extirpent difficilement de ma gorge serrée. Je lui demande de m’avertir pour la suite, s’ils veulent bien que je sois présente, que je voudrais être là. Je lui dis que je resterais là, dans la petite salle d’attente au bout du couloir, pour quoi que ce soit.
Je reste assise sur ces fauteuils pendant un long moment, le regard dans le vide. Je fais défiler tout ce que je peux des souvenirs que nous avons. Tout ce que je souhaiterais à cet instant, c’est changer le passé, que nous ayons pu avoir plus de temps. Beaucoup de personnes viennent rendre hommage, certaines me regardent, la mine interrogative.
L’un des frères vient finalement me parler, m’indique que les funérailles auront lieu le surlendemain. Il me demande par contre de rester en retrait, loin des regards en raison de mon apparences, puisque des membres de la famille de leur mère seront présents. Inconsciemment, je m’attendais à ce qui va suivre, quand bien même je m’en serais largement passée.
Avec ses frères, ils savent que leur père faisait venir des prostituées à la maison et pourquoi. Ils savent que j’en suis une, donc qu’ils préfèrent que je reste éloignée, même si, vu ma façon d’être, mes sentiments sont certainement sincères. Je lui dis qu’il n’a pas à en douter, puis le remercie. Je le salue et quitte les lieux, tout en me demandant s’il ne va pas me traiter de pute !
Il s’en retourne, simplement. Je quitte le milieu médical pour regagner ma voiture, tout en demandant où aller. Cela vient comme une évidence, régler les derniers détails de ma vie antérieure. Je dois m’occuper la tête, et ce qui m’y fait penser, c’est d’apercevoir l’épouse du couple du s’occupe de la maison de Gilbert.
Je vais donc aller vider ma voiture, véhicule que je ne peux plus utiliser de toute façon. Le gardien est bien là ? De voir mon visage, ça lui a mis un sacré coup. Comme je le savais la voiture a été vendue il y a longtemps. Mes affaires elles, ont été stockées au sec dans la remise. Peut-être devrais-je simplement m’en débarrasser, mais j’ai le besoin de boucler la boucle d’une autre façon.
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