97 – THE PRODIGY : No Good (start the dance)

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Même si je sais que c’est moi, elle me semble presque proche celle qui a prononcé ces mots. C’est moi, mais pas moi, pffff. Ce doit être pour mettre du lien, de la cohésion dans ce qu’est ma vie aujourd’hui, que je me suis décidée à avancer, et à ce moment, que je ne devais plus être la seule à souffrir, qu’avec ce qu’ils avaient fait, aussi à ma famille, ils devaient eux aussi en avoir leur part.

On dit d’elle qu’elle est mauvaise conseillère, alors j’ai pris mon temps. On dit aussi qu’elle se mange froide, devant patienter, j’ai estimé qu’elle ne devait pas encore l’être assez, alors j’ai recommencé une activité qui me fait beaucoup de bien, mon travail d’enquêteur afin de partir à la recherche d’un hacker.

Je suis certaine qu’il m’a vue arriver, mais il m’a laissé l’approcher, enfin façon de parler. J’avais posé quelques petites pierres afin qu’il me contacte, ce qu’il a fini par faire, je pense par curiosité. Je lui ai proposé de créer un rançongiciel sur les sites d’escortes et de partages avec un décompte qui détruirait tant de photos et vidéos toutes les X minutes, en commençant par les plus anciennes, puis ensuite les pages d’escortes selon le même processus.

Il m’a dit qu’il avait besoin d’y réfléchir. Je ne lui ai pas caché quel genre de personnes se trouvaient à la manœuvre. Ça n’a pas eu l’air de l’inquiéter quand il m’a rappelé trois semaines après. Moyennant quelques milliers d’euros il a accepté, à charge pour moi de les déposer dans une consigne de la gare de Marseille-St Charles. J’ai eu un retour quelques semaines plus tard, un simple « C Fé ». Je savais que je ne disparaîtrais pas totalement, mais c’était une petite victoire.

Dans l’intervalle, j’avais eu une idée en accompagnant ma mère chez le vétérinaire pour faire castrer le nouveau matou de leur maison. Elle s’était même étonnée du sourire que j’affichais. Je n’avais pas le temps de passer un permis, alors je me suis contentée de la formation pour conduire une 125cc. C’était simple et rapide, j’ai même pris quelques leçons supplémentaires pour être parfaitement à l’aise.

J’avais acheté tout l’attirail, il ne me manquait que la monture une fois le sésame en poche. J’en ai choisi une orange et noire avec seulement quelques centaines de kilomètres, un achat dans l’attente du permis m’a dit le concessionnaire. La moto, c’est devenu une révélation. Il est certain que je ne tarderais pas à passer au stade au-dessus. En attendant, je vais régulièrement sur Lyon pour filer Lucas, le fils de Jonas.

La profession de détective privé, après tout, je suis un ancien flic, alors pourquoi, j’y prends beaucoup de plaisir. Comme lorsque j’étais en activité, le plus long, c’est d’attendre. Après des heures et plusieurs jours, je fais le constat d’une vie plutôt bien réglée. Quand on connaît la maison, son cycle de travail a été assez simple à établir. Sinon, pas de régulière ni d’enfants, il fréquente souvent le même bar avant d’aller presque toujours dans la même boîte. Il en ressort le plus souvent avec le même style de fille genre gothic ou emo, rien d’étonnant car c’est le thème de l’endroit.

Il ne me reste plus qu’à choisir quand. Avec tout ce que je prends ou que j’ai pris comme médicaments, j’ai largement de quoi accommoder son verre pour en faire ce que je veux. J’avoue que je ne suis pas très à l’aise avec toutes les parties de mon plan. Je me dis que c’est seulement une nouvelle étape, un grand pas dans mon rétablissement.

Dans le petit appartement que j’ai loué pour le week-end à un particulier, je me prépare. Le rituel est, presque, le même que lorsque je me préparais pour aller sur le boulevard. J’ai décollé ma perruque, puis je suis allée prendre une douche. Je me regarde dans la glace, vraiment, comme si c’était une première fois. Je suis belle, j’arrive enfin à le prononcer. J’ai le sentiment que quelque chose a cédé, enfin.

Faux cils, maquillage appuyé très noir sur un fond de teint presque farineux. Un porte-jarretelles avec de bas déchirés, une culotte anglaise à dentelle, une robe à froufrou au genoux largement décolletée avec un serre-taille. Je fixe la perruque aux cheveux rouges, couleur qui semble avoir la préférence de Lucas, ajuste mon rouge à lèvres, enfile une paire de gants aussi noir que le reste, ce dont j’ai besoin est déjà dans mon sac. Je coiffe mon chapeau, genre deadman, pour tromper les caméras extérieures, il n’y en a pas dedans.

Je suis déjà venue trois fois dans le club. Il procède toujours de la même façon en abordant au comptoir, maintenant, il faut seulement que ça fonctionne. J’arrive donc un peu avant son horaire habituel, le comptoir est déjà pris d’assaut. Je trouve cependant une place à une table haute juste à côté et prend place sur un des tabourets avec mon cocktail sans alcool, « pour que la fête soit plus folle. »

Il finit par arriver plus tard, mais déjà passablement entamé, se dirige directement vers le bar d’où il ressort avec un verre à la main. Il scrute la salle, sans manquer de me remarquer alors que je fais celle qui s’ennuie. Il m’aborde, plutôt poli en demandant s’il peut s’asseoir, et c’est parti pour le baratin. Il est plutôt habile, surtout quand il dit l’air de rien qu’il est policier, ça met en confiance, c’est certain.

Il n’y a plus qu’à tenir le crachoir, à attendre l’occasion. Elle arrive rapidement quand il part aux toilettes, qu’avisant au même instant une serveuse, je lui demande : « un double pour Lucas ». Elle comprend sans rien ajouter, revient rapidement. Elle refuse mon billet, me faisant comprendre qu’il a ses entrées. Je n’insiste pas, mais n’en pense pas moins, afin de ne pas marquer sa mémoire, puis dès qu’elle a tournait le dos, j’accommode son whisky en faisant tinter le cube de glace.

Ce que je fais est répréhensible, ce n’est pas comme avec le hacker, là, c’est réellement moi, mais il est trop tard pour reculer. Cette décision, c’est moi qui l’aie prise, plus question de reculer pour me morfondre ensuite. Quand il revient, après avoir salué nombre de personnes, il reprend sa place sur un « je ne t’ai pas manqué au moins », puis reprend ses arguties de bonimenteur.

Petit à petit, je constate les effets de ma mixture, je n’en connais que trop bien les effets sur quelqu’un d’autre que moi. Finalement, il me dit qu’il va rentrer, qu’il doit avoir trop bu, ne dit pas non quand je lui propose de l’accompagner. Je vide le fond de son verre, et le met avec les pailles du mien dans un sachet hermétique, on ne sait jamais, puis me transforme en béquille, clopin-clopant.

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